SAP intègre intimement Ariba et Fieldglass (et Concur) pour mieux leur injecter de l'IA
Pour fournir une vision complète des dépenses, SAP a entamé un chantier de rapprochement de ces différents rachats. L'unification des données ouvre également des perspectives pour infuser encore plus les trois outils à l'IA.
Ariba, la solution cloud de gestion des achats et des approvisionnements (Procure-to-Pay) rachetée par SAP en 2012, a organisé cette semaine son évènement client européen à Barcelone. Mais désormais, Ariba n'est plus seul sur scène devant les 4000 participants.
SAP a en effet entamé un rapprochement avec ses deux autres outils SaaS de gestion des dépenses : Fieldglass, pour les services et les travailleurs temporaires (ce qui s'apparente à une dépense de services) et Concur, pour les notes de frais - rachetés en 2014.
D'un point de vue organisation, Ariba et Fieldglass forment désormais une seule et même « business unit » interne chez l'éditeur allemand.
« Intelligent Spend »
Ce triptyque vise à fournir une vision unifiée et centralisée de toutes les dépenses d'une entreprise. Il permet également à SAP de collecter et de croiser les données de ces trois plateformes pour créer des synergies.
La première est de fournir un « benchmark », autrement dit un référentiel général avec lequel une entreprise pourra comparer sa structure de dépenses.
La deuxième est - évidemment - de jeter des ponts entre Ariba, Fieldglass et Concur. « Imaginez que vous ayez une commande inattendue, vous allez avoir besoin d'un extra. Vous pouvez le trouvez avec Fieldglass. Vous devez lui fournir un ordinateur portable. Vous pouvez le faire avec Ariba. Il vous faut ensuite l'envoyer sur site, peut-être dans un autre pays. Vous pouvez gérer cela avec Concur », illustre Vish Baliga, CTO de Fieldglass.
La vision globale que donnent ces passerelles entre les trois outils permet ce que SAP appelle à présent le « Intelligent Spend » - qui est également le nom du groupe interne qui chapeaute Ariba & Fieldglass et Concur.
Une pointe de Machine Learning
Ces données - une vingtaine d'années d'historiques - vont également alimenter des algorithmes de Machine Learning et de scoring, « même si nous en sommes au tout début », concède Darren Koch, Chief Product Officer SAP Ariba à une question du MagIT sur la manière et sur les données qu'utilise Ariba pour noter les fournisseurs - et donc déterminer l'ordre d'affichage des acteurs sur sa place de marché.
Ariba souhaite en effet jouer un rôle sociétal, avec une méthode très américaine (statistique, discrimination positive, etc.).
Un problème pourrait venir du fait que les entreprises françaises (ou allemandes) n'ont pas le droit de produire des métriques ethniques ou des statistiques sur les orientations sexuelles de leurs employés. Elles pourraient donc se voir injustement pénalisées, juste parce qu'elles sont dans l'impossibilité de prouver qu'elles sont « inclusives pour les démographies sous-représentées » (sic).
« C'est une question de localisation de l'outil - comme d'autres - que nous devrons régler au fur et à mesure. Mais de toute façon, un scoring sera toujours un mélange de plusieurs attributs », assure Darren Koch.
En tout état de cause, Ariba ne semble pas enclin à changer son algorithme en fonction de la nationalité des vendeurs. Pour le Dr. Marcell Vollmer, Chief Digital Officer de SAP Ariba - qui est allemand et qui a bien conscience de cette limitation - la solution viendra certainement de « pivots » (d'autres indicateurs qui montrent l'ouverture de l'entreprise). Reste à savoir lesquels.
Au-delà du scoring, l'IA aura plusieurs applications dans Ariba / Fieldglass / Concur. Une des plus demandées, bien que basique en apparence, est l'automatisation de la validation des dépenses qui ne posent pas de problèmes particuliers puisqu'elles sont conformes aux polices de l'entreprise, pour mieux se concentrer sur les exceptions.
