Comment l'Oracle Autonomous Database va changer le métier de DBA (ou pas) ?
La technologie qui motorise la base de données « autonome » d'Oracle automatise des tâches basiques que l'administrateur prenait jusque là en charge. Elle pourrait donc détruire quelques emplois. Mais beaucoup de DBAs verront aussi leurs rôles changer et leurs responsabilités augmenter.
Depuis qu'Oracle a annoncé ses « Autonomous Databases », des bases de données motorisées au Machine Learning, les administrateurs de ces bases (DBA) se posent la question de savoir comment le cloud et l'Intelligence Artificielle vont influer sur leurs postes à long terme. Voire s'ils devront changer de métier.
La réalité est un peu plus nuancée, comme toujours avec les nouveautés IT. Beaucoup de choses dépendront de la manière dont le produit d'Oracle sera adopté par les entreprises, comment les décideurs appréhenderont ses opportunités (et ses limites), et comment les DBA se positionneront eux-mêmes dans cette évolution.
Ce qui est certain en revanche, c'est que le métier de DBA Oracle va changer et que la clef pour bien gérer ce changement est de se mettre dans un état d'esprit ouvert aux évolutions.
L'Autonomous Database d'Oracle, dont les premières incarnations ont été dévoilées cette année - avec en mars sa version entrepôt de données - laisse assez peu de choses à faire aux DBA en ce qui concerne les opérations quotidiennes. Ils n'ont plus à patcher, mettre à jour, tuner ou à s'occuper des tâches basiques de gestion de la base. Selon Oracle, c'est la technologie qui prend soin de toutes les procédures d'administration, ce qui affranchirait le DBA et lui permettrait de se concentrer sur des priorités à plus forte valeur ajoutée comme la modélisation de données, la protection des données sensibles et l'optimisation de la performance des applications.
Oracle affirme également qu'en automatisant les actions sans réelle valeur métier, les entreprises peuvent faire des économies substantielles. A ce jour, l'Autonomous Database repose sur les algorithmes de Machine Learning de la 18c et sur des scripts automatisés. Parce qu'elle se passe du contrôle d'un administrateur, elle serait également moins exposée aux erreurs humaines courantes qui débouchent sur des ralentissements - voire des interruptions de services - sur des performances trop faibles, sur des données corrompues ou compromises, ou qui provoquent d'autres effets indésirables et coûteux de cet acabit.
La base de données pour tous, fin du DBA ?
L'Autonomous Database permet par ailleurs aux développeurs, aux Data Scientists et aux Data Stewards (coordonnateur des données) de créer eux-mêmes leurs entrepôts de données et de les mettre à jour sans passer par un DBA, ce qui simplifie (dans un premier temps) leur métier et améliore, normalement, leur productivité.
Avec le premier service Oracle Autonomous Data Warehouse Cloud, n'importe quel utilisateur avec un minimum de connaissances peut déployer un datawarehouse cloud en quelques minutes, en court-circuitant l'administrateur de base de données.
Les DBA pourraient donc se retrouver à s'opposer aux responsables IT qui verraient dans cette technologie un moyen de faire des économies de personnels. Les responsables de nouveaux projets pourraient effectivement décider de passer au cloud sans leur aide. Quant aux sociétés qui proposent des services de gestion des données, elles pourraient voir leur clientèle fondre comme neige au soleil.
Mais les entreprises qui seraient tentées par ce choix du « No-DBA » feront tout de même bien de garder à l'esprit que, dans le cas où les choses se passent mal, elles n'auront plus personne pour les aider (par exemple en cas d'interruption de service, de problème réseau, de données corrompues, etc.). Aussi tentant soit-il de se passer de cet intermédiaire qu'est le DBA, les métiers doivent aussi envisager qu'en cas de gros problème ils se retrouveraient seuls, tous seuls, et obligés de faire appel en urgence à des consultants, forcément très chers.
Amis DBA Oracle : on ne panique pas et on reste calme
Très clairement, il passera beaucoup d'eau sous les ponts avant que les DBA Oracle ne soient mis au rebut. D'autant plus que les transitions technologiques prennent du temps - et que l'offre Autonomous Database d'Oracle n'est pas encore complète ni forcément très mûre. Sans oublier que de nombreuses entreprises rechignent encore - et rechigneront longtemps - à mettre leurs données critiques dans le cloud (condition nécessaire pour bénéficier de l'IA dans la 18c).
Les organisations qui ont lourdement investi dans leurs infrastructures sur site seront également moins enclines à migrer vers Autonomous Database. Beaucoup d'entre elles gèrent - et reposent - sur des systèmes complexes, de très grandes tailles, où le DBA reste une pièce centrale du jeu.
La vérité du terrain, aujourd'hui, c'est que la plupart des DBA ont plus de choses à faire en une journée de travail qu'ils ne pourraient en faire en 24h. Et qu'ils seraient pour la plupart très contents de ne plus avoir le fardeau des patches, des mises à jour et autres back-ups sur leurs épaules.
Une grande majorité des technologies ont jusqu'à présent eu pour but d'augmenter l'automatisation et l'autonomie des systèmes - un mouvement qui ne risque pas de s'arrêter de sitôt. Les professionnels de l'IT ont dû s'adapter au fil du temps à cette évolution qui redistribue en continu les cartes. Ils continueront à le faire, tout comme ils l'ont fait très récemment - au-delà de l'automatisation - avec DevOps ou avec la démocratisation du développement d'applications rendue possible par les outils low-code / no-code.
Du « gestionnaire de bases » à « ingénieur de la donnée »
L'Oracle Autonomous Database n'est au final que la dernière incarnation en date d'un mouvement continu de l'IT, avec un DBA qui passe progressivement de l'opérationnel au support stratégique de l'activité de l'entreprise de plus en plus centrée sur la donnée. Cette évolution est une opportunité pour des DBA Oracle qui peuvent se positionner encore plus en garde-fous, en gestionnaires de la donnée (et pas simplement de l'outil « base ») et en experts de l'optimisation des performances globales des applications.
Pour certains, ce changement ne sera certainement pas facile. Mais il est inévitable. Les DBA doivent s'y préparer et envisager dès à présent les étapes qu'ils devront franchir, une à une, pour migrer vers leur nouveau rôle.
Ceci étant, pour la plupart des DBA, cela signifie simplement continuer à faire ce qu'ils ont déjà commencé à faire : acquérir de nouvelles compétences, s'adapter à des modèles économiques différents, rester souples devant les évolutions de l'industrie IT. Les nouvelles technologies - comme l'Autonomous Database - révèlent toujours à terme des opportunités qui n'étaient pas évidentes ou pas prévues lors de leurs lancements.
Cela ne veut pas dire que tout sera simple ou facile pour les DBA. Ou que les décideurs ne vont pas tomber dans le piège des bénéfices à court-terme (principalement réduire les coûts, couper dans les équipes et faire des économies qui n'en sont pas forcément à long terme). Mais pour la plupart des entreprises, la valeur du DBA ne devrait pas diminuer - même si, une fois encore, son rôle va évoluer d'une perspective centrée sur le SGBD vers une perspective centrée sur la donnée dans son ensemble.
Peut-être que, dans ce contexte, le plus important pour un DBA est de commencer à se voir comme un « ingénieur de la donnée » plutôt que comme un « administrateur » - une transition que, entre nous, beaucoup sont déjà en train de faire.