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CRM : avec Dynamics 365 AI, Microsoft lance ses grandes manœuvres contre Einstein de Salesforce
Lors de son Ignite, Microsoft a dévoilé des agents virtuels pour le service client, à base d'intelligence artificielle et personnalisables avec des outils low-code. Il sort également des outils infusés à l'IA pour les commerciaux et les équipes marketing. Attaqué sur Einstein, Salesforce répond avec un PowerPoint maison et un bot vocal, lui aussi low-code.
Bis repetita. Microsoft et Salesforce s'attaquent, à nouveau. L'Intelligence Artificielle que le premier va ajouter à Dynamics 365 va renforcer ses outils dédiés aux commerciaux, aux équipes marketing et, surtout, aux services après-vente et aux agents en charge du support.
Ils ont été dévoilés le lendemain pile de l'annonce de Quip Slides par Salesforce, un concurrent direct de PowerPoint qui vise particulièrement les commerciaux.
Coup pour coup
Avec Quip Slides, Salesforce semble vouloir annexer le territoire de Microsoft en matière d'outils de productivité (une de ses « machines à cash » les plus rentables). Exactement au même moment, Microsoft déploie de plus en plus ses forces dans le domaine du CRM - pré-carré de Salesforce - en l'intégrant plus étroitement à Teams et en l'infusant de nouvelles fonctionnalités d'IA pour contrer Einstein.
« D'un côté vous avez Salesforce qui annonce Quip Slides, de l'autre vous avez Microsoft qui fait tout un tas d'intégration entre Teams et Dynamics... On finit par se demander qui attaque le marché de qui ! », plaisante Alan Lepofsky, analyste chez Constellation Research.
Juste avant le début de sa conférence utilisateurs Ignite, Microsoft avait lancé les hostilités en présentant sa gamme Microsoft Dynamics 365 AI, en particulier Dynamics 365 AI for Customer Service, qui propose des agents virtuels (chatbots) prêts à l'emploi. Hasard du calendrier - ou pas - l'annonce est également tombée peu de temps avant l'ouverture de Dreamforce, l'évènement annuel du rival Salesforce.
Lors de cet événement justement, le champion du CRM a présenté... un assistant virtuel capable de comprendre la voix (Einstein Vocal Assistant) - une des annonces qui a suscité le plus d'intérêt lors de cette grand-messe.
Juste après le week-end, au premier jour de Ignite et de Dreamforce, Microsoft lançait une nouvelle attaque avec la présentation d'une grande alliance avec Adobe (son allié traditionnel dans les outils Marketing) et SAP dont le but à moitié avoué est de contrer les ambitions expansionnistes de Salesforce visant les 60 milliards de CA en 2034.
En résumé, la compétition entre les deux géants atteint un nouveau paroxysme dans le CRM.
Le match des bots
Les nouveaux bots de Microsoft, basés sur Azure Cognitive Services, ne nécessiteront pas de développement intensif ou de faire appel à des sociétés de conseil « contrairement à d'autres fournisseurs d'outils CRM », vante Alysa Taylor, vice-présidente des applications métier et de l'industrie chez Microsoft, avant de citer nommément Salesforce comme un de ces concurrents.
« De nombreux fournisseurs proposent des [agents virtuels] d'une manière qui est très lourde à adopter pour les organisations », enchaîne-t-elle. « Cela nécessite un lourd investissement en temps et en compétences, ce qui est important pour les entreprises ».
La critique pouvait viser IBM et Watson, un des partenaires de Salesforce, mais en réalité Einstein Bot ne repose pas sur la technologie de Big Blue.
Le discours de simplification de la production des assistants (et de leur entrainement) se retrouve en tout cas aujourd'hui chez à peu près tous les acteurs, de Infor avec Coleman - qu'il est possible d'adapter en low-code aux besoins métiers, à SAP - qui a mis la main sur une superbe pépite française dans le domaine avec Recast.AI.
Agents augmentés, pas d'agents supprimés
Quoi qu'il en soit, les bots doivent être entrainés. « Les assistants virtuels de Microsoft Dynamics 365 AI pourront l'être directement par les responsables de centres d'appels », affirme Navrina Singh, la responsable produit de Microsoft AI.
