Open Compute : AT&T va publier les spécifications de ses routeurs/passerelles 5G
L'opérateur américain, engagé dans une vaste démarche open source pour la construction de son réseau 5G, a annoncé la semaine dernière la publication des spécifications de ses routeurs/passerelles pour sites 5G sur le site de l'Open Compute Foundation. Ces équipements seront notamment motorisés par Vyatta, la pile de routage libre rachetée à Brocade.
L’adoption des approches software defined et Open Compute, pourrait modifier en profondeur les architectures des opérateurs dans les années à venir, tout en amputant les revenus des géants du routage.
Un exemple du succès de ces approches est l’annonce par l’opérateur mobile américain AT&T de son intention de déployer des dizaines de milliers de routeurs/passerelles conçus en interne dans le cadre de la construction de son réseau 5G.
AT&T a annoncé la semaine dernière la publication des spécifications de ces routeurs sur le site de l’Open Compute Project (OCP), une initiative lancée par Facebook pour partager la conception de serveurs et d’équipements de datacenters. L’opérateur a conçu ces équipements pour son réseau mobile de cinquième génération avec pour but affiché de s’affranchir des équipements habituellement fournis par des spécialistes du secteur comme Cisco, Ericsson, Juniper Networks ou Nokia Networks.
Une stratégie open source ambitieuse
Pour AT&T, l’open source est un impératif technique et économique : « Cette transformation a pour but de faire face à la demande croissante en données de nos clients alors que s’ouvre le monde de la 5G » explique Chris Rice, le vice-président senior des réseaux cloud et de l’infrastructure chez l’opérateur.
« Le trafic de données sur nos réseaux mobiles a progressé de 360 000 % depuis 2007. Nous transportons désormais près de 222 Po de données en moyenne chaque jour. Le vieux modèle matériel ne peut pas suivre, il nous faut évoluer plus vite et plus efficacement. Nous pensons que l’approche “white box” nous aidera à répondre à la demande tout en permettant à l’industrie d’innover plus vite que précédemment ». À terme, AT&T prévoit de remplacer son parc actuel de 60 000 routeurs/passerelles de bordure par des équipements conçus en interne. AT&T entend aussi virtualiser et contrôler par logiciel 75 % de son réseau global d’ici 2020 (55 % l’étaient déjà à la fin 2017).
Selon Rajesh Ghai, un analyste d’IDC, le seul déploiement de ces équipements par AT&T devrait avoir « un impact négatif probable d’environ 100 à 200 millions de dollars » sur le marché mondial des routeurs. Et ce chiffre pourrait devenir bien « pire si d’autres opérateurs suivaient (son exemple) ». Parmi les opérateurs télécoms membres de l’OCP figurent notamment Deutsche Telekom, SK Telecom et Verizon. Ironiquement, Cisco et Nokia sont aussi membres du consortium.
D’autres opérateurs ont également mis en place des initiatives open source dans le cadre de leur stratégie de déploiement de la 5G, mais peu ont des stratégies aussi agressives que celles d’AT&T. Dès 2016, l’opérateur a contribué à la Linux Foundation, avec une plate-forme de réseau « software defined » appelée ECOMP, ainsi qu’un système d’exploitation réseau développé en interne. La fondation a baptisé ce dernier système le Disaggregated Network Operating System (dNOS).
Un routeur basé sur une plate-forme Broadcom « Dune »
Pour son nouveau routeur, AT&T s’appuie sur le code source du routeur logiciel de Vyatta qu’AT&T a racheté à Brocade Communication Systems l’an passé, après la prise de contrôle du constructeur par Broadcom. Le code du routeur Vyatta est un élément essentiel de la plate-forme de routage de l’opérateur.
AT&T a conçu son routeur pour prendre en charge une large gamme de débits au niveau des stations de base avec le support de ports à 1 Gigabit mais aussi le support de ports 10/25 et 100G pour la 5G. L’équipement est architecturé autour d’une puce de communication StrataDNX Qumran-AX de Broadcom (BCM88470), une puce dérivée de l’architecture développée par Dune Networks (un constructeur racheté en 2009 par Broadcom).
Cette puce dispose d’une quantité importante de mémoire tampon pour permettre la mise en œuvre de politiques de qualité de service sophistiquées. Le routeur inclut aussi un processeur puissant pour accueillir le système d’exploitation, ainsi qu’un module d’administration et de supervision à distance (BMC, Baseboard Management Controller). Il embarque aussi des horloges précises pour supporter les besoins des évolutions futures du standard 5G.
Edgecore lance un routeur sur la base du design d’AT&T 5G
Edgecore Networks, un fabricant ODM taïwanais, connu notamment pour ses commutateurs 10/25/100G en marque blanche, devrait être le premier à utiliser les spécifications d’AT&T. La filiale du groupe Accton a profité de l’OCP Regional Summit, qui se tenait la semaine dernière à Amsterdam, pour dévoiler le routeur pour sites radio AS7316-26XB, un équipement conçu pour acheminer le trafic provenant de stations de bases 4G et 5G et disposant en standard de lien de « backhaul » à 25 et 100 Gigabit.
Selon AT&T, d’autres fournisseurs ODM (Original Design Manufacturer) devraient aussi proposer des équipements basés sur ses spécifications dans les prochains mois.