En route pour la bourse, Infor change de PDG
Alors que le projet d'introduction en bourse reste d'actualité, l'éditeur d'ERP Infor a changé sa direction à la surprise générale. La nomination de l'ancien DAF au poste de Charles Philips laisse entrevoir une gestion qui rend la mariée plus belle pour les marchés.
Changement surprise à la tête d'Infor. Le Président Directeur Général de l'éditeur depuis 2010, Charles Philips, quitte ses fonctions et laisse sa place à un financier.
Son successeur, Kevin Samuelson, était jusqu'à présent le DAF de l'éditeur.
Infor donne peu d'informations sur ce changement majeur de direction. Il semble néanmoins qu'il s'agisse de la volonté de Charles Philips. L'ancien « Marine's », ex- co-président d'Oracle et proche de la famille Obama ne part en effet pas de l'entreprise, puisqu'il en est nommé Chairman of Board of Directors (Président du Conseil d'administration).
« Nous avons été les témoins directs du leadership et du dévouement sans faille de Charles dans la migration de l'entreprise vers le cloud [...]. Nous lui sommes reconnaissants pour son travail au cours des neuf dernières années », ajoute David Dominik, directeur général de Golden Gate Capital, dont le premier investissement dans Infor date de 2002, « nous sommes heureux que l'organisation continue de bénéficier de sa vision et de son expertise dans son nouveau rôle de président du conseil ».
Charles Philips, artisan de la croissance et de la transformation d'Infor
Kevin Samuelson est lui aussi un vétéran d'Infor. Il y a passé 14 ans notamment dans une fonction clef de supervision des fusions et des acquisitions (M&A) et de CFO. « Il a joué un rôle déterminant dans la réalisation d'acquisitions stratégiques, aidant ainsi la société à passer d'un chiffre d'affaires de 35 millions de dollars à 3 milliards, et en assurant la pérennité des partenaires investisseurs », souligne le communiqué officiel de sa nomination.
Sous la houlette de Charles Philips, en plus de cette croissance de 35 millions à 3 milliards, Infor est aussi devenu un éditeur d'applications ERP cloud et multitenantes. Ce virage a été initié avant d'autres gros acteurs du secteur (en premier lieu SAP et Oracle) et légèrement en avance de phase par rapport à la maturité du marché.
Quoiqu'il en soit, en plus des rachats (comme Birst pour infuser de l'analytique à ses suites), « Charles Phillips a investi plus de 2,5 milliards de dollars dans la conception et le développement de produits au cours des cinq dernières années », rappelle Infor.
Une partie de ces investissements a servi à « micro-verticaliser » les offres. Autrement dit, à rendre les suites ERP adaptées à des industries et (presque) clef en main (le cloud n'aime pas le spécifique). Une autre partie a été allouée à la refonte de l'UI via la création d'une agence Hook&Loop.
Rendre la mariée encore plus belle pour Wall Street
Depuis 2010 et le début de l'ère Philips, Infor a réalisé pas moins de 17 acquisitions, dont la plus importante reste GT Nexus (Supply Chain Management) pour 675 millions de dollars.
Cette stratégie de croissance externe a eu pour objectif de consolider un éditeur dont la particularité capitalistique est d'être à la fois épaulé par un industriel américain majeur et par des fonds - dont l'objectif clairement affiché est une introduction en bourse (IPO).
Pour mémoire, en janvier 2019, Infor a reçu un investissement de 1,5 milliard de dollars de ses deux principaux actionnaires, Koch et Golden Gate Capital. Cet investissement faisait suite à une injection de capitaux propres de plus de 2 milliards de dollars du seul industriel Koch en février 2017. Un peu comme si en France, Saint-Gobain avait massivement investi dans Cegid aux côtés des fonds anglo-saxons pour l'aider à grandir.
Le changement de direction ne modifie pas cette stratégie de croissance. Au contraire. « Dans son nouveau rôle de président du conseil, M. Phillips se concentrera sur l'élaboration de stratégies, sur les relations avec la clientèle et sur les nouvelles acquisitions », promet Infor. Il y aura donc bien encore des acquisitions.
La mission de Kevin Samuelson sera aussi (prioritairement ?) de continuer à développer le chiffre d'affaires - une mission importante pour rendre « la mariée encore plus belle » pourrait-on dire - avant une introduction en bourse toujours prévue pour 2020 au plus tard, en fonction des conditions du marché.
L'arrivée d'un financier à la tête d'Infor n'est en revanche certainement pas neutre. « Je suis convaincu que Kevin [...] fera passer à Infor une autre étape dans sa croissance, qu'il mettra en œuvre avec succès notre stratégie commerciale et qu'il tirera parti des opportunités du marché à venir », confirme Charles Philips.
Une autre mission du nouveau PDG - non officielle mais bien souvent centrale dans la promotion d'un DAF au poste de CEO avant une IPO - sera certainement d'augmenter les marges et de pressurer les coûts pour améliorer encore les comptes.
Une transition, mais vers quoi ?
Infor parle aujourd'hui d'une « transition » (« planned leadership transition »).
L'avenir proche dira s'il s'agit d'une transition pour une introduction imminente en bourse (les marchés apprécient encore plus les entreprises dirigées par les financiers), ou si un autre « gros » nom viendra remplacer Charles Philips.