Logiciel de paie des Armées : LOUVOIS « stabilisé », Source Solde attendu début 2019
Après plusieurs années de dysfonctionnements et de coûts cachés, LOUVOIS a atteint une stabilité qui permet la migration vers son successeur. Lors d'une Commission de la défense nationale et des forces armées, Source Solde a été annoncé pour 2019. Quant au prélèvement à la source, les deux outils seraient prêts.
Lors de son audition à l'Assemblée Nationale, le 10 octobre, Jean-Paul Bodin, Secrétaire Général pour l’administration sur le projet de loi de finances pour 2019, a fait un point sur le logiciel de paie Louvois et sur son successeur annoncé Source Solde, ainsi que sur les conséquences du prélèvement à la source sur ces deux solutions.
LOUVOIS stabilisé
« Sur 185 778 soldes payées en août 2018, 0,04 % l’ont été "hors LOUVOIS". On peut donc considérer que l’on paie aujourd’hui la quasi-totalité des soldes via LOUVOIS », constate-t-il. Et même si un peu plus de 4 000 bulletins ont dû faire l’objet de corrections avant leur paiement, « on peut néanmoins affirmer que le système est relativement stabilisé et fournit aujourd’hui des soldes qui semblent justes ».
On remarquera l'extrême prudence dans les mots choisis (« relativement » et « semblent justes ») qui traduisent le souvenir des dysfonctionnements successifs.
Soldes non perçues, sous-estimées, surestimées - qui ont abouti en 2013 à la décision du ministre de la Défense - Jean-Yves Le Drian - d'arrêter les frais et de jeter l'éponge. A cette date, LOUVOIS avait déjà coûté, selon certaines estimations, 470 millions d’euros - hors indemnisation du prestataire pour rupture de contrat (Steria).
Développée sous l'égide de la direction générale de l'Armement, mais cette fois-ci avec des responsabilités clairement réparties, la solution destinée à remplacer LOUVOIS est baptisée « Source Solde » en 2016.
Ironie de l'histoire, ce sont les deux prestataires à l'origine du même LOUVOIS - (Sopra pour sa version 1 et Steria pour sa version 3) - qui ont été choisis pour le réaliser sur un budget de 128 millions d'euros après avoir, entre-temps fusionné (en Sopra Steria).
Source Solde « un peu en retard » de 2 ans
Source Solde devait initialement être opérationnel en 2017, puis en 2018.
Mais l'instabilité de LOUVOIS rendait impossible toute migration des soldes et des données vers un autre système.
LOUVOIS étant aujourd'hui prêt, « il faut désormais mettre en place le système Source Solde », lance Jean-Paul Bodin évoquant « un calendrier de mise en œuvre [...] sur lequel nous sommes un peu en retard, puisque nous aurions dû basculer vers ce système courant 2018 ».
Actuellement, la marine est en « pré-double solde » et pour un mois encore. « Nous devrions vraisemblablement, courant novembre, décider d’un éventuel basculement en solde en double (NDR : c'est nous qui soulignons) », promet très prudemment le Secrétaire Général.
Cette période de double-bulletin de la Marine devrait ensuite durer quatre mois avant de basculer définitivement dans Source Solde.
« [Mais avant], il convient de disposer d’éléments de comparaison entre la solde telle qu’elle sort de LOUVOIS et de Source Solde et, dans l’hypothèse où des différences sont constatées, de les expliquer », souligne Jean-Paul Bodin. Or des différences existent encore.
Sopra-Steria en difficulté face à la complexité de Source Solde
Le Secrétaire Général ne cache pas que le nouveau projet Source Solde n'a pas été - et n'est toujours pas - simple.
« L’industriel (NDR : Sopra Steria) a rencontré un certain nombre de difficultés dans la mise au point du dispositif, en raison de la très grande complexité de notre système de rémunération », déclare-t-il. « Au cours de l’année, un renforcement des équipes - tant du ministère que de l’industriel - a eu lieu ».
Résultat, Jean-Paul Bodin - qui ne parle pas de surcoût - se dit confiant sur un passage de la Marine à Source Solde « dans le premier semestre de l’année 2019 ».
« Si le calendrier est tenu », condition qui reste encore à vérifier, l'Armée de Terre devrait suivre dans la foulée. « Aucune décision n’est toutefois prise pour le moment », s'empresse d'ajouter Jean-Paul Bodin.
Le cas du prélèvement à la source
L'année 2019 réserve un nouveau défi pour ces systèmes de paie avec le prélèvement à la source (PAS). Pour l'immense majorité des entreprises, le PAS ne devrait pas poser de problème technique puisqu'il sera pris en compte par une simple mise à jour du SIRH ou du logiciel comptable.
Dans le cas de LOUVOIS - un pur développement maison - le PAS pourrait être plus compliqué. « Nous veillons très attentivement à la mise en œuvre du prélèvement à la source (PAS) », affirme Jean-Paul Bodin. Celui-ci se veut néanmoins rassurant. « Les tests techniques réalisés sur LOUVOIS et sur Source Solde montrent que ces dispositifs peuvent intégrer le prélèvement à la source ».
Ce qui ne veut pas dire que les difficultés n'existent pas. « Pour les militaires, l’une des grandes difficultés de mise en œuvre du PAS tient à l’existence de revenus exceptionnels. En effet, une grande partie des militaires n’ont pas, compte tenu de leurs engagements opérationnels et de l’entraînement, la même rémunération deux mois de suite. [...] Comment les déclareront-ils ? ».
Des fiscalistes, des outils d'accompagnements, ainsi qu'une plateforme téléphonique sont prévus pour les accompagner sur ces questions.
90 millions € de pertes et profits supplémentaires pour LOUVOIS
Le cauchemar LOUVOIS arrive donc doucement et sûrement à son terme, mais il n'est pas encore totalement terminé. Et la note continue de monter.
Depuis le début de « la crise LOUVOIS » (sic), les indus s’élevaient en effet au 31 juillet 2018 à 573 millions d’euros. Environ 70 % ont été recouvrés et 13 % sont en cours de recouvrement. Mais les 17 % restants passeront purement et simplement par pertes et profits.
« Nous avons [...] décidé d’abandonner près de 95 millions d’euros », fait savoir Jean-Paul Bodin en commission parlementaire. Vingt millions d’euros seront des « remises gracieuses » - sans plus d'explications. Le reliquat de 70 millions non recouvrés viendrait pour sa part de « problèmes de calendrier dans l’envoi des demandes de recouvrement ».