Big Data en France : la maturité grandit au rythme de l’industrialisation des projets
La conférence Big Data Paris 2019 a permis de constater que l’industrialisation de projets Big Data était sur les rails, gage d’une avancée dans la maturité des entreprises en France
Si tous les regards se tournent vers le Etats-Unis et la Chine lorsqu’on parle AI (et donc Big Data), les entreprises françaises n’en restent pas moins à un niveau de maturité qui les distingue sur l’échiquier mondial. Cette conclusion du Boston Consulting Group, qui vient également confirmer les tendances en matière d’investissements IT pour 2019, a certes de quoi faire bomber le torse des entreprises hexagonales qui ont très tôt amorcé un virage Big Data et placer la donnée au cœur de leur stratégie numérique.
Mais ces sociétés, qui ont pris le risque, ont aussi essuyé les plâtres d’une gouvernance peu adaptée aux nouveaux modèles avant de parvenir, parfois, à une industrialisation de leurs projets.
Résultat : si, le secteur public, les transports et le secteur du voyage, les institutions financières, le secteur des biens industriels (manufacturing) ainsi que le secteur de la santé se distinguent également par leur compréhension et leur pratique du Big Data en France, on remarque que d’autres peinent encore à se hisser aussi rapidement que les autres. C’est le cas des services professionnels, mais aussi – et cela est plutôt une surprise – du domaine de la grande distribution et des biens de grande consommation.
Passer à une stratégie centrée sur la donnée, mettre en place un data lab, c’est en soi une transformation, se sont d’ailleurs accordés à dire plusieurs responsables de grands groupes industriels français, qui intervenaient lors de Big Data Paris 2019. Et cette transformation organisationnelle qui n’est pas sans douleur, place les métiers au cœur de l’équation. C'est la condition pour atteindre ces précieuses phases d’industrialisation des projets issus des données.
Chez Malakoff Médéric, spécialiste de la mutuelle santé, par exemple, « les métiers sont devenus des product owners », souligne David Giblas, en charge de l’innovation, du digital, de la donnée et de l’AI. Le groupe a mis en place une approche par projet, organisée autour d’équipes (nommées Squad) pluri-disciplinaires. Même son de cloche chez l’assureur Swiss Life France, dont le data lab repose sur une organisation décentralisée, où les membres sont aussi bien métiers que data scientists et responsables d’activités. « Cela permet d’avoir un data lab qui n’est pas hors-sol, mais associé aux réalités des métiers », témoigne à son tour Cynthia Traore, responsable du DataLab au sein du groupe.
Si l’énergéticien Engie confirme également sa structuration autour de « Feature teams », BNP Paribas Personal Finance, a préféré quant à lui centraliser ses projets de données auprès de la DSI. C’est ainsi que Jérémie Guez, en charge du data lab, compte « fédérer une communauté de data scientists ». Mais cela apporte un maximum de flexibilité aux métiers pour identifier des usages, même si finalement ceux-ci sont déjà aguerris à des opérations de scoring et donc d’algorithmes (ce que BNP réalise depuis nombre d’années.)
La recette : des métiers pour avancer vers l’industrialisation
Swiss Life France a également mis en place un programme dont l’ambition est d’accompagner les métiers vers une culture de la donnée. Cela se concrétise par des événements et des ateliers au sein desquels prennent part les métiers afin de mieux comprendre les modèles d’AI et les data scientists afin de mieux cerner les besoins des métiers.
Et cette adhésion forte des métiers est une des conditions indispensables pour un composante clé de la réussite de projets : le RoI. Bien difficile à calculer, celui-ci ouvre pourtant une voie royale vers la très recherchée industrialisation. Mais là encore il convient que les projets soient en lien avec les métiers, assure Cynthia Traore. Et surtout aligné avec les ambitions du Comex. « On s’assure que les métiers utilisent les projets pour mesurer le RoI. »
Pour gagner ce ralliement des métiers, Malakoff Médéric a, de son côté, développé une matrice qui priorise les projets. Il s’agit « d’avoir une focalisation pour rechercher une licorne, et la valeur viendra de cette focalisation », illustre ainsi David Giblas.
Enfin, si BNP Paribas parle d’une industrialisation de 8 à 9 mois, la recette de Swiss Life France suit un parcours type : 3 mois d’expérimentation qui représentent la phase pilote avec les métiers, puis « quand les métiers sont convaincus », souligne Cynthia Traore, suit une phase de production. Là démarre un cycle d’itérations pour améliorer le produit final.
« On ne parle plus de PoC, mais de produits », conclut enfin David Giblas de Malakoff Médéric ; comme un enseignement illustrant cette fameuse maturité.