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ERP : après un problème de migration, Revlon affronte plusieurs actions de groupes
Les actionnaires du géant des cosmétiques lancent des « class actions » à la suite d'un déploiement raté de SAP ayant provoqué interruption d'activité et perte de chiffre d'affaires. Revlon ne leur aurait pas communiqué l'étendue réelle des perturbations liées à la migration.
Zhang Investor Law est le dernier cabinet d'avocats en date à annoncer un recours collectif au nom des actionnaires du géant de la cosmétique Revlon, au motif que celui-ci n'a pas mis en place de mesures suffisantes pour planifier et superviser la mise en œuvre d'un nouvel ERP.
La poursuite affirme que Revlon n'a pas conçu, mis en œuvre et appliqué de façon constante des contrôles efficaces pour s'assurer que ses stocks, ses créances clients, ses ventes et ses coûts de revient étaient enregistrés et comptabilisés de façon appropriée.
Le 17 mai 2019, Bragar Eagel & Squire était le premier à faire savoir qu'il lançait une « class action » contre Revlon suite aux interruptions causées par son nouvel ERP SAP.
Le 21 mai, Wolf Haldenstein Adler Freeman & Herz LLP annonçait qu'il avait, lui aussi, déposé un tel recours. Rosen Law Firm, un cabinet d'avocats international spécialisé dans les droits des investisseurs, leur a depuis emboité le pas au nom des actionnaires de Revlon.
Ces actions de groupe s'appuient sur des éléments tirés de récentes communications officielles dans lesquelles Revlon admet qu'il n'a pas été en mesure d'assurer l'expédition de produits d'une valeur totale d'environ 64 millions de dollars et que la société a engagé des frais supplémentaires de 53,6 millions liés à ce problème.
Dans un document financier (le 10-Q du premier trimestre déposé le 31 mars 2019 auprès de la Securities Exchange Commission), Revlon reconnait que son chiffre d'affaires net du premier trimestre 2018 a été affecté négativement par des dégradations du niveau de service survenues dans son usine d'Oxford, en Caroline du Nord, suite au lancement de son nouvel ERP SAP.
Ce qui montre que cette saga a commencé un an plus tôt, en février 2018, au moment où le groupe de cosmétique a tenté de déployer cet ERP.
Trois mois plus tard, lors de sa conférence aux analystes datée de mai 2018 (et publiée sur le site financier Seeking Alpha), les dirigeants de Revlon font référence à SAP à huit reprises.
A l'époque, la société avait identifié un « manque de préparation et de mise en place de contrôles efficaces » dans le cadre du projet de migration.
Une migration SAP qui casse la chaîne logistique
Christopher Peterson, directeur de l'exploitation, y déclarait que « début février, nous avons déployé SAP pour une grande partie de nos activités nord-américaines afin d'intégrer la planification, l'approvisionnement, la fabrication, la distribution et les finances. [...] Nous nous attendons à ce que ce déploiement offre une plus grande visibilité sur la partie transactionnelle, en temps réel, pour prendre des décisions plus éclairées et plus rapides, pour améliorer l'efficacité du service à la clientèle et pour mieux gérer le fonds de roulement ».
Il ajoutait alors que « cependant, nous avons connu des problèmes lors du passage à SAP qui ont ralenti la montée en puissance de l'usine par rapport à ce qui avait été prévu ».
Christopher Peterson expliquait que l'interruption du système SAP avait affecté la capacité de l'entreprise à fabriquer des produits et à effectuer des livraisons à plusieurs gros distributeurs aux États-Unis.
Revlon estimait que la perturbation avait eu pour conséquence une baisse d'environ 20 millions de dollars de ses ventes au cours du trimestre considéré.
A cette somme, s'ajoutait des coûts de 10 millions de dollars pour les frais généraux non absorbés de l'usine en raison de niveaux de production inférieurs à la normale et pour les coûts de main-d'œuvre non récurrents dans l'usine d'Oxford, en lien avec les mesures prises pour remédier à la baisse des niveaux du service à la clientèle.
Interrogé sur la mise en œuvre, Christopher Peterson répondait que Revlon s'était attendu à ce que la mise en œuvre de SAP dans son usine d'Oxford se déroule sans anicroche.
Enfin, le dirigeant ajoutait que le groupe « a maintenant implémenté SAP dans environ 22 pays côté Revlon. Et l'entreprise Elizabeth Arden est sous JD Edwards ERP dans une grande majorité des pays ».
Christopher Peterson concluait que le déploiement de SAP avait donné à Revlon un ERP plus efficace sur la plupart des marchés de la marque et qu'il n'y a avait « pas d'autres implémentations de prévues à ce jour ».
Deuxième estimation, un an plus tard
Près d'un an plus tard, en mars 2019, Victoria Dolan, directrice financière, reconnaissait que l'entreprise avait au final dépensé 32 millions de dollars de plus en 2018 pour son exploitation qu'en 2017.
Elle attribuait également 54 millions de dollars de coûts directs au retour à la normal suite au problème lié à SAP.
« Notre usine d'Oxford fonctionne actuellement dans des conditions normales », assurait-elle pour rassurer les analystes, « SAP ne nous empêche pas de produire ce dont nous avons besoin aujourd'hui. En fait, la plupart de nos pipelines dans le monde sont pleins et je tiens à remercier nos clients et nos partenaires pour leur patience tout au long de 2018 ».
Toutefois, bien que les problèmes techniques semblent résolus, l'action collective des actionnaires ouvre un nouveau chapitre.
En mars 2019, l'action de Revlon a chuté avant de remonter, sans toutefois retrouver son niveau initial.
Zhang Law souligne pour sa part que les perturbations causées par le système SAP au premier trimestre 2018 auraient au final grevé d'environ 64 millions de dollars les ventes de l'année.
Autre grief, Revlon aurait fait la promotion de sa stratégie numérique, mais n'aurait réellement évoqué le dossier SAP que longtemps après l'interruption de production.
Pour les class actions, le groupe de cosmétique aurait donc fait des déclarations fausses et / ou trompeuses et n'aurait pas porté à la connaissance de ses actionnaires l'étendue réelle de ses problèmes avec la mise en œuvre de son ERP SAP.
Des problèmes d'ERP courants, une action inhabituelle
Pour Michelle Adams, porte-parole de Revlon, « cette action est sans fondement et nous la contesterons vigoureusement ».
Les problèmes liés aux ERP sont fréquents, y compris les échecs d'implémentations. Mais un problème IT qui aboutit à une action de groupe est très rare, analyse Jim Johnson de la société de consulting et de recherche spécialisée en ERP Standish Group International.
« Les contentieux les plus communs interviennent le plus souvent entre le client et l'intégrateur », commente-t-il.
Bill Baumann, d'une autre société de conseils en ERP, Panorama Consulting, acquiesce.
Pour lui aussi, un recours des actionnaires n'est pas chose classique. Il constate néanmoins - en tant que conseil juridique aussi bien pour les clients que pour les prestataires - que 90 % des litiges se terminent par un accord à l'amiable.