Pure Storage rachète Compuverde pour vendre du stockage objet en mode turbo
Le champion des baies SAN rapides se dote ici d’une technologie pour à la fois concurrencer NetApp sur les NAS, mais aussi apporter de la performance aux applications conçues en mode web.
Pure Storage annonce le rachat de Compuverde, un spécialiste du NAS et dont la technologie servira à enrichir ses baies FlashArray d’une fonction de stockage objet. Cette annonce est faite alors même que le fabricant vient de mettre sur le marché Object Engine, une appliance qui déduplique les sauvegardes, là aussi pour les stocker en mode objet.
Ce revirement stratégique peut paraître antinomique. Pure Storage se positionne en effet depuis toujours sur le créneau des baies SAN qui offrent un stockage en mode bloc ultra rapide aux applications, hyperviseurs et bases de données en production. Le mode objet, à l’inverse, est un stockage très capacitif, destiné à héberger des sauvegardes ou des documents anciens, que l’on entrepose quelque part en attendant un besoin de revenir en arrière. D’ordinaire, sa rapidité est le cadet des soucis.
Pour Gabriel Ferreira, directeur technique de Pure Storage en France, il est pourtant devenu très pertinent de proposer du stockage qui dispose des deux modes à la fois : « le stockage objet fait surtout partie de l’attirail des nouvelles méthodes de développement. Or, ce n’est pas parce que les entreprises produisent désormais des applications Web, avec des données chargées en mémoire via le protocole S3, qu’elles n’ont plus besoin de performances. »
Même les données dites froides sont concernées par les performances. Selon Gabriel Ferreira, les entreprises voudraient maintenant s’en servir pour alimenter leurs nouvelles applications d’analytique ou tester leurs prochains projets avec des informations réelles. Et, pour ce faire, ces données stockées en mode objet doivent être accessibles aussi rapidement que si elles étaient hébergées sur des baies SAN de production.
Du stockage objet accessible en seulement 0,5 milliseconde
« Avec la technologie de Compuverde intégrée à nos baies SAN Flash Array, nous allons proposer la plateforme de stockage objet la plus rapide du marché, elle sera 10 fois plus véloce que son plus proche concurrent », lance Gabriel Ferreira.
Il met en exergue la latence record de 0,5 milliseconde dans les accès des baies FlashArray, et même 0,25 milliseconde sur le modèle FlashArray //X à base de disques NVMe. Comparativement, les baies SAN concurrentes affichent plutôt une latence de 1 milliseconde avec des disques Flash, tandis que les meilleurs NAS qui proposent du mode objet tournent autour de 5 à 10 millisecondes. Et 10 à 100 fois plus quand ils sont équipés de disques durs mécaniques, ce qui est le plus souvent le cas.
Gabriel Ferreira promet que les accès resteront aussi rapides lorsque les FlashArray seront utilisées pour du stockage objet. Des tests devront néanmoins être menés. Ne serait-ce que parce que les bons résultats des FlashArray sont généralement mesurés lorsque ces baies sont reliées en Fiber Channel aux serveurs. En mode objet, elles devront être reliées en Ethernet ; les FlashArray disposent de la connectique nécessaire, des ports 10 ou 25 Gbits/s jusqu’ici utilisés pour l’iSCSI.
Partir à la conquête des clients NetApp sur le marché des NAS
La technologie mise au point par le Suédois Compuverde n’apporte pas que le mode objet. Son logiciel vNAS est un système de NAS qui permet aussi de partager en CIFS et NFS les fichiers bien plus efficacement que ne le font Windows ou Linux. Typiquement, vNAS fait grandir automatiquement ses espaces partagés quand des disques sont ajoutés dans la baie et supporte la connexion simultanée de plusieurs milliers d’utilisateurs. Le système est si efficace qu’IBM l’a adopté il y a un an pour proposer des NAS physiques aussi fonctionnels que ceux de NetApp, le leader sur ce secteur.
« Désormais, nous serons nous aussi un acteur du NAS. Nous répondrons donc à deux demandes que nous formulaient régulièrement nos clients : partager des fichiers à l’échelle d’une grande organisation, mais aussi offrir la souplesse du fichier à des logiciels d’infrastructure, comme des hyperviseurs », indique Gabriel Ferreira, qui peine à cacher son ambition d’aller concurrencer frontalement NetApp sur son marché de prédilection.
La souplesse est l’un des arguments que mettent en avant les commerciaux de NetApp. Il est a priori plus rapide pour des hyperviseurs ou des SGBDR d’aller chercher leurs VMs et leurs données en mode bloc (SAN). Mais passer plutôt par un partage NAS permet, dans l’urgence d’un incident, de basculer rapidement d’un serveur physique à l’autre, sans avoir à reconfigurer toute la partie stockage.
En ce qui le concerne, le mode objet n’est qu’une surcouche : il s’agit simplement de partager les fichiers d’un NAS via le protocole supplémentaire S3, lequel est une API classique utilisée par les applications web.
Les baies FlashArray disposaient déjà d’un mode NAS. Celui-ci était assuré par une machine virtuelle Windows Server exécutée par l’hyperviseur de Purity, le système d’exploitation de Pure Storage. Cette fonction était aussi limitée que peut l’être le partage sous Windows.
L’analytique avec données réelles plutôt confiée au couple Object Engine/FlashBlade
Pure Storage disposait déjà de NAS physiques très rapides et capables de partager leurs contenus en objet : les FlashBlade, des lames lancées il y a deux ans et demi et destinées aux clusters de calcul, ou aux lacs de données analysés avec du Elasticsearch. Selon Gabriel Ferreira, porter cette technologie sur les FlashArray aurait été moins rentable que de racheter celle de Compuverde. Il n’est pas très clair si la rentabilité en question est celle des bénéfices techniques sur les partages en CIFS/NFS, ou celle des royalties reversées par IBM pour son utilisation de la technologie au sein de ses NAS.
Néanmoins, toujours dans ce nouvel élan stratégique pour l’objet, Pure Storage entend faire sortir les FlashBlade du carcan des clusters pour en faire des baies de sauvegarde couplées avec les toutes nouvelles appliances Object Engine.
« Les appliances virtuelles Object Engine, issues du rachat de StorReduce l’année passée, ont été commercialisées en mars pour dédupliquer les sauvegardes CommVault ou Veeam avant qu’elles ne soient stockées sur des baies qui fonctionnent en mode objet, comme celles de Cloudian et Scality. Mais si elles sont plutôt reliées à des FlashBlade, alors il devient possible de directement utiliser les sauvegardes dans les clusters Elasticsearch. Au final notre offre objet pourrait être les FlashArray pour les applications Web et les FlashBlade pour l’analytique sur des contenus réels », conclut Gabriel Ferreira.