Salon Solutions 2018 : l’ERP se cherche un avenir
Cloud, décisionnel, Big Data, IA, chatbots, RPA, les éditeurs d'ERP rivalisent afin de se faire passer pour plus innovants que ses concurrents. Pourtant, le constat est là : les entreprises françaises s'appuient en majorité sur des ERP obsolètes et peinent à les faire évoluer.
Comment s'engager dans cette sacro-sainte « transformation digitale lorsque le système d'information de son entreprise est bâti sur un ERP monolithique aux processus quasi immuables et qui s'appuie sur des technologies obsolètes ? Si les grandes entreprises se sont dotées des moyens de contourner les contraintes de leurs grands ERP en mettant notamment en place des Data Lake pour « désiloter » les données et des bus de données pour faciliter les échanges entre applications, peu de patrons de PME disposent des moyens et des ressources pour le faire.
Dévoilée lors de l'édition 2018 du salon Solutions, l'étude ERP Survey 2018 du CXP dresse un constat d'obsolescence du parc des ERP en France : 6 sur 10 ont été installés avant 2010 et seulement 26 % ont moins de 5 ans. De fait, le taux de satisfaction des décideurs atteint le score de 6,3/10, sachant que moins de 20 % des répondants considèrent leur ERP comme adapté en termes de partage des données et 13 % seulement sur des fonctions de gestion de stock...
Face à ce constat plutôt déprimant, la course au « buzz words » des éditeurs d'ERP peut sembler incongrue. Depuis quelques éditions, l'IA est entrée dans le discours de tous les éditeurs, qu'il s'agisse de chatbots pour les commerciaux ou bientôt pour tous les utilisateurs d'ERP. De même, les éditeurs proposent désormais d'adosser leur ERP à un Data Lake ainsi qu'à une plateforme décisionnelle, autant d'options payantes mais qui nécessitent surtout de disposer des dernières versions de l'ERP pour être déployées.
L'ERP bascule (enfin) dans le cloud
Pour faire sauter ce frein à l'innovation, une solution est en train de s'imposer, le cloud. Ce qui semblait jusqu'ici impossible, c'est-à-dire basculer cette brique stratégique du SI dans le cloud, effraie de moins en moins les directions générales. Les chiffres du CXP montrent qu'en France, si seulement un quart des ERP sont aujourd'hui déployés en cloud privé ou public, les mentalités changent rapidement. Les trois quarts des répondants estiment qu'un déploiement Saas est désormais possible et un tiers l'envisage à l'horizon des deux prochaines années.
De facto, lorsqu'on interroge les éditeurs, plus aucun cahier des charges n'est adressé à un éditeur sans que celui-ci n'inclue un volet cloud. Tous les éditeurs ont bien compris ce basculement et les pure player du cloud tels que Workday et Oracle NetSuite, présents sur le salon, font aujourd'hui face à l'ensemble des éditeurs du marché qui ont décliné leurs offres vers le Saas.
Benoît Wambergue, Directeur Produit, Sylob souligne : « Les études Panorama Consulting Solutions (PCS) montrent qu'aux Etats-Unis en 2017, le taux de déploiement des ERP dans le cloud était de l'ordre de 30% et de 70 % dans le cloud on-premise. Cette année, le cloud est à 80 / 85 %. On peut penser que cette révolution du cloud va arriver en France prochainement ». Son rival Xavier Quinault, responsable de l'Innovation Center d'Infor surenchérit : « Il ne s'agit pas que de chiffre d'études. Je confirme que nous menons aujourd'hui 80 % des projets dans le cloud aux Etats-Unis. »
Pour Norbert Jamet, Responsable produits Finance - Marché entreprises de Cegid, c'est clairement la complexité des montées de versions qui est à l'origine de ce retournement du marché en faveur du cloud : « Il s'agit d'une tendance de fond car c'est une réponse concrète aux difficultés de nos clients à mettre à jour leur système d'information face au télescopage d'obligations réglementaires et légale avec par exemple le prélèvement à la source, la loi anti-fraude à la TVA, le contrôle des comptabilités informatisé, IFRS, etc. le tout arrive dans un calendrier qui n'est pas coordonné. Le cloud apporte une solution concrète qui va permettre à l'entreprise de se recentrer sur son métier. »
Les éditeurs estiment qu'aujourd'hui ce frein vis-à-vis du cloud a sauté et que les dirigeants des entreprises françaises sont prêts à franchir le Rubicon : « Sur la cible des entreprises de tailles intermédiaires, le cloud figure systématiquement dans les cahiers des charges ce qui n'était pas du tout le cas il y a trois ans », explique Jeremy Jeanjean, Consultant Avant-vente et Product Evangelist chez IFS France, « par exemple, cette année nous avons signé un projet de 5 000 utilisateurs uniquement dans le cloud. C'est une vraie tendance de fond sur les nouveaux projets. »
De nouveaux usages vont pousser au renouvellement des ERP
