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Salesforce pourrait (enfin) racheter Box
L’arrivée d’un fonds activiste au capital de Box pourrait ouvrir une voie royale à un futur rachat par Salesforce qui lorgne depuis 3 ans, et pour beaucoup de bonnes raisons, sur l’éditeur d’EFSS et d’ECM.
Alors que depuis juillet le NASDAQ semble être rentré dans une tendance baissière (ou en tout cas étale), un titre vient de bondir de plus de 12 %. Il avait pourtant été sanctionné fin août par les marchés après des résultats trimestriels en ligne avec les attentes. À cette date, ce titre avait perdu, en cumulé, 40 % de sa valeur sur un an. Cette société, c’est Box.
Pourquoi un tel retournement ? Les marchés se sont-ils rendu compte qu’ils avaient mal lu depuis 12 mois les performances d’un des leaders de l’EFSS (Enterprise File Sync and Share) ?
Évidemment, non. Ce rebond tient, en fait, au retour d’une rumeur persistante qui voit Box se faire racheter par plus gros que lui.
Un fonds activiste au capital de Box
Tout a commencé le 3 septembre. Un « fonds activiste » (Starboard Value) entre au capital de Box via l’achat de 7,5 % des actions de la société. Pour rappel, on parle de fonds activiste dans le sens où les représentants de ce type de fonds entendent peser activement sur la gestion et la stratégie des cibles dans lesquelles ils mettent leur argent.
Avec ses 7,5 %, Starboard Value est aujourd’hui le troisième plus gros actionnaire de Box.
L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais les banques d’investissement D.A. Davidson et Wells Fargo ont une vision un peu plus long terme. Selon Philip Winslow de Wells Fargo, cité par le site Seeking Alpha, l’opération de Starboard Value confirmerait que Box est « une cible attrayante pour une acquisition – […] comme le montrait une présentation de M&A fournie au conseil d’administration de Salesforce.com et rendue publique ».
De son côté, D.A. Davidson confirme qu’il voit un chemin tout tracé vers un M&A (fusion acquisition) avec comme acheteur Salesforce, Microsoft ou IBM.
Box dans la ligne de mire de Salesforce depuis 3 ans
La présentation dont parle Philip Winslow date de 2016. Elle avait fuité dans la presse et indiquait que Salesforce envisageait plusieurs rachats majeurs dont Demandeware (réalisé peu après), Tableau (concrétisé cette année), LinkedIn (qui lui a échappé à cause d’une surenchère de Microsoft) ou ServiceNow, qui est devenu trop cher et qui chasse aujourd’hui sur ses terres.
Sur cette liste, figurait aussi Box ; mais la transaction n’était pas envisagée au motif que « le PDG n’était pas intéressé » (sic). Un fonds actif à son Board, dont le but est de faire une plus-value à moyen terme, pourrait le faire changer d’avis sous la contrainte.
Un rachat par Salesforce aurait en tout cas plus de sens que par Microsoft. Ce dernier possède déjà une solution EFSS de bout en bout, performante et bien implantée dans les entreprises avec OneDrive – un des socles de la suite de productivité Office 365. Quant à IBM, envisagé par D.A. Davidson, il possède déjà une suite ECM robuste plus lucrative que l’EFSS (lire ci-après).
Salesforce, en revanche, manque de cette brique de stockage qui permet à la fois de gérer l’information en interne voire de la sédimenter (et qui serait un ajout bienvenu dans son envie de devenir la source centrale d’information des entreprises) et de partager des documents avec l’extérieur (factures, devis, etc.).
Box plébiscité par Gartner
Box est historiquement considéré comme une solution plus B2B que son grand concurrent Dropbox, qui est certes plus populaire auprès du grand public – et qui a donné son nom au secteur, souvent décrit comme celui des « Dropbox-like » – mais qui est moins présent dans les grands comptes.
Certes Dropbox a comblé une grande partie de son retard en ajoutant des fonctionnalités dédiées aux entreprises, mais Box reste par exemple le Leader (avec Microsoft) du Magic Quadrant des Content Collaboration Platforms du Gartner. Ce qui en fait une cible de choix.
Un renfort transverse pour Salesforce
Racheter Box serait pertinent à plus d’un titre pour Salesforce. Déjà, comme dit précédemment, il comblerait un trou dans la raquette du numéro un mondial du CRM en lui fournissant un EFSS, et pas n’importe lequel.
Ensuite, Box viendrait en appui de quasiment toute son offre (en premier lieu, Sales Cloud, Marketing Cloud, Commerce Cloud et Service Cloud).
L’outil serait en quelque sorte un renfort transverse, comme le sera MuleSoft avec sa capacité à jeter des ponts entre les différentes architectures des clouds de Salesforce.
IA et ECM
À la différence d’un Tableau (qui a des zones des chevauchements avec Einstein Analytics ce qui promet des arbitrages financiers entre les deux R&D), Box ne concurrencerait aucune offre existante de Salesforce. Mais tout comme Tableau, il pourrait bénéficier de services cognitifs et d’IA – considérés parmi les plus aboutis du marché – pour infuser sa gestion des documents.
Cela tombe bien, c’est peu ou prou la stratégie suivie par l’éditeur avec ses « Box Skills » (pas encore connectables aux APIs de Salesforce), et qui vient également dans l’automatisation intelligente de refondre son moteur de workflow (Box Relay).
On notera au passage que cette automatisation de workflow pour les cas documentaires complexes place Box sur les terres de l’ECM (Enterprise Content Management), face aux Alfresco, OpenText, Hyland, IBM, Microsoft et autres Nuxeo. Ce qui ne peut être qu’un intérêt supplémentaire pour Salesforce qui verrait s’ouvrir à lui un marché plus large (et plus rémunérateur) que le seul EFSS.
En tout état de cause, l’IA dans l’EFSS est une tendance importante. Et les cas d’utilisation sont nombreux. Ils vont du Speech to Text (réalisation de verbatim des fichiers audio ou sous-titrage de vidéos) en passant par l’analyse des sentiments ou la reconnaissance d’images à grande échelle pour taguer des métadonnées et optimiser ainsi les recherches par les utilisateurs.
Un bon coéquipier pour Quip
Enfin, Box serait le complément idéal de Quip.
Quip a été racheté 750 millions de dollars en 2016. Il est présenté par Saleforce comme un Office Online ou un Google Docs « en mieux ». Or Box s’interface avec les suites bureautiques de Google et de Microsoft, mais il ne permet pas en natif de modifier les documents avec un éditeur maison. Ce que lui permettrait Quip.
Bref, les bonnes raisons de racheter Box ne manquent pas pour Salesforce qui, de surcroît, s’est lancé dans une croissance à marche forcée pour atteindre les 60 milliards $ de CA en 2034.
Avec la seule contrainte identifiée en 2016 (le désintérêt du PDG) qui a de fortes chances de se lever avec l’arrivée du fonds activiste, Box pourrait donc bien tomber dans la boîte de Salesforce d’ici quelques mois.