Départs et licenciements chez SAP : un signe fort pour ABAP & HANA, pas un signal de détresse
Selon plusieurs analystes, la « restructuration » est une décision de SAP qui vise à mieux se positionner dans le cloud. ABAP et HANA s'avèrent moins centraux dans sa stratégie. Mais il ne s'agirait en aucun cas d'un début d'abandon de ces technologies.
Début mars, lorsque SAP a annoncé qu'il allait licencier 4 400 employés, l'éditeur expliquait que cette restructuration faisait partie d'un « programme de réorganisation ». Si les départs et les analyses indiquent une chose, c'est que l'éditeur semble avoir quelques doutes sur sa stratégie actuelle dans le cloud - et qu'il réduit la voilure autour de sa base de données HANA et sur son langage de programmation ABAP.
Les analystes pensent que les clients de SAP continueront à bénéficier d'un fort support pour ces technologies. Mais ils pensent aussi que ces départs sont des signes qui montrent que SAP pourrait vouloir davantage ouvrir sa plate-forme.
SAP n'est pas la seule grande entreprise technologique à licencier : PayPal et Oracle ont aussi récemment réduit leurs effectifs.
Les concurrents historiques de SAP s'engagent en effet eux aussi, sous la pression du cloud, sur la voie des réorganisations. Si ces départs font plus de bruit médiatique chez l'Allemand, c'est qu'ils concernent un grand nombre de « SAP Mentors », des développeurs qui faisaient partie d'un groupe influent, explique Joshua Greenbaum, directeur de Enterprise Applications Consulting.
ABAP n'est plus la « Dancing Queen » de SAP
Les départs dans le top management de SAP concernent Rich Heilman et Thomas Jung, deux développeurs ABAP très estimés par la communauté, ainsi que Bjoern Goerke, directeur de la technologie et responsable de l'activité SAP Cloud Platform.
Pour personnaliser les applications Cloud de SAP, les développeurs doivent construire des extensions en ABAP - le langage propriétaire de SAP - sur le PaaS de l'éditeur.
Selon Duy Nguyen, du cabinet Gartner, Rich Heilman et Thomas Jung étaient deux personnes clefs vers lesquelles la communauté ABAP se tournait pour obtenir de l'aide sur les problèmes qui pouvaient survenir lors des développements dans ce langage.
« Le but [de SAP] est d'aller de l'avant et de recruter du sang neuf pour innover, [...] il y a beaucoup d'experts de "la vieille école" qui jettent l'éponge parce qu'ils ne partagent pas cette vision ». ABAP ne serait donc plus une priorité en matière d'innovation, ajoute l'analyste.
HANA devient plus une commodité qu'un différenciateur
Concernant HANA, l'une des raisons pour lesquelles SAP a licencié un si grand nombre de ses équipes de développement est qu'avoir une base de données n'est plus un différenciateur, selon Joshua Greenbaum de Enterprise Applications Consulting.
A un moment donné, HANA l'a été parce que passer d'une base de données classique à une base in memory était une idée nouvelle, résume l'analyste. Mais, la disponibilité de services équivalent sur AWS, Google et Azure aurait transformé les bases en « commodité ».
« C'est toute l'histoire des applications d'entreprise : l'innovation d'hier est la commodité de demain. Et l'innovation de demain est quelque chose qu'il faut mettre en scène pour attirer des prospects », résume Joshua Greenbaum.
Dans cette optique de séduction, HANA et ABAP ne sont plus stratégiques. Beaucoup considèrent que ce sont même des boulets qui freinent SAP. Un point de vue que partagent ironiquement Oracle ou Infor qui y voient l'opportunité de récupérer des clients de SAP qui envisageant le passage à HANA comme une migration aussi radicale que celle pour une changement de fournisseur.
Les licenciements ne traduisent pas un problème mais une réorientation
Ceci étant, ce n'est pas parce que SAP a licencié autour de HANA et d'ABAP que l'éditeur serait en difficulté ou que les investissements des clients existants seront affectés négativement, rassure Joshua Greenbaum.
« SAP essaie juste de se recentrer par rapport à certaines de ses technologies propriétaires [...] Cette restructuration tente de rapprocher le cœur technologique de SAP du monde du cloud, et des outils et plateformes open source », avance-t-il.
HANA ne sera pas abandonnée de sitôt, prédit même Joshua Greenbaum. Elle est toujours la base au coeur de l'ERP S/4HANA et d'autres produits. HANA a également été retravaillée pour tourner sur Azure, Google Cloud et AWS.
Il n'y a par ailleurs aucune raison pour que SAP découple son SaaS de HANA. Ce qui changera pour les clients, c'est que SAP va davantage se présenter comme un fournisseur de solutions aux problèmes métiers, plutôt que comme un fournisseur de solutions technologiques, « ce qui est plutôt une bonne nouvelle pour les clients » selon Joshua Greenbaum.
A ce jour, il ne semble donc pas que les clients de SAP HANA aient des raisons de s'inquiéter. Quant à l'arrivée d'ABAP dans SAP Cloud Platform, c'est un signe qui montre que SAP cherche bien à donner une vie à ABAP dans le Cloud.
Il faut plutôt voir la restructuration comme une volonté de SAP d'apporter plus d'options à ses clients, et d'ouvrir la porte encore plus grande à Azure, AWS et Google Cloud - voire à d'autres acquisitions dans un futur proche.