Divalto qui a lancé son offre Saas voici 2 ans explique que désormais plus de la moitié des appels d'offres ERP portent sur la recherche d'une solution Saas. Parmi les moteurs de cet intérêt pour le cloud, la mobilité et l'IoT, des nouveaux usages qui devraient pousser au renouvellement des plateformes selon Jérémy Grégoire, directeur marketing de Divalto : « L'ERP est un marché mature mais nous avons des innovations côté décisionnel et côté Saas notamment de même que sur la mobilité et les objets connectés. Les entreprises souhaitent coupler des équipements qui vont envoyer des informations afin de déclencher des ordres de maintenance, demander l'enlèvement de conteneurs. Nous devons être capables de capter ces flux de données, les transformer, envoyer des équipes sur le terrain et délivrer des données décisionnelles au moyen d'une plateforme Saas. L'IoT reste pour l'instant une niche mais qui est appelée à monter en puissance dans les années à venir. »
Pour Isabelle Saint-Martin, Product Marketing Manager de Sage en France, il y a pléthore de nouveaux usages pour l'ERP de demain. « Nous nous intéressons aujourd'hui à l'internet des objets, l'intelligence artificielle, au Big Data, à la réalité virtuelle, etc. Les projets se multiplient dans certains domaines, plus précisément dans la gestion industrielle pour optimiser les processus de production, la maintenance prédictive, et la logistique qui est un terrain très favorable à l'intégration de ces nouvelles technologies dans les processus d'entreprise. »
Si la responsable marketing reconnaît que l'ERP ne sera pas nécessairement en frontal dans ces nouveaux projets, celui-ci devra en être le réceptacle : « Le prérequis se situera au niveau de la plateforme qui devra être capable d'intégrer ces nouvelles applications, être capable soit de gérer des volumes de données plus importants mais aussi interagir en temps réel avec des composants tiers. »
L'intelligence artificielle, passage obligatoire d'un salon informatique en 2018
Outre ce virage dans le cloud, les éditeurs d'ERP ont tenu à mettre en avant leurs stratégies en matière d'intelligence artificielle, un bon moyen de rafraichir l'image quelque peu poussiéreuse des ERP. Sage s'intéresse particulièrement au sujet des robots conversationnels afin d'améliorer les interactions avec les utilisateurs, une démarche aussi suivie par IFS qui estime qu'au-delà du chatbot destiné aux interactions avec les clients, il sera demain possible d'interagir avec l'ERP en langage naturel. L'objectif est de masquer de plus en plus l'interface austère de l'ERP et de remanier les écrans de ce dernier afin de l'adapter aux besoins et habitudes réels de chaque utilisateur, en ne lui présentant que les données les plus pertinentes en fonction du comportement de chacun.
Dans la même optique, Infor a développé Coleman, une IA qui va permettre d'automatiser des tâches et des chaines de traitement comme la dématérialisation par exemple, et ainsi supprimer des tâches humaines dénuées de valeur ajoutée. Enfin l'éditeur s'appuie sur Microsoft Alexa afin que l'utilisateur n'ait plus à « voir son ERP ». Une stratégie dangereuse puisque Microsoft injecte aussi de plus en plus d'IA dans les modules de ses ERP mais dispose aussi d'un atout dans sa manche, un atout surprenant puisqu'il s'agit de son offre cloud Office 365.
Microsoft a restructuré le branding de ses 2 ERP, Dynamics AX devenant Dynamics Finance & Opérations et NAV devenant Dynamics 365 Business Central. Estelle Delessard, Product Marketing Manager Dynamics ERP chez Microsoft décrit comment l'IA vient s'immiscer dans les processus de ces ERP : « L'intelligence artificielle vient aider les commerciaux dans Business Central. Sans avoir à quitter Outlook, le commercial peut envoyer un devis qui a été pré-rempli à partir de l'analyse du message de son client. Il peut aussi vérifier les niveaux de stocks toujours sans quitter Outlook et éventuellement envoyer l'ordre de fabrication s'il n'y a plus assez d'articles. Le commercial reste sur Outlook et n'a pas besoin de retourner sur le CRM ou sur l'ERP pour ce type de tâche. »
Microsoft a présenté cette approche en juin dernier et assure que c'est aujourd'hui une réalité pour ses clients notamment dans le cloud qui disposent de la toute dernière évolution de l'ERP Microsoft. Estelle Delessard explique : « Dynamics 365 a été développé afin d'être une plateforme commune à tous les modules, un référentiel unique. Nous ne parlons plus ERP ou CRM mais bien d'une plateforme de gestion unique où viennent s'intégrer des briques métiers. »
Outre son intégration de la solution analytique PowerBI, l'offre ERP Microsoft compte bien miser sur le succès d'Office 365 dans les entreprises pour grignoter des parts de marché : « L'intégration à Office 365 est un vrai atout pour la solution, alors que jusqu'à aujourd'hui l'ERP et les suites collaboratives étaient deux domaines bien distincts » argumente Estelle Delessard. « Quand un client est déjà déployé sous Office 365, on sait que l'adoption de l'ERP ou du CRM sera bien plus rapide du fait des gains de productivité engendrés par cette intégration... » Les concurrents de Microsoft sont prévenus.