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Sécurité, collaboration, marketing : IBM dégraisse à nouveau son offre logicielle
Après avoir racheté RedHat, Big Blue vient de faire rentrer du cash dans sa trésorerie en cédant pour 1,8 milliard de dollars à HCL, plusieurs actifs logiciels qu'il ne considère plus comme stratégiques. La décision de l'ESN indienne de les reprendre suscite l'incompréhension des analystes.
Mais que diable vont-ils faire dans cette galère ? C'est, en résumé, la réaction des marchés et des analystes à l'annonce par HCL du rachat de plusieurs actifs logiciels qu'IBM lui cède pour 1,8 milliard de dollars.
Pour ce prix, l'ESN indienne récupère sept solutions dans la sécurité (BigFix et Appscan), dans le marketing et le eCommerce (Unica, Portal et IBM Commerce, les trois « sur site ») et dans les outils collaboratifs (Domino, Notes et le RSE IBM Connections).
Un rachat qui laisse l'écosystème septique
L'incrédulité des analystes tient au fait que HCL avait déjà des accords avec IBM sur cinq de ces sept lignes de produits.
« Je ne pense pas que cela les aidera sur long terme.... cet accord est négatif du point de vue de HCL », explique par exemple Sudheer Guntupalli, analyste du secteur IT chez Ambit Capital à Mumbai à Reuters. « Ils ont déjà des partenariats [avec IBM]. Il n'y aurait donc guère d'avantages supplémentaires à tirer de cette opération ».
Au contraire même, pour lui, il n'est pas logique pour HCL de s'appuyer autant sur l'offre logiciel d'un seul fournisseur alors que ses concurrents - Infosys et TCS en tête - sont restés agnostiques.
A l'heure où cet article est écrit, HCL avait perdu 5 % de sa valorisation en bourse après une chute de 7 % à l'ouverture de la cotation. Preuve de l'accueil glacial des marchés pour cette stratégie grandement incomprise.
HCL voit un relais de croissance et (peut-être) un SaaS
De son côté, HCL vante pourtant une opportunité de croissance et un revenu supplémentaire espéré de 650 millions de dollars (l'ESN réalise un CA annuel de 7, 16 milliards).
« Les produits que nous sommes en train d'acquérir se situent sur des segments en pleine croissance comme la sécurité, le marketing et le commerce qui sont stratégiques pour HCL. Plusieurs de ces produits sont bien perçus par les clients et très bien évalués par les analystes », tente de convaincre C. Vijayakumar, PDG de l'ESN. « Leurs déploiements à grande échelle nous offrent une excellente occasion de toucher et de servir des milliers d'entreprises dans le monde, dans un large éventail d'industries et sur différents marchés. Je suis sûr que ces solutions connaîtront une croissance soutenue, appuyée par notre engagement à investir dans l'innovation produit ».
Le PDG indien évoque également une stratégie SaaS qui s'appuierait sur ces solutions logicielles - dont trois qui sont aujourd'hui totalement sur site et demanderont donc un effort de développement conséquent pour les cloudifier.
IBM dégraisse et se recentre encore
Du côté d'IBM, on se félicite de ce nouveau dégraissage. Après les puces, les PC puis la majorité des serveurs, Big Blue se sépare donc aujourd'hui d'une nouvelle partie de son offre logicielle. En 2017, IBM avait déjà cédé la majorité de son catalogue EPM (Enterprise Performance Management). IBM Cognos Disclosure Management (CDM), IBM Cognos Financial Statement Reporting (FSR) et IBM Clarity 7 avait été rachetés par le spécialiste du SaaS des outils de reportings financiers Certent.
L'idée générale d'IBM est de se focaliser quasiment exclusivement sur ses nouveaux métiers, ou « impératifs stratégiques », à « très forte valeur ajoutée ». A savoir l'IA - avec Watson - l'Internet des Objets Industriels (IIoT) ou encore la blockchain (Hyperledger), le Cloud Hybride et le sur-mesure.
On notera cependant qu'IBM cite la cybersécurité comme un autre de ses « impératifs stratégiques » tout en vendant BigFix et AppScan, deux produits présentés précédemment comme importants pour MaaS360 et pour QRadar.
« Sur ces dernières années, nous avons priorisé nos investissements [...] Nous pensons que le moment est venu de nous séparer de ces actifs logiciels dans la collaboration, le marketing et le commerce qui sont de plus en plus livrés sous forme de produits autonomes », confirme John Kelly, SVP Cognitive Solutions and Research chez IBM.
La plus importante acquisition d'un acteur IT indien
HCL aurait donc racheté des actifs « en bois » ? IBM assure que non : « nous croyons que ces produits sont un complément stratégique solide pour HCL et que HCL est bien placé pour en poursuivre l'innovation et la croissance auprès de ses clients », ajoute John Kelly sur l'air de « ce qui n'est plus bon pour moi peut faire le bonheur d'un autre ».
Bonne ou mauvaise stratégie pour HCL et / ou pour IBM qui abandonne petit à petit ses activités traditionnelles dans une mue qui ressemble de plus en plus à un "reboot" ? L'avenir le dira.
Quoiqu'il en soit, l'acquisition sera la plus importante jamais réalisée par une société technologique indienne, selon les données de Refinitiv, citées par Reuters.
Et les 1,8 milliard ne pourront pas faire de mal à la trésorerie d'IBM, certes bien fournie (au delà des 14,6 Milliards en juillet 2017), mais très fortement mise à contribution pour le rachat à 34 milliards de dollars de RedHat, 34 milliards, en cash et en dettes.