SITA fête ses 70 ans (en devenant plus éditeur que fournisseur réseau)
L'évolution de l'acteur historique des solutions IT pour le transport aérien traduit la transformation numérique du secteur : de plus en plus connecté, cloud, consommateur d'Intelligence Artificielle et d'informatique cognitive. Le réseau reste néanmoins central dans cette transformation qui s'accélère.
70 ans. Voila sept décennies que SITA - co-entreprise (ou joint-venture) avant l’heure fondée le 23 février 1949 sous forme de coopérative - conçoit des solutions informatiques pour les acteurs du secteur aérien. Pour fêter son anniversaire, les représentants d'une centaine de compagnies et d’aéroports (qui en sont également ses actionnaires) ont profité de l’annonce des résultats annuels 2018 pour se réunir en Belgique.
En plus de 70 (le nombre de bougies soufflées, donc), l’évènement a été marqué par deux autres chiffres clef : 1,7 et 50.
1,7 milliard de dollars
Le premier est 1,7. Le fournisseur de solutions IT et de communication a affiché un chiffre d’affaires record de 1,7 milliard de dollars (contre 1,6 milliard en 2017, en progression de 6,25 %).
Cette progression de la demande d'IT montre la croissance du secteur aérien et sa démocratisation (contrairement à l’analyse qui veut que les avions soient réservés aux plus riches).
« Le défi est clair : au cours des 20 prochaines années, le trafic passager devrait doubler, tandis que la capacité des aéroports augmentera de manière beaucoup plus lente », remet en contexte Barbara Dalibard, la PDG de SITA. « Cela nécessite une nouvelle approche du transport aérien ».
« La technologie sera nécessaire pour [...] gérer plus de passagers, plus de bagages, plus d’avions, plus de menaces, plus de réglementations et des attentes plus grandes de la part des passagers », ajoute le communiqué de SITA publié pour l'occasion. « Alors que l'industrie adopte ces technologies, il est essentiel que toutes les parties prenantes travaillent ensemble ».
Cette demande croissante d'IT traduit également la transformation numérique en cours des aéroports, de plus en plus connectés en interne (un aéroport est un patchwork d'acteurs interdépendants) et interconnectés en externe.
Aujourd'hui, SITA revendique 95 % des destinations internationales et plus de 13 500 sites connectés à son réseau.
50 %
Deuxième chiffre clef : plus de 50 %. L’année 2018 a en effet marqué un tournant historique.
Pour la première fois depuis sa naissance, l'activité logicielle de SITA a dépassé son activité réseau - qui donne d’ailleurs son nom à SITA puisque l’acronyme signifie Société Internationale de Télécommunication Aéronautique. Le développement et la vente de solutions génèrent donc aujourd’hui la majorité des revenus de l’entreprise.
« Il s'agit d'une étape importante car, si la connectivité reste un élément essentiel de notre activité, la croissance des applications est un élément fondamental de notre stratégie sur le long terme », confirme Barbara Dalibard.
Concrètement, le logiciel recouvre en premier lieu l'équivalent des ERP pour aéroport - les AMS (Airport Management Systèmes). Ces outils connaissent exactement les mêmes transformations que leurs homologues industriels : cloudification, APIfication, modularité, inter-opérabilité. SITA édite également des solutions de traçage des bagages, des logiciels pour les frontières et l'embarquement (visa numériques, biométries, etc.) et des moteurs de réservations pour les compagnies.
Autant de lignes de produits amenés à croître fortement avec la progression nombre de passagers et du besoin de fluidifier les flux dans les aéroports.
Le réseau, toujours central
La montée en puissance du logiciel ne signifie pas pour autant que le réseau va se réduire comme peau de chagrin. Au contraire, l'interconnexion accrue - interne et externe - des aéroports plaide pour sa croissance ; mais une croissance moins rapide que le logiciel.
Le cloud, par exemple, implique d’y investir massivement. Surtout si à terme, comme le prédisent certains experts de SITA, on y connecte jusqu'aux tours de contrôle, ce qui implique d'avoir une latence quasi nulle pour cette fonction névralgique et critique dans le guidage des avions.
Barbara Dalibard rappelle d'ailleurs que dans ce domaine historique, l'entreprise SITA expérimente et déploie des nouveautés - souvent en avance de phase par rapport à d'autres secteurs qui reposent moins sur le réseau.
« Depuis la création du plus grand réseau de données au monde en 1949, à l’existence de réseaux définis par logiciel (SDN) [...], SITA n’arrête pas de se transformer pour une industrie plus efficace », retrace la PDG.
Continuer à trouver les talents pour faire soi-même ses logiciels et son IA
La transformation se voit aussi concrètement dans les logiciels de SITA, avec l'arrivée du Machine Learning infusé dans l'AMS, ou de l'informatique cognitive avec la reconnaissance faciale dans les solutions d'automatisation des filtres sécurité et des frontières (Automatic Border Control). Autre exemple, demain, l'éditeur envisage de compléter le suivi par RFID des bagages - une recommandation technique de IATA - par de la reconnaissance visuelle de valises.
« Nous utilisons déjà des technologies émergentes, comme l'Intelligence Artificielle ou la biométrie [...] pour des opérations plus efficaces dans les aéroports et en vol, mais nous devons continuer à innover avec l'industrie pour façonner le futur du transport aérien », invite-t-elle.
L'invitation ne semble pas être un appel en l'air. Il traduit un réel défi de SITA. Car contrairement à beaucoup d'entreprises qui disent faire de l'IA et qui en fait se reposent sur des solutions tierces (Watson, GAFA, etc.), SITA fait son IA entièrement en interne. « C'est trop stratégique pour nous pour l'externaliser », nous expliquait très clairement Sergio Colella, Président Europe de la société, dans le numéro 4 de Applications et Données.
Résultat, SITA embauche des développeurs mais doit se battre pour attirer les talents - avec une notoriété moindre que les Google ou Facebook.
Pour demain, la co-entreprise prévoit déjà d'autres applications IT concrètes dans les agents virtuels, le prédictif (déjà en action dans certains AMS pour prévoir les retards d'arrivées des appareils et donc anticiper les problèmes d'exploitation au sol), le Deep Learning ou encore les jumeaux numériques (les fameux Digital Twins). Sans oublier la blockchain dans les aéroports. Bref, un voyage IT au long court.