ERP cloud : « SAP HANA est une opportunité pour Oracle »
A l'occasion de l'OpenWorld, un SVP d'Oracle en charge du SaaS considère que le saut technologique que SAP cherche à imposer à ses clients, les pousse vers la concurrence. Et ce dans un contexte porteur pour les applications métiers où la « traction vers le cloud » touche toutes les industries, constate une responsable EMEA de l'éditeur.
OpenWorld 2018 - « Aujourd'hui, on ne peut plus recruter de DAF si l'outil qu'on lui propose n'est pas mobile, avec une UI moderne, et donc cloud », lance Juergen Lindner, SVP (Senior Vice President) Product Marketing SaaS.
Oracle a semble-t-il fait un large constat. Les Millennials, ces premiers enfants nés avec les écrans, ont pris le pouvoir. Tout du moins ils commencent à accéder aux postes de direction. Et ils imposent leurs exigences en matière d'outils informatiques.
Le cloud ou rien pour les Millennials
Pour les éditeurs, il va falloir s'adapter à cette nouvelle donne. Surtout que de nouveaux entrants ne se privent pas de convoiter cette cible de trentenaires.
S'adapter signifie, entre autre, fournir de nouvelles interfaces vocales et automatiser des tâches - y compris des tâches complexes comme la clôture des bilans financiers - qui étaient auparavant faites manuellement.
« Le RPA (Robotic Process Automation) et le Machine Learning sont les nouveaux horizons », synthétise Juergen qui aime à parler de « processus métier sous stéroïdes ».
Pour fournir ces processus dopés à l'Intelligence Artificielle, il faut inévitablement passer par le cloud - tout comme pour la Autonomous Database qui ne bénéficie pleinement du Machine Learning que dans la version DBaaS de la 18c (ou sa déclinaison en appliance connectée Cloud@Customer).
« Tout ré-écrire depuis une page blanche était une nécessité », confirme le responsable du SaaS qui vient de SAP.
Trop grosse rupture technologique chez SAP
« [Avec Fusion Applications Cloud] nous n'avons pas porté des solutions sur site dans le cloud ». Le pic est évidemment lancé à son ancien employeur, principalement sur Business byDesign et sur S/4HANA, l'ERP qui s'appuie sur la base In-Memory de l'Allemand.
Questionné par LeMagIT, Juergen Lindner, installé aujourd'hui en Californie, n'en fait pas mystère. « Oui le coeur du système de SAP n'est pas redéveloppé pour le cloud. Certaines adaptations cloud de ses produits ont des roadmaps qui vont jusqu'en 2025 ».
A l'opposé, Oracle serait d'ores et déjà prêt, avec une couche technologique entièrement repensée et unifiée sur laquelle s'appuient les différentes applications HCM, SCM, CRM, ERP - là où SAP aurait un patchwork d'applications plus ou moins bien intégrées.
Pire - ou mieux selon le point de vue - comme S/4HANA en mode cloud repose sur HANA, l'ERP ne propose pas de chemin de migration simple depuis les anciennes versions de l'ERP sur site (R3, Business Suite).
Juergen Lindner, SVP Product Marketing SaaS, Oracle
Ce saut technologique, qui oblige à tout reprendre de zéro pour les clients de SAP, ouvrirait la porte à des migrations vers des outils tiers.
« S/4HANA est une opportunité pour Oracle. Beaucoup de clients viennent nous voir à cause de HANA [quand] il s'agit de passer du sur site au cloud », se réjouit ouvertement Juergen Lindner. « Nous sommes encore des challengers dans l'ERP, mais nous sommes les leaders dans le cloud ».
L'ERP SaaS en plein boom
Concernant l'adoption du cloud, Karine Picard, VP EMEA Applications Strategy & Business Development, constate qu'en Europe, ce sont d'abord « les gros » de la grande distribution et des télécom (comme Orange) qui ont fait ce choix de l'ERP cloud. « Ils se sont rendus compte qu'ils avaient transformé leur front-office, mais pas leurs back-offices... alors ils y sont allés ».
Karine Picard, VP EMEA Applications Strategy & Business Development, Oracle
Les deuxièmes acteurs à avoir sauté dans le SaaS ont été les petites entreprises en forte croissance et/ou avec des visées internationales (là où se positionne justement un Netsuite, racheté par Oracle).
« Aujourd'hui, l'intérêt pour le SaaS se voit dans toutes les industries, et dans toutes les tailles d'entreprises », conclue la VP EMEA. D'après son expérience du terrain, les prochains secteurs à passer à l'ERP cloud devraient être l'industrie manufacturière (via la supply chain) et l'Hôtellerie (pour bénéficier entre autre des capacités prédictives sur le remplissage et les réservations).
« La customisation devient obsolète »
Une des barrières historiques à la migration vers le SaaS était les spécifiques et les personnalisations de l'ERP sur site. Elle n'en serait plus une.
L'ERP Cloud étant une version plus récente, il intègre plus de fonctionnalités natives adaptées à plus d'industrie, vante en substance Larry Ellison, CTO et co-fondateur d'Oracle.
Résultat, « un client - que je ne peux pas citer mais que dont nous parlerons rapidement - avait 30.000 personnalisations dans la version sur site de son ERP. En passant au SaaS, il n'a plus aujourd'hui que 13 extensions », illustre Juergen Lindner.
En France Orange aurait ainsi totalement éliminé les 500 personnalisations qu'il avait sur site. « La customisation devient obsolète », tranche l'Allemand, même si elle reste toujours possible dans le cloud avec le PaaS.
« Best of Breed » vs solution « holistique »
En France, plusieurs témoins constatent que dans le cloud, un nouvel entrant comme Workday (fondé par le créateur de PeopleSoft) commence à gagner des appels d'offre de gros comptes contre SAP et Oracle.
En creux, ce qui se joue dans cette évolution est la bataille entre le Best of Breed et les solutions « holistiques ». Workday peut se compléter d'un CRM de Salesforce et d'un outil de supply chain comme Manhattan Associates, là où Fusion Applications Cloud est capable de fournir une offre de bout en bout.
Pour Karine Picard, « la bataille est certes rude [...] Mais ils ont encore un peu de retard en Europe. [Et] ils n'ont pas d'IA intégrée, ni d'EPM entier. Ils ne proposent pas non plus de brique pour la Supply Chain, ni de fonctionnalités à base de blockchain ».
Juergen Lindner, SVP Product Marketing SaaS, Oracle
Au final, la progression d'acteurs spécialisés sur des briques particulières, serait bien réelle mais à nuancer. « On commence à voir les limites du best of breed », avance Juergen dans un échange avec le MagIT. « Nous avons beaucoup de clients qui reviennent du multicloud. Car ce n'est pas si simple de relier plusieurs applications SaaS. Des fois, cela pose également des problèmes de sécurité lorsque vous transférez les données d'un cloud à un autre. Et surtout, vous réintroduisez ce que vous essayez d'éliminer : des silos ».
Sur le terrain, en tout cas, Oracle constate un virage net de l'ERP vers le SaaS avec des croissances au-delà de ses prévisions.
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