Les algorithmes et le Machine Learning - nourris aux données internes, mais aussi aux données de SAP et aux données tierces - pourront également aider à trouver les gaspillages et autres dépenses excessives pour mieux les juguler ou servir à déterminer le risque fournisseur (en s'appuyant sur l'historique des problèmes de livraisons, etc.). Ils aideront aussi à automatiser le traitement des documents en en extrayant les champs pertinents (ce qui va au-delà du simple OCR), ou, à plus long terme à faire ce que Marcell Vollmer appelle « le process mining ». C'est à dire arriver à analyser et optimiser les procédures existantes - voire en recommander de nouvelles en demandant à une IA de trouver le meilleur moyen d'aller des données d'entrée de dépenses et des documents aux actions voulues en sorties.
Des retours utilisateurs internes ou d'acheteurs et de fournisseurs devraient également enrichir les jeux de données via la récente acquisition de SAP, Qualtrics, qui permet de faire des études et des sondages.
Marcell VollmerCDO SAP Ariba
« L'avenir sera motorisé par la donnée, mais piloté par l'humain », résume en une formule le CDO d'Ariba (NDR : « Powered by data, driven by human »). Il appartiendra par exemple toujours à l'entreprise acheteuse (cliente d'Ariba) de déterminer précisément quels sont ses standards éthiques (par exemple acheter d'abord local puis durable, ou l'inverse).
API et logique de plateforme
Ariba marche également dans les pas de Concur - qui s'est doucement mais sûrement transformé en plateforme, en s'ouvrant aux ISV (Independant Software Vendor) et aux intégrateurs, via des APIs pour leur permettre de créer des « apps ».
Concur revendique aujourd'hui une marketplace de 400 extensions.
Ariba entre dans cette même logique d'API. « Cela permet à nos partenaires d'identifier des trous dans notre offres et de les compléter en publiant des extensions », explique Sean Thompson, SVP Business Network et Ecosystem de SAP Ariba & SAP Fieldglass.
Parmi les applications qui ont déjà été créées, le responsable d'Ariba cite une solution de gestion des taxes dans les devis et les factures (« que nous ne souhaitons pas gérer en direct ») et un développement d'Accenture - pour une compagnie pétrolière - qui prend en charge de bout en bout l'envoi d'un agent sur le terrain, son équipement, et le timing du projet.
« En tant que suite intégrée d'applications, nous n'avons pas vocation à être les meilleurs partout. Cette logique d'API nous permet de nous ouvrir à ceux qui sont les meilleurs dans leurs segments, comme dans la gestion des contrats ou le paiement par exemple ».
La Marketplace qui valait 3.000 milliards de dollars
Ariba est aussi (surtout ?) une place de marché de fournisseurs. La filiale de SAP prévoit que le montant des transactions qui passeront par Ariba cette année s'élèvera à 3 billions de dollars.
Ces 3 000 milliards de dollars représenteraient plus de 10 % du commerce mondial total, selon la directrice marketing de la filiale Tifenn Dano Kwan.
Autre chiffre en croissance, le réseau Ariba compte désormais presque 4 millions de vendeurs B2B.
Face à la concurrence d'un Coupa, Sean Thompson assure que « la taille compte ». L'effet d'entrainement - être là où sont les clients pour les fournisseurs, et là où sont les fournisseurs pour les responsables des achats - semble marcher à plein.
« Mais comme nous facturons les vendeurs pour figurer dans notre place de marché, il nous faut constamment ajouter de la valeur pour eux-aussi », ajoute Sean Thompson.
Une des pistes pour consolider ce réseau passera là encore par la donnée et une offre baptisée « Discovery ». En résumé, les clients/acheteurs pourront se voir proposer par Ariba des fournisseurs qu'ils ne connaissent pas et qui correspondent à l'historique de leurs besoins. Un moyen d'aider les fournisseurs à vendre plus - en tout cas ceux qui sont bien notés par Ariba.
Accord en vue avec Amazon Business
Lors de son échange avec la presse européenne, Sean Thompson a conclu son intervention par un « scoop » concernant un vrai-faux compétiteur : Amazon Business. « Pour nous ce ne sont pas des concurrents, mais bien des partenaires », lance-t-il.
Et pour cause, Ariba va bientôt annoncer une intégration avec la plateforme B2B d'Amazon - un accord qui s'ajoutera à ceux passés cette année avec American Express et Barclaycard.