La branche hébergeur d’Iliad à la reconquête des entreprises françaises
Connu à l’international pour ses offres atypiques, l’hébergeur Scaleway cède au cloud conventionnel. Pour compenser sa perte d’originalité, il attaque le marché français avec des tarifs quatre fois inférieurs à ceux d’AWS.
Qui connaît Scaleway en France ? Manifestement pas assez de monde, de l’aveu-même d’Arnaud de Bermingham, le PDG de cette division dédiée à l’hébergement chez Iliad, la maison mère de l’opérateur Free. Depuis sa création il y a 20 ans, cette activité aurait pourtant connu un certain succès à l’international, grâce à des offres bare-Metal qui sortaient de l’ordinaire et qui ont manifestement séduit les développeurs du monde entier, à l’heure où le cloud public ne s’était pas encore standardisé.
La mode étant aujourd’hui aux machines virtuelles accompagnées d’une multitude de services prêts à l’emploi, Scaleway entend rentrer dans le rang. Pour compenser la perte de sa différence technologique, l’hébergeur compte du coup développer une activité concurrente à celle d’AWS, Azure et consort sur son territoire d’origine, la France.
« Nous avons pris la décision il y a un peu plus d’un an d’opérer un virage vers l’entreprise. Jusqu’ici nous étions spécialisés dans l’hébergement de serveurs pour les développements Android, d’une part, et dans l’infogérance de serveurs physiques d’autre part. Désormais, nous voulons proposer une offre équivalente à celles des leaders du cloud public. Pour nous démarquer, nous avons une stratégie qui tient en deux points : nous avons multiplié par trois notre effectif, afin de proposer un service d’accompagnement aux projets des entreprises et nous affichons des prix plus agressifs que la concurrence », lance Arnaud de Bermingham.
L’argument des instances dédiées pour garantir les performances
La marque Scaleway réunit en réalité trois activités historiques d’Iliad. Depuis décembre dernier, Online, l’hébergeur de clouds privés sur des serveurs dédiés à des clients, a été renommé Online by Scaleway. Dans le même temps, l’infrastructure immobilière Iliad Datacenter, qui compte quatre salles informatiques en région parisienne, plus une autre en Hollande, a aussi pris le nom de Scaleway Datacenter.
La troisième entité, Scaleway tout court, est celle sur laquelle se concentre à présent tous les efforts de transformation vers une offre de cloud public similaire à celles d’AWS et consort. C’est elle qui a démarré en 2014 avec une offre IaaS qui, étonnamment, ne consistait pas à louer des machines virtuelles, mais de véritables serveurs physiques.
« Il y avait une appétence importante pour des instances de serveurs physiques à l’époque car la puissance de calcul est garantie : il ne s’agit pas d’une fraction de processeurs partagés avec d’autres clients, mais de machines qui fonctionnent entièrement pour leurs utilisateurs. »
L’idée originale de cette offre est que les serveurs en question sont en fait des machines ARM, avec 4 cœurs Marvell et 2 Go de RAM, qui occupent individuellement aussi peu d’espace physique qu’un smartphone. Non seulement cette conception permet de disposer plusieurs milliers de serveurs dans une seule baie Rack, mais en plus chaque serveur coûte 5 à 7 fois moins cher qu’une machine virtuelle chez les offres IaaS concurrentes. Avantage supplémentaire des processeurs ARM : puisque ce sont eux aussi qui équipent les smartphones, les développeurs d’applications mobiles de tous les continents auraient tout naturellement trouvé chez Scaleway la plateforme idéale pour tester en live leurs projets.
En 2015, cette offre IaaS est déclinée en une version x86, appelée « C2 ». Elle est toujours composée de mini- serveurs, mais les processeurs sont cette fois-ci des Intel Avoton, des SoC (System on a Chip) qui embarquent tous les composants d’une carte mère dans une seule puce. En 2017, l’offre est mise à jour avec des Intel Atom C3000 Denverton.
