Red Hat s’explique sur les nouvelles orientations de son offre de stockage
Dans un entretien, le directeur général de la branche stockage livre les raisons qui poussent l’éditeur à faire disparaître de son catalogue les solutions autonomes et à privilégier Ceph au détriment de Gluster.
Le changement de stratégie de Red Hat concernant ses logiciels de stockage pose question. Les produits Ceph et Gluster ne seront plus vendus à part, mais inclus dans des solutions plus complètes dédiées aux containers ou aux clusters de machines virtuelles.
De plus, l’importance de Gluster est revue à la baisse. Il sera remplacé par Ceph dans le SDS OpenShift Container Storage (OCS), afin que les utilisateurs bénéficient d’un stockage objet de type S3 plus extensible, tout en conservant des possibilités aux formats fichier et bloc. Gluster devrait perdurer dans les solutions d’hyperconvergence de l’éditeur, mais son rôle serait « minimal ».
Pour y voir plus clair, nous avons rencontré Ranga Rangachari, directeur général des solutions de stockage chez Red Hat. Nous lui avons demandé de nous expliquer la raison de ces changements, ce que cela implique pour ses clients et comment l’éditeur voit véritablement l’avenir de Gluster.
LeMagIT : Pourquoi transformez-vous les produits autonomes Ceph et Gluster en composants intégrés aux offres de containers, de cloud hybride et d’infrastructures hyperconvergées ?
Ranga Rangachari : Parce que le marché a évolué en ce sens. Il y a six ans, lorsque nous avons lancé nos produits de stockage, personne ne parlait de cloud hybride ni de SDS. Nos clients voulaient juste un produit de stockage à installer dans le datacenter. Donc notre stratégie était d’offrir une solution d’appoint financièrement plus intéressante que la concurrence.
Puis, Le SDS est devenu un composant primordial, car il répond à l’impossibilité de déplacer des baies de stockage physiques dans le cloud. Désormais, il s’agit donc pour nous de proposer des solutions pour innover dans le contexte du cloud hybride. Nous nous focalisons donc sur des suites qui présentent entre autres l’avantage d’être précisément adaptées aux contraintes du stockage en cloud hybride.
LeMagIT : Que dites-vous aux clients d’OCS qui utilisaient jusque-là Gluster et qui devront désormais migrer vers Ceph ?
Ranga Rangachari : Pour un développeur qui construit une application avec OpenShift, la couche de stockage est complètement transparente. Personne ne s’en soucie. Et il n’y a pas de raison que cela change, puisque nous fournirons exactement le même niveau de fonctionnalités entre l’actuel framework OpenShift 3 et le prochain OpenShift 4.
OpenShift est un produit entièrement intégré dans tous les sens du terme. Ainsi, OCS n’a pas vocation à être un système de stockage à part, il est conçu comme un composant d’OpenShift Container Platform (OCP).
Enfin, pour les utilisateurs actuels d’OpenShift 3, nous fournissons déjà un kit de migration qui permet de passer d’un cluster OCP 3 à un cluster OCP 4.
LeMagIT : Qu’est-ce que cette migration va impliquer en termes de temps, mais aussi en termes de coût si l’on augmente la capacité de stockage ?
Ranga Rangachari : Il n’y aura aucun coût supplémentaire de mise en route ou de support pour quelqu’un qui passe d’OCS 3 à OCS 4 en conservant la même configuration. Nous ne facturons pas les mises à jour : si vous être déjà client d’OCS 3, alors le passage à OCS 4 fait partie de votre souscription.
Et techniquement cette migration sera transparente : si vous n’avez pas de raison de conserver votre stockage OCS 3, alors vous utiliserez vos baies de disques précédentes pour OpenShift Container Platform 4. Il n’est pas question d’aller acheter 200 Po de stockage en plus rien que pour faire la migration.
LeMagIT : Gluster va-t-il disparaître ?
Ranga Rangachari : C’est une question difficile car je ne sais pas comment le marché évoluera dans les années à venir. Pour l’heure, il n’y a pas de raison d’arrêter Gluster. Nous allons même proposer bientôt une mise à jour du logiciel autonome Gluster Storage. Néanmoins, Gluster sera désormais dédié à des usages spécifiques.
