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Secteur public : la mécanique de l’open source se grippe (un peu)
Retrait de l’adhésion à la Document Foundation, les groupes de travail interministériels en perte de vitesse, ressources limitées dans les ministères, l’open source dans le secteur public français connait ces derniers mois quelques balbutiements… sauf dans les collectivités territoriales.
Un accroc dans la politique open source de l’Etat français. Alors que la France mène tambours battant une politique en faveur de l’usage des logiciels open source dans l’administration, ces derniers mois, ce mouvement en avant a connu quelques ratés. Entachant les belles dispositions mises en avant par les représentants de la DINSIC (la DSI de l’état) et par l’ensemble du numérique public depuis plusieurs années.
Il est vrai que le gouvernement français mène depuis des années une politique qui fait la promotion de l’usage des logiciels open source dans les ministères. La directive de 2012, signée du premier ministre de l’époque Jean-Marc Ayrault avait certes donné un coup d’accélérateur à ce dispositif. Mais depuis, le mouvement est allé de l’avant. Les grands projets IT publics, à l’image de VITAM (archivage), intègrent par défaut l’open source, des groupes de travail interministériels se sont créés pour structurer les débats et d’autres se sont impliqués dans les communautés. La loi pour La République Numérique a quant à elle fait décoller la dimension ouverture en libérant les codes sources des logiciels de l’état, des algorithmes qui les motorisent, et le recours aux logiciels open source globalement. Sans oublier la publication du Socle interministériel de Logiciels Libres (SILL) qui depuis 2013 liste les souches libres utilisées dans l’administration – et pouvant donc être réutilisées en interne. La cour des comptes a elle-aussi reconnu l’intérêt du libre dans l’administration.
En mai dernier, la DINSIC avait d’ailleurs structuré un peu plus la démarche en publiant un document précisant les modalités de contributions des agents publics aux communautés open source. Scellant dans le marbre l’aspect implication directe de l’administration dans l’open source.
Cet été a également été témoin de l’annonce par le secrétaire d’Etat en charge du numérique, Mounir Mahjoubi, d’un cloud gouvernemental, interministériel, dont le moteur principal serait OpenStack. Les ministères de l’Agriculture et l’Intérieur ont déjà le leur.
Bref, les exemples ne manquent pas : l’open source publique connait depuis des années une marche en avant.
Pourtant, cette dynamique n’est plus aussi fluide. En coulisse, la mécanique a connu une forme d’essoufflement. Un tassement.
TDF ne valide pas l’adhésion « gratuite » de Mimo
Le groupe de travail interministériel Mimo, qui certifie une distribution de la suite LibreOffice pour les ministères, s’est ainsi vu « retirer » sa participation au sein de The Document Foundation (TDF - la fondation open source en charge de la gouvernance de la suite bureautique). Ce groupe de travail avait rejoint cette entité en 2013, au sein du conseil consultatif (