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L’Union Européenne veut pousser ses entreprises vers l’Open Data
L’Open Data comme moteur de croissance, c’est la position de la commission européenne qui a mis en place un portail de partage des données nationales depuis plusieurs années. Désormais, celle-ci cherche à aider les entreprises à emboîter le pas des Etats.
Le 22 janvier 2019, les négociateurs de l’Union Européenne parvenaient à un accord sur les nouvelles règles de partage des données du secteur public. La nouvelle directive relative à l’ouverture des données et les informations des services publics (ISP) vise à faciliter le partage des données des administrations de chaque pays de l’Union et ainsi, espère-t-on à Bruxelles, stimuler l’activité économique sur le continent.
Andrus Ansip, vice-président chargé du marché unique numérique, soulignait à cette occasion : « Les données sont de plus en plus le moteur de l'économie d'aujourd'hui et la libération du potentiel des données publiques ouvertes peut apporter des avantages économiques importants. La valeur économique directe totale des informations issues du secteur public et des données provenant d'entreprises publiques devrait passer de 52 milliards d'euros en 2018 à 194 milliards d'euros en 2030. Grâce aux nouvelles règles adoptées, nous veillerons à tirer un profit maximal de cette croissance ».
Cette directive est en droite ligne d’une stratégie Open Data initiée par l’Union voici plusieurs années et qui s’est notamment matérialisée en décembre 2012 par la mise en ligne du Portail des données ouvertes de l'Union européenne. Ce portail rassemble aujourd’hui plus de 868 000 jeux de données et si près de 14 000 jeux ont été produits par la Commission Européenne elle-même, l’essentiel provient des états membres.
Un outil pour donner accès aux données ouvertes de chaque pays
Dinand Tinholt, Vice Président en charge de l’Union Européenne chez Capgemini, le prestataire chargé du projet souligne : « En amont au développement de la première version du portail européen, nous avons réalisé une étude sur l’impact économique de l’Open Data puis ce que l’on appelle un Maturity Assessment (évaluation de la maturité) sur l’Open Data en Europe : à quel niveau de maturité se trouve actuellement chaque pays, quels sont les pays qui cherchent à améliorer la quantité de leurs données et la façon dont ils les publient. De son coté, l’Union européenne a révisé ses directives afin de pousser les pays à publier plus de données et pour promouvoir la réutilisation de ces données sur leur territoire. »
Dans le cadre de cette stratégie globale de l’Union Européenne, l’objectif du portail est de fournir des métadonnées relatives aux données mises à disposition par chaque Etat. Chaque pays reste bien évidemment techniquement responsable de la collecte et des traitements sur ses données et continue de les publier sur ses portails nationaux, d’un point de vue technique.
Ainsi, lorsqu’un visiteur souhaite accéder à une donnée via le portail européen, celui-ci est redirigé vers la source de la donnée. En parallèle, le portail européen fournit de multiples services autour de ces données, dont un moteur de recherche, des sources de données regroupées par catégories et par catalogues. Le portail délivre aussi des métriques relatives à la qualité des données fournies, ainsi qu'un service de traduction de l’ensemble des métadonnées.
Le portail Européen de données n’est pas à proprement parler une plateforme Big Data car sa vocation est de proposer des métadonnées vers des sources de données hébergées dans tous les pays de l’Union.
Extension de la stratégie Open Data vers le privé
Dans quelques semaines une nouvelle étape dans cette stratégie Open Data va être franchie avec le lancement du centre de soutien pour le partage des données (CSPD, aussi appelé Support Center for Data Sharing / SCDS).
Capgemini a décroché un marché de 3 ans afin de mettre en place ce nouveau dispositif dédié à l’Open Data et dont l’objectif dépasse désormais la sphère publique : « Les efforts de la Commission Européenne sur l’Open Data s’étaient jusqu’à maintenant concentrés sur les données publiques, les données collectées par les Etats. Ce sont des données qui peuvent avoir un impact fort sur l’économie, mais il existe encore un fort potentiel de développement si les entreprises partagent à leur tour leurs données dans un but B2B ou Business vers Gouvernement », explique Dinand Tinholt.
