Un an après, AMD semble avoir réussi son retour dans les serveurs
Grâce à des prix plus avantageux, les serveurs AMD Epyc ont déjà réussi à motoriser des projets Big Data et HPC en France. La déferlante devrait avoir lieu l’année prochaine.
Un an après, et même si la cible principale des datacenters d’entreprises reste à conquérir, force est de constater qu’AMD a plutôt bien réussi à revenir dans les serveurs avec son processeur Epyc. « Les ventes restent émergentes en France, mais nous avons déjà signé de beaux projets de fermes de calcul et de clusters Hadoop sur la base de processeurs Epyc. L’intérêt de ces configurations AMD est qu’elles condensent plus de puissance de calcul par socket – 32 cœurs et 2 To de RAM contre 28 cœurs et 1,5 To de RAM – et sont jusqu’à deux fois moins chères que celles d’Intel par cœur », indique Mathieu de Fressenel, directeur de la division serveurs chez HPE France.
Jean-Sébastien Volte, responsable de l'offre serveur et réseaux de Dell EMC en France, est même surpris du démarrage tout à fait honnête des ventes de configurations Epyc sur le territoire. « AMD avait abandonné le marché des serveurs x86 après la sortie de l’Opteron X en 2013, ils avaient donc le défi de parvenir à restaurer la confiance des clients. Et ils l’ont fait, notamment dans le secteur public et dans les DSI très techniques, où l’on a été sensible aux benchmarks SpecInt et SpecFP qui démontrent des performances 20 % supérieures à Intel au même prix », indique-t-il.
L’argument d’être moins cher
AMD avait dès le départ positionné son nouveau processeur Epyc comme une alternative plus économique à Intel. Un an plus tard, le fabricant peut désormais présenter des chiffres plus précis : « Nous constatons qu’une même machine virtuelle dotée d’un cœur et de 8 Go de RAM coûte en moyenne 247 dollars sur un serveur AMD contre 447 dollars sur un serveur Intel », affirme Daniel Bounds, en charge de la division Datacenters, chez AMD.
Par extrapolation sur trois ans, en comptant le coût des serveurs physiques, celui de leur consommation d’énergie et celui des licences logicielles généralement facturées par socket, Daniel Bounds liste une série de comparatifs qui mettent systématiquement en avant des économies importantes.
Par exemple, pour déployer une ferme de 320 cœurs x86, une configuration en 14 serveurs bi-socket à base d’Intel Xeon 5118 12 cœurs coûte 429 511 $, tandis que 10 serveurs bi-socket à base d’AMD Epyc 7351 16 cœurs reviendraient à 333 614 $. Encore mieux, 10 serveurs mono-socket à base d’Epyc 7551P 32 cœurs feraient descendre la facture à 236 942 $. Respectivement, les configurations plus denses à base d’AMD Epyc réduiraient de 29 et 64 % le coût des licences logicielles.
Le frein technologique de mixer les VM entre Intel et AMD
HPE et Dell EMC refusent de communiquer des chiffres de vente exacts, mais soulignent l’importance du démarrage, fut-il modeste : « les entreprises françaises renouvellent leurs serveurs au bout de cinq ans et les plus grandes d’entre elles ont des cycles de validation assez longs ; on ne pouvait donc pas attendre d’AMD qu’il colonise tout le marché en une année à peine », commente Jean-Sébastien Volte.
Les deux experts notent néanmoins qu’un frein technologique n’a pas encore été résolu : si les configurations Epyc sont sur le papier meilleures que celles d’Intel pour construire des fermes de machines virtuelles - notamment des infrastructures hyperconvergées qui condenseraient un maximum de RAM et de supports de stockage NVMe - aucun client de ces configurations-là n’a pour l’instant manifesté d’intérêt pour des serveurs Epyc.
La raison ? Il est très compliqué d’étendre une telle ferme Intel avec des serveurs AMD, car la plupart des fonctions de bas niveau ne fonctionnent pas des uns aux autres. Citons par exemple la fonction vMotion de VMware, incapable de migrer des machines virtuelles entre les deux architectures.
« Très clairement, nous ne vendons des serveurs Epyc que dans le cadre de nouveaux projets, ceux où les entreprises partent d’une feuille blanche. Et c’est pourquoi nous adressons essentiellement aujourd’hui les besoins très récents de Big Data/Hadoop ou de HPC qui ne reposent sur aucun historique », dit Mathieu de Fressenel. HPE propose pour l’heure trois modèles de serveurs dédiés à ces marchés : le proliant DL385 adapté aux bases de données (jusqu’à 64 cœurs, 4 To de RAM, 24 unités NVMe), ainsi que les très denses DL325 (1U, 8 cœurs, 2 To de RAM) et Apollo 35 (4 serveurs mono-sockets dans 2U) pour le HPC.
Vers une déferlante Epyc d’ici à un an ?
Dell EMC propose d’ores et déjà des infrastructures hyper-convergées à base d’Epyc et Jean-Sébastien Volte révèle que le constructeur planche sur une démultiplication des configurations d’ici à un an, essentiellement sur les modèles mono et bi-sockets de 400 à 4000 dollars qui représentent, dit-il, les trois quarts du marché des serveurs.
En ligne de mire, les hébergeurs d’offre cloud, que Dell EMC se targue de compter parmi ses clients, seraient sur les rangs pour déployer de l’Epyc à très grande échelle. « Pour eux, le fait de condenser un maximum de mémoire et de stockage NVMe dans un minimum d’espace, grâce à nos modèles R7415 et R7425, représente l’opportunité de facturer plus de VM par serveur à leurs clients », indique-t-il, en sous-entendant que Dell EMC pourrait décliner son offre Epyc en serveurs lame.
Selon un troisième expert, qui a tenu à conserver l’anonymat pour ne pas mettre en difficulté ses relations avec Intel, le point d’inflexion des ventes d’AMD Epyc dans les serveurs arrivera l’année prochaine. « D’ici à un an, AMD lancera sa seconde génération de processeurs Epyc, dite Rome. Fabriquée avec une finesse de gravure record de 7nm, elle doit permettre à AMD de proposer jusqu’à 64 cœurs Zen 2 par socket, là où les nouveaux modèles Cascade Lake d’Intel prévus pour mai prochain stagneront à 28 cœurs. A ce moment, il est à prévoir que les clients qui se lassent des prix bien plus élevés d’Intel s’engouffrent dans l’opportunité économique de basculer sur des configurations AMD », analyse-t-il.
Selon des premiers benchmarks qui auraient filtré mais qui restent à prendre avec des pincettes, les préversions d’Epyc génération Rome atteindraient un score de performances dix fois supérieur à celui d’un Intel Xeon dans certaines circonstances.
« Fait aggravant pour Intel, les découvertes récentes des failles de sécurité dont ses puces sont victimes – la dernière en date concernant l’extension SGX qui chiffre les VM en mémoire – lui imposent des patches logiciels qui réduisent jusqu’à 30 % les performances de ses processeurs, voire posent des problèmes de compatibilité sur vMotion. Il faut donc s’attendre à une certaine période durant laquelle Intel travaillera essentiellement à rattraper son retard sur AMD », imagine cet expert.