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Faire du navigateur Web le nouveau bureau
Eric Klein, de VDC Research, explique pourquoi Chrome OS a pris une longueur d'avance sur le marché en proposant un système d'exploitation navigateur qui traite les usages en entreprise.
Chrome OS est peut-être le système d’exploitation navigateur le plus populaire du marché. Mais Éric Klein, analyste chez VDC Research, estime que la course est ouverte – une course qui transformera finalement le navigateur Web en bureau de demain.
Un système d’exploitation navigateur permet à des collaborateurs nomades d’accéder à leurs applications métiers via un simple navigateur Web. L’expérience de l’utilisateur final est comparable à celle qu’offre un poste de travail conventionnel, mais avec l’avantage de la possibilité d’accéder aux ressources de l’entreprise de n’importe où et avec n’importe quel terminal. Et pour Éric Klein, il y a également la promesse d’une sécurité et d’une automatisation renforcées.
Quel est aujourd’hui l’état de l’offre en matière de système d’exploitation navigateur ?
Eric Klein : Chrome en est aujourd’hui le meilleur exemple, mais cela ne veut pas dire que Microsoft et Apple ne vont pas dans cette direction.
Nous sommes à un point d’inflexion intéressant dans l’évolution des systèmes d’exploitation en général. Pour réussir à faire adopter Chrome, Google est passé par le monde de l’éducation, où il a décollé comme un feu de forêt. Là, les usages ont attiré l’attention sur un modèle intrigant pour aborder la protection contre les fuites de données. Il s’agit d’offrir un accès sûr et contrôlé aux applications. Et en associant à cela les produits de virtualisation d’éditeurs tels que Citrix ou VMware, on commence à voir des façons intéressantes d’aborder l’informatique des utilisateurs finaux.
Le problème est qu’il y a très peu de cas d’usage en entreprise pour un système d’exploitation de navigateur. Pour autant, un déploiement d’ordinateurs portables Chrome en environnement professionnel, entre les mains des travailleurs, peut permettre de réaliser d’importantes économies, notamment sur le déploiement. C’est pourquoi l’on voit Google investir beaucoup dans Chrome pour l’entreprise et communiquer de plus en plus dans cette direction.
Je m’attends à ce que Microsoft, qui a été particulièrement discret, s’inscrive également dans cette logique, de même qu’Apple. Le système d’exploitation de l’iPad va d’ailleurs déjà un peu dans cette direction. C’est une nouvelle façon de penser le provisionnement des applications et la sécurité.
Comment un système d’exploitation de navigateur est-il plus sûr ?
Eric Klein : Je parle de sécurité native ou intégrée. C’est de cela qu’il s’agit, à savoir des éléments de sécurité au niveau du matériel qui permettent une authentification et un chiffrement forts et fournissent une couche de sécurité supplémentaire. Apple dispose déjà d’une sécurité native robuste dans iOS, mais la sécurité native et embarquée au niveau du matériel est essentielle.
Quels sont les inconvénients d’un système d’exploitation navigateur pour les administrateurs ?
Eric Klein : Le premier défi potentiel tient au fait que le navigateur devient le bureau de l’utilisateur final, et c’est une chose à laquelle il faut s’habituer. Mais grâce à Google et à ses partenariats avec des éditeurs tels que VMware ou Citrix, le défi de l’expérience utilisateur est pratiquement levé. Nous verrons comment les entreprises se saisiront de cette opportunité, qui est finalement plus sûre.
Pour certains cas d’usage, par exemple les services sur le terrain, si un dispositif basé sur le système d’exploitation navigateur est cassé ou perdu, aucune donnée n’est perdue. Un utilisateur peut simplement aller chercher un nouveau Chromebook, se reconnecter, et reprendre ses activités là où elles en étaient. C’est une proposition de valeur inouïe.
Un autre problème auquel les entreprises peuvent être confrontées touche à l’infrastructure patrimoniale de Microsoft, en particulier l’administration des terminaux. Mais Microsoft s’en est éloigné pour aider à combler le fossé, et Windows 10 l’illustre bien.
Qu’est-ce qui motive cette poussée vers un système d’exploitation navigateur ?
Eric Klein : En fin de compte, il s’agit d’automatiser davantage et de réaliser des économies supplémentaires. Par automatisation, j’entends que la façon moderne [de déployer des applications et des postes de travail pour les utilisateurs finaux] permettra aux administrateurs de mieux utiliser leur temps, et de moins en consacrer à des tâches récurrentes. Cela concerne par exemple la gestion des correctifs : ces systèmes d’exploitation navigateurs se mettent à jour eux-mêmes. Au final, c’est l’opportunité d’automatiser et de gérer plus efficacement l’ensemble des plateformes du point de vue des équipes informatique.
Une fois que l’on a défini l’intégration et effectué la transition, on commence à réaliser des économies. Si les choses sont faites correctement, on s’aperçoit que les avantages de la virtualisation peuvent apporter une expérience utilisateur de bien meilleure qualité tout en offrant une manière plus facile d’administrer les applications.
Pourquoi le navigateur Web est-il devenu si important pour l’entreprise ?
Eric Klein : Ironiquement, la perception que l’on a de l’expérience utilisateur a changé et les smartphones nous ont conditionnés à interagir [les uns avec les autres] d’une manière différente. C’est en partie lié à cela.
Et puis, les éditeurs d’applications d’entreprise sont tous passés aux clouds et y ont investi si fortement qu’ils ont poussé les clients à l’adopter. Qu’il s’agisse de SAP, d’Oracle, de Microsoft ou de Google, le cloud est le moyen accepté pour faire évoluer les choses.
C’est un changement pour certaines grandes entreprises qui s’appuient sur de grandes plateformes ERP et CRM. Les fournisseurs ont poussé leurs clients vers le cloud. Cela ne s’est pas forcément fait sans heurts au départ, mais cela a bien fonctionné.
Ce qui s’est passé, c’est que le navigateur est devenu le véhicule d’accès à l’application. C’est la façon dont les gens se sont habitués à faire les choses maintenant. Le navigateur est devenu un espace de travail conteneurisé.