Un premier document de travail sur le partage des données par le secteur privé a été publié par l’Union en 2018. Celui-ci faisait apparaître que si l’Europe souhaitait promouvoir l’Open Data auprès des entreprises européennes, celle-ci devra surmonter de fortes résistances de la part d’entreprises par nature peu enclines à ouvrir leurs données internes à des tiers.
« Il y a bien évidemment des freins liés à la concurrence, avec des données considérées comme sensibles qu’elles ne souhaitent pas partager » souligne Dinand Tinholt. « D’autre part, les entreprises sont encore mal informées sur la façon dont elles peuvent partager des données de manière sûre. De multiples questions se posent quant aux modalités techniques et légales du partage de données au-delà des frontières de l’entreprise et, dans beaucoup de cas, les entreprises ne connaissent pas la façon dont elles peuvent aller vers l’Open Data. L’objectif de cette initiative pour les 3 années à venir est de promouvoir ces usages du point de vue technique, légal et organisationnel, leur fournir des retours d’expérience, des lignes directrice à suivre. »
Des outils et des bonnes pratiques pour les entreprises
Un nouveau portail dédié cette fois aux entreprises va être mis en ligne après l’été 2019, dès que la nouvelle commission sera en place. Ce portail va donner accès à des contenus, des liens vers des ressources dont beaucoup restent encore inconnues des entreprises et qui sont pour cette raison encore inexploitées.
Le CSPD n’offrira pas véritablement une market place d’outils Open Data ou de données sur le portail, mais un moteur de recherche sur un registre de solutions et vers toutes les places de marché existantes. En outre, le portail offrira un bac à sable pour tester des solutions Open Data.
Divers outils Open Source seront mis en ligne sur le site afin de permettre aux entreprises d’évaluer les solutions qu’elles pourront ensuite mettre en œuvre dans leur stratégie Open Data. S’il est encore prématuré de livrer une liste des solutions qui seront mises en ligne sur le portail, Dinand Tinholt livre un cas d’usage type : « Si on prend l’exemple d’une grande entreprise qui dispose de beaucoup de données celle-ci, pour des raisons concurrentielles, ne souhaite pas partager ces données avec tous. Par contre, il peut être opportun pour elle d’en partager une partie avec un fournisseur, un partenaire, mais sans ouvrir un accès à ce tiers dans son système d’information. C’est notamment ce que permet l’approche “Synthetic Data Sharing”, où, plutôt que d’envoyer les données à son partenaire, ce dernier va confier son algorithme à l’entreprise qui va l’exécuter sur ses données et lui retourner seulement les résultats produits. Le partenaire dispose des informations dont il a besoin sans jamais avoir eu accès aux données elles-mêmes. C’est un moyen sûr qui permet d’innover avec l’extérieur sans compromis en termes légaux ou de sécurité. »
L’expert souligne que l’office national des statistiques Néerlandaises exploite déjà avec succès cette approche pour des données à très petite échelle qu’elle ne peut diffuser à l’extérieur pour des raisons légales.
Un support technique et légal aux entreprises pendant 3 ans
L’autre volet du projet CSPD va être de fournir un support aux entreprises qui souhaitent lancer une stratégie Open Data. Le centre va leur fournir documentation, modèles de contrats, rapports, guides de mise en place d’APIs, retours d’expérience, avec un calendrier de publication déjà établi sur les 3 premières années d’existence du CSPD. En outre, les entreprises qui ont des questions en termes de droit ou de technique pourront appeler le centre pour obtenir des réponses.
Capgemini pourra répondre aux questions purement techniques et un partenaire juridique se chargera des questions relatives au droit.
Ce centre de soutien pour le partage des données est lancé pour une durée de 3 années, avec une ouverture du site prévu à la fin de cet été. Il sera alimenté avec des actualités, des « meilleures pratiques », des rapports sectoriels et thématiques. Des rapports réguliers doivent être publiés sur le plan légal et technique.
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