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Huawei : la polémique autour de l'espionnage se poursuit malgré les appels à la raison
Au Royaume-Uni, Vodafone fait une « pause » dans le déploiement d’équipements du Chinois. Des signes de préoccupation apparaissent en Suisse. Le directeur de général de l’Anssi en appelle au rationnel.
Le patron de l’opérateur britannique Vodafone vient publiquement d’annoncer la suspension du déploiement d’équipements Huawei dans son cœur de réseau en Espagne et dans plusieurs autres marchés : « nous avons décidé de faire une pause pendant que nous discutons avec différents gouvernements et agences, ainsi que Huawei, pour finaliser la situation – à l’égard de laquelle je sens que Huawei est véritablement très ouvert et travaille dur ».
Cette décision n’est que le énième coup dur que doit encaisser l’équipementier chinois. Le ministre de l’Intérieur polonais a récemment appelé l’Otan et l’Union Européenne à définir une position commune sur le sujet. Le gouvernement allemand envisagerait la mise en place d’exigences de sécurité renforcées, assorties d’autres mesures, qui pourraient conduire à l’exclusion de facto de Huawei outre-Rhin.
En Suisse, le conseiller national Fabio Regazzi (Parti démocrate-chrétien suisse), s’est récemment déclaré particulièrement inquiet à l’idée du déploiement d’équipements 5G signés Huawei dans le pays, et prévoit d’interpeler le gouvernement à ce sujet.
Le club dit des « Five Eyes » présente, depuis la fin de l’année dernière, un front uni contre Huawei. Depuis l’été, les Etats-Unis militent pour un bannissement de l’équipementier au motif de menaces d’espionnage – qui n’ont, à ce jour, pas été étayées. Selon le Sydney Morning Herald, celui-ci serait l’objet d’une campagne montée de toutes pièces, avec à la manœuvre, originellement, Canberra.
Interrogé sur le sujet lors d’une conférence de presse, en marge du Forum international de la cybersécurité, qui se déroulait cette semaine à Lille, Guillaume Poupard, directeur général de l’Anssi, a rappelé que les équipements de cœur de réseau font l’objet de contrôles importants en France : « une demande d’autorisation est faite [avant la mise sur le marché des équipements de cœur de réseau, une instruction technique est menée par des experts, en bonne partie de l’Anssi, qui vont parfois très très loin ».
Et d’ajouter que cela peut se traduire par des expérimentations, par l’accès au code source, une mise en situation sur des plateformes de référence, etc. Des examens qui peuvent parfois conduire à des modifications des équipements. « Et il va sans dire que si l’on trouve des capacités d’interception qui ne sont pas légales, cela clôt l’instruction du dossier. Ce travail-là, on le fait avec l’ensemble des équipementiers ».
Pour Guillaume Poupard, ce processus permet de « se forger une opinion, pas à l’emporte-pièce, ni suivant le pays d’origine de l’équipementier, mais qui s’appuie sur un ensemble de considérations, essentiellement techniques. C’est peut-être cela qu’il faut durcir et développer pour appréhender des équipements 5G, qui sont beaucoup plus complexes qu’un simple cœur de réseau. Et c’est le centre de la question aujourd’hui ».