Je pense en l’occurrence à du NAS classique, utilisé chez des acteurs de la finance, pour stocker de grandes quantités de fichiers à des fins d’analyse depuis des postes Linux ou Windows. Mais aussi dans certaines entreprises qui souhaitent avoir un système de diffusion interne de flux vidéo.
Toutefois il faut comprendre que nous nous efforçons de rationaliser nos technologies pour trois bonnes raisons. La première est la capacité d’innovation de la communauté en charge de Rook, l’outil qui se base sur Ceph pour orchestrer le stockage dans Kubernetes. La seconde est la maturité du système de fichiers CephFS pour les usages d’OCS. Et la troisième est le stockage objet S3, désormais très populaire.
Ajoutons à tout cela que Ceph est complémentaire de la technologie de NooBaa, une société israélienne que nous avons rachetée en novembre dernier et dont le produit permet de gérer des espaces de stockage sur site et en ligne de manière globale.
LeMagIT : Le stockage objet d’OpenShift devenant massivement extensible, tout comme votre offre OpenStack d’ailleurs, doit-on comprendre que vous souhaitez vous focaliser sur les grands déploiements et délaisser les PME ?
Ranga Rangachari : Pas du tout. Pour commencer, ne mélangeons pas OpenStack et OpenShift puisque le premier a effectivement l’ambition de permettre aux grands comptes de construire leurs propres clouds, alors qu’OpenShift adresse une audience très large, de nos clients les plus petits aux plus grands.
Une entreprise, qu’importe sa taille, choisira OpenShift parce qu’elle a adopté les containers et qu’elle souhaite construire une plateforme sur laquelle elle peut développer des applications à ce format pour les exécuter sur site ou en cloud.
Alors, bien entendu, si l’on regarde à quoi Ceph sert aujourd’hui, on le trouve principalement dans les projets OpenStack. Néanmoins, grâce à notre intégration de Ceph avec Rook, grâce à notre containerisation du logiciel, il est désormais cohérent de faire fonctionner Ceph en dehors d’OpenStack.
La technologie reste la même dans les deux environnements, mais la manière dont Ceph est déployé et administré n’a rien à voir entre OpenStack et OpenShift. Le composant opérateur de Rook pour Ceph permet par exemple de provisionner des clusters sans intervention humaine. Et si vous devez faire une mise à niveau, cet opérateur s’occupe de tout à votre place, sur tous les clusters.
LeMagIT : Mais pourquoi ne proposez-vous pas de supporter à la fois Ceph et Gluster dans les prochaines versions d’OCS ?
Ranga Rangachari : La question n’est pas de choisir ou non de supporter Gluster, mais plutôt de savoir quelles interactions nous parviendrions à faire entre Gluster et Rook. Or, nous ne sommes pas sûrs que ce soit un sujet dans lequel la communauté Open Source ait envie de s’impliquer.
Par ailleurs, le choix mène souvent à la confusion. L’utilisateur voudrait utiliser Gluster pour ceci, puis souhaitera utiliser Ceph pour cela... Nous voulons éviter les écueils de l’embarras du choix. Et nous pensons que le passage d’OCP 3 à OCP 4 est le bon moment pour le faire.
LeMagIT : Les grands acteurs du stockage, comme Dell EMC ou NetAPP, sont-ils vos concurrents ?
Ranga Rangachari : Uniquement sur les serveurs de fichiers, puisque des entreprises qui utilisaient leurs solutions ont adopté les nôtres pour des questions de prix. Maintenant, sur le cloud, ce qui compte, c’est plus l’innovation que le coût.
LeMagIT : Vous aviez autrefois déclaré vouloir rendre les solutions de stockage de Red Hat aussi populaires que le système Linux lui-même. Est-ce toujours le cas ?
Ranga Rangachari : Ce que nous voulons, c’est que notre offre de stockage aide nos utilisateurs à réussir leur transition vers le cloud hybride. On ne peut pas être plus clair.