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IA et recrutement : une alliance vertueuse, mais « il faut garder le contact » avec l’humain
L'intelligence artificielle est souvent perçue comme une menace pour l'emploi. La société Easyrecrue veut montrer qu'au contraire, elle peut être une aide à la décision et un outil précieux pour les recruteurs.
Pour accompagner le lancement de son module d'analyse automatique de vidéos, Smart Ranking, la société Easyrecrue a organisé une matinée consacrée à l'utilisation de l'intelligence artificielle (IA) dans le recrutement. La société est particulièrement concernée puisque sa nouvelle solution Smart Ranking est basée sur un modèle de Machine Learning (ML). Celui-ci analyse les signaux sociaux, c'est-à-dire le contenu verbal et non verbal, le comportement, les réactions des candidats dans les entretiens vidéos différés qu'ils enregistrent puis propose au recruteur un classement des candidatures.
Avant d'aborder le recrutement, Laurent Stefani, directeur de l'IA chez Accenture, a présenté quelques chiffres extraits de l'étude présentée au World Economic Forum à Davos en 2018. « Les entreprises qui s'engagent pleinement dans l'IA et dans la collaboration homme/machine pourraient augmenter leurs revenus de 38 % d'ici à 5 ans », a-t-il affirmé. Par ailleurs, 64 % des dirigeants pensent que l'IA va générer une création nette d'emplois et 53 % qu'elle va transformer les métiers et les améliorer. « L'IA trouvera sa place dans deux catégories de métiers : ceux où l'homme aide la machine et ceux où la machine aide à augmenter l'homme », a-t-il résumé.
Vers le « recruteur augmenté »
Le recrutement rentrerait dans la seconde catégorie, à en croire Xavier Segrestin, Business development and operations director du cabinet spécialisé en ressources humaines Korn Ferry. « Il faut se poser la question de l'apport de l'IA à l'expérience du candidat mais aussi à celle du recruteur dont le métier est encore perçu comme transactionnel. Les outils intelligents de sourcing, de qualification, de classement des candidats peuvent apporter beaucoup de valeur ; ils pourraient remplacer la quantité par la qualité dans le travail des recruteurs ».
Par exemple, l'IA aide à identifier rapidement les profils qui correspondent à une recherche précise, autrement dit d'obtenir de meilleures candidatures plus rapidement. Korn Ferry a réalisé une étude auprès de 770 recruteurs dans le monde (fin 2017) dont les résultats sont éloquents. Pour 69 % d'entre eux, l'utilisation de l'IA permet d'identifier de meilleurs profils de candidats pour un poste donné et 51 % des répondants affirment que les postes sont plus rapidement pourvus.
Garder le contact
Mais si l'IA peut soulager le recruteur de certaines tâches, notamment les plus répétitives ou fastidieuses comme le sourcing de milliers de profils et de CV, elle ne le remplace pas. Florence Réal, directrice du recrutement d'Accenture, a abondé dans ce sens. Pour recruter quelque 1500 personnes par an, le cabinet utilise déjà différentes technologies, « mais nous ne devons pas perdre le contact direct avec le candidat », reconnaît-elle, « le recrutement nécessite un échange entre les personnes. L'IA ne peut pas être utilisée tout le long du processus de recrutement. Et le candidat ne peut pas être traité par une machine pendant tout ce processus ».
Le risque existe que les algorithmes d'IA reproduisent des biais, en matière de diversité, par exemple. Pour éviter que les consultants recrutés soient tous issus des mêmes écoles et présentent les mêmes profils, Accenture procède depuis 18 mois à un test d'évaluation des ”soft skills” des candidats, leurs compétences non techniques, test qui utilise de l'IA. « Ce n'est pas un outil de sélection mais une aide à la décision », insiste Florence Réal.
De nombreux travaux de R&D
Quoi qu'il en soit, l'utilisation de l'IA dans le recrutement ne fera que progresser. En témoignent les travaux menés par Chloé Clavel, professeur associée spécialisée en “affective computing” à Télécom ParisTech. Cette chercheuse travaille sur un modèle de Machine Learning d'analyse des comportements socio-émotionnels humains. L'objectif est de doter la machine de compétences sociales, qu'elle puisse reconnaître et réagir à des comportements comme des émotions, des opinions, des humeurs, des sentiments, etc. Les analyses portent sur le langage verbal, corporel, la prosodie, les expressions faciales, la posture…
Chloé Clavel travaille sur les entretiens vidéos différés d'Easyrecrue qui mettent en situation des candidats et pour lesquels elle dispose des décisions des recruteurs. A terme, un « recruteur virtuel » permettrait aux candidats de s'entraîner avant les entretiens, ce qui fluidifierait les interactions entre recruteurs et candidats.