Ces offres existent toujours au catalogue. Avec 20 Go de stockage SSD et une connectivité de 100 Mbits/s, ces instances sont proposées au tarif de 2,99€/mois. A titre comparatif, une machine virtuelle t3.small équivalente sur AWS EC2, mais sans stockage, coûte 2 centimes de l’heure, soit environ 3€ aussi, mais par semaine.
De l’IaaS facturé mensuellement au prix hebdomadaire d’EC2
En parallèle, Scaleway a fini par céder à la mode des machines virtuelles avec, cette fois-ci, des serveurs de taille imposante. Et plus question de faire dans la puce embarquée : ces serveurs sont aujourd’hui équipés des derniers processeurs Epyc d’AMD. Scaleway affiche un tarif de 39€/mois pour une VM x86 « GP1-XS » dotée de 4 vCPU, 16 Go de RAM et 150 Go de stockage. L’offre équivalente chez AWS est la VM m5d.xlarge à 24 centimes de l’heure, soit là aussi une quarantaine d’euros par semaine en usage constant. Toute la subtilité est de calculer combien d’heures la VM est véritablement utilisée.
Scaleway n’a pas pour autant abandonné ses velléités de bare metal. L’offre IaaS comprend ainsi des instances de calcul basées sur dix cœurs x86 physiques, une carte NVidia P100, 45 Go de RAM et une connectique à 1 Gbit/s. Une telle instance « Render-S » est affichée à 500€/mois. La configuration équivalente chez AWS n’est pas évidente à trouver, mais une instance GPU p3.2xlarge sur EC2 avec 8 cœurs virtuels, un GPU et 61 Go de RAM coûte environ 3€/heure. Encore une fois, cela reviendrait à appliquer chaque semaine le tarif mensuel de Scaleway.
Au-delà des tarifs, Scaleway prétend miser sur la qualité de son offre : « Le sujet tabou chez les fournisseurs de cloud public est ce que l’on appelle l’over-provisionning, ou, dit autrement, le fait de vendre de la puissance calculée en processeurs virtuels qui risque d’autant moins de correspondre à la puissance d’un processeur réel que celui-ci est partagé entre un très grand nombre de clients. Non seulement, cela ne peut pas arriver sur nos offres dédiées, mais, en plus, nous avons mis au point un système qui répartit toute nouvelle VM sur le serveur le plus disponible, de sorte à toujours délivrer une puissance maximale par cœur virtuel », argumente Arnaud de Bermingham.
Notons que LeMagIT n’a pas été en mesure de tester l’efficacité de ce système. Tout comme pour le succès de l’hébergeur à l’international, qu’aucun chiffre officiel ne quantifie, seuls les dires d’Arnaud de Bermingham nourrissent le message.
Du stockage objet 100 % compatible S3
Restent les services annexes, dont Scaleway était jusqu’à présent totalement dépourvu. Selon Arnaud de Bermingham, leur mise au point au pas de course a justement été conditionnée par le recrutement de près de 150 personnes depuis 18 mois. Dès le début de cette année, le catalogue comprend du stockage objet. Le PDG insiste pour dire qu’il est rigoureusement compatible avec le S3 d’AWS.
« Les grands acteurs du cloud public ont des solutions propriétaires, tandis que tous les autres proposent du stockage objet basé sur OpenStack. En ce qui nous concerne et vu notre historique avec les développeurs, nous avons voulu proposer du stockage objet qui ne serve pas qu’à héberger des sauvegardes, mais qui soit 100 % compatible avec le standard utilisé par la majorité des développements Web modernes. »
Et d’ajouter que cette implémentation de S3 est issue, tout comme la virtualisation optimisée des serveurs, d’une véritable R&D interne. Arnaud de Bermingham invite d’ailleurs les entreprises à comparer ses performances avec celles de son modèle, lequel n’est accéléré, selon AWS, qu’en utilisant le service additionnel CloudFront.
D’ici à cet été, Scaleway devrait proposer tour à tour des services de bases de données, puis de répartition de charge. D’autres devraient arriver à partir de la rentrée.