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T-Systems se déleste de son activité mainframe sur IBM
La nouvelle a fuité dans la presse allemande : IBM s’apprête à reprendre l’activité mainframe de T-Systems. Une vente qui s’inscrit dans le sévère plan de restructuration de T-Systems et qui vient apporter un peu de sang frais à IBM, alors que les ressources humaines se font rares dans les systèmes Z.
C’est en analysant les procédures en cours du Bundeskartellamt (Office fédéral allemand des cartels), que le site IT-Zoom a levé le lièvre il y a quelques jours : T-Systems s’apprête à céder à IBM certains actifs dans l’externalisation et les services informatiques.
Quelques jours plus tard, citant un billet publié sur le blog interne de T-System, le quotidien allemand Handelsblatt livrait quelques détails quant au périmètre de ce transfert d’activité vers IBM : Big Blue s’apprête à acheter l’activité liée aux mainframes de T-Systems pour un montant de 800 millions d’euros. Le billet évoque le transfert de 400 employés T-Systems vers IBM.
L’Allemagne est le premier pays touché, mais ce transfert va affecter 6 pays. Par contre, les mainframes actuellement hébergés dans les datacenters de T-Systems en Allemagne, Espagne et Afrique du sud resteront en place et les contrats de TMA signés avec T-Systems seront transférés à IBM.
Le plan de transformation de T-Systems est en marche
Depuis son arrivée chez T-Systems en janvier 2018, le nouveau CEO, Adel Al-Saleh, a engagé un plan transformation de la filiale IT de Deutsche Telekom afin de rétablir une rentabilité qui est à la peine depuis plusieurs années. Les plans de restructuration et de relance de T-Systems se succèdent années après années, mais c’est un véritable traitement de choc que cet ancien IBMer a élaboré pour relancer T-Systems.
Dans ce plan présenté dans le détail en juin 2018, lors d’une journée investisseurs organisée par Deutsche Telekom, Adel Al-Saleh a révélé qu’il comptait réaliser 600 millions d’euros d’économies sur une période de 3 ans et faire fondre les effectifs de l’ESN de 10 000 personnes en Allemagne et dans ses filiales étrangères. Adel Al-Saleh, CEO de T-Systems lors du Capital Markets Day 2018 : « Notre stratégie est de transformer notre portefeuille d’offres, actuellement répartie en trois tiers [TC Core / IT classique / solutions IT en forte croissance]. Tout en protégeant notre activité cœur de métier, nous allons effectuer la transition vers le SD-WAN lorsque ce sera le moment et investir dans les activités de croissance tout en gérant nos activités IT classiques en réduisant les coûts opérationnels. »
Adel Al-Saleh, CEO T-SystemsLors du Capital Markets Day 2018
Des coupes claires dans une entreprise qui comptait avant l’application de cette cure d’amincissement 37 000 personnes dans le monde dont 17 800 en Allemagne. A titre de comparaison, Orange Business Services emploie un peu plus de 21 000 personnes pour un chiffre d’affaires du même ordre. Le plan Adel Al-Saleh comporte 4 000 transferts de postes vers d’autres activités mais aussi 6 000 suppressions de postes dans les rangs de T-Systems à très courte échéance. Le CEO a indiqué que si 600 millions d’euros d’économies doivent être réalisés, notamment en réduisant la voilure sur les activités en perte de vitesse, ce sont 300 millions qui seront réinjectés dans les activités à fort potentiel de développement comme l’IoT, le cloud et la cybersécurité, le « digital ».
Après ces annonces aux investisseurs, le plan est désormais entré en action. En septembre dernier, un accord avait été conclu avec les syndicats pour le départ de 5 600 employés en Allemagne et la cession d’une partie de ses activités IT, jugée à faible potentiel par Adel Al-Saleh, est en cours.
Vers une guerre de tranchées pour les derniers experts Z ?
La vente de l’activité mainframe va permettre à T-Systems de concentrer ses efforts sur des activités telles que l’IoT, le cloud et la cybersécurité, des activités bien plus sexy aux yeux des actionnaires, mais pour IBM, cette transaction lui permet de mettre la main sur des experts en systèmes Z, une ressource amenée à se raréfier ces prochaines années.
Beaucoup d’entre eux partent à la retraite et, même pour IBM, il est bien difficile de convaincre les millennials de se former à Cobol et à ses systèmes Z. Une étude Forrester sur la place des mainframes dans la stratégie digitale des entreprises réalisée pour Compuware en 2018, fait apparaitre la terrible attrition en ressources humaines qui frappe les entreprises encore adeptes du mainframe. Celles-ci ont vu leur effectif qualifié sur mainframe fondre de 23 % ces 5 dernières années et 63 % de ces départs n’ont pas été remplacés.
C’est tout le paradoxe d’entreprises qui hésitent à investir, pour porter des millions de lignes de cobol sur des architectures plus modernes et qui maintiennent leurs mainframes en production sur des processus critiques, sans véritable garantie de pérennité à long terme sur ce volet RH.
Les entreprises vont de plus en plus devoir faire appel à des experts qui préféreront travailler en tant qu’indépendants et faire monter les prix de leurs prestations, ou bien se tourner vers les quelques ESN qui auront ces ressources mainframe en portefeuille
Car paradoxalement le marché du mainframe - lorsqu’on additionne les renouvellements de machines, les logiciels et surtout le service - reste remarquablement stable. Les analystes lui accordent une croissance annuelle comprise entre 2 à 3 %. Les quelques entreprises qui décomissionnent leurs mainframes chaque année sont pour l’instant compensées par l’accroissement des volumes de traitement du parc de machines restantes.
C’est tout l’avantage d’une facturation à la puissance machine consommée : même si les mainframes sont de plus en plus souvent masqués par des API, ils profitent de l’accroissement de la consommation informatique provoquée par les services en ligne, la transformation numérique.
C’est pour toutes ces raisons qu’IBM est prêt à débourser près d’un milliard de dollars pour récupérer le portefeuille de clients et les experts mainframe de T-Systems.
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