« Les bots peuvent puiser dans les retranscriptions des appels téléphoniques, dans les mails ou dans toute autre banque de données des centres de contact pour se former et trouver par eux-mêmes des réponses aux problèmes posés par les clients pour alléger la charge de travail des agents humains surchargés », précise Navrina Singh.
La promesse de Microsoft est donc d'avoir des agents augmentés et non des agents supprimés. L'avenir dira si les choses se passent bien de cette manière.
Le Big Boss fait le déplacement
La tension entre Microsoft et Salesforce est palpable. Un signe ne trompe pas. L'introduction des agents virtuels de Microsoft est tellement importante dans la stratégie CRM de l'éditeur que son PDG, Satya Nadella, a fait le déplacement pour participer en personne à la présentation, en duo avec Navrina Singh.
« Ce qui pour moi est le plus enthousiasmant », a-t-il lancé, « c'est que [Microsoft] peut faire de toutes les entreprises des championnes de l'IA. Elles ont déjà des clients, elles ont déjà des données. Si vous pouvez démocratiser les outils, alors chacune d'entre elles peut tirer parti du pouvoir de l'intelligence artificielle ».
Le discours de fond n'est pas très différent du côté de Salesforce. Reste à savoir si les clients sont vraiment prêts à passer à ces fonctionnalités « intelligentes » ou si la maturité du marché mettra encore quelques temps à venir.
D'autres offres « Dynamics 365 AI » anti-« Salesforce Einstein »
La grande manœuvre de Microsoft ne s'arrête pas là. Les commerciaux et les équipes marketing auront aussi droit à leurs doses d'IA dans Dynamics 365.
Côté commerciaux, Microsoft positionne Dynamics 365 AI for Sales face à Salesforce Einstein - qui utilise l'IA pour scorer et hiérarchiser les prospects d'un pipeline et pour optimiser ainsi la performance des équipes commerciales.
Côté marketeurs, Dynamics 365 AI for Market Insights devrait recueillir des données internes au marketing ainsi que sur différents médias sociaux et les mélanger à d'autres sources sur l'engagement client. Le but est d'améliorer les campagnes, « d'engager des échanges plus pertinents et de réagir plus rapidement aux tendances », écrit Alysa Taylor dans un billet de blog. Exactement comme le promettent les services Einstein du Marketing Cloud de Salesforce ou comme Sensei de Adobe.
Suffisant pour contrer Salesforce ?
Même si les initiatives de Microsoft soient très bien pensées, les analystes se demandent si Microsoft arrivera véritablement à percer face à la présence massive de Salesforce dans les entreprises, partout dans le monde - et ce même si ses solutions semblent plus faciles d'utilisation, plus économiques et plus intuitives que celles de Salesforce.
Alan Lepofsky par exemple, en doute. Pour lui, le nombre de visiteurs respectifs d'Ignite et de Dreamforce parle de lui-même. La conférence de Salesforce a attiré environ 150.000 personnes, quand celle de Microsoft en a regroupé quasiment six fois moins. Salesforce ne va pas non plus rester les bras croisés dans la course à l'intelligence artificielle, comme il l'a prouvé cette année encore à San Francisco. Quant à la part de marché de Dynamics, en forte progression, elle n'est que de 4 % contre quasiment 20 % pour le leader.
Ceci étant la réalité du jour n'est pas toujours celle du lendemain.
En novembre 2017, pour la première fois de l’histoire de l’IT en France, les groupes utilisateurs des solutions B2B des trois plus gros éditeurs mondiaux (SAP, Oracle et Microsoft) ont uni leurs forces pour se faire entendre sur les problématiques et un certain flou liés au RGPD.
En creux, la présence du DynsClub dans cette alliance témoignait de la montée en puissance de Microsoft (et de Dynamics 365). La présence de ce groupe d’utilisateurs aux côtés de ceux, très puissants, d’Oracle et de SAP aurait presque paru incongrue il y a trois ans. Plus du tout aujourd’hui. Ce qui est déjà une bataille de gagnée pour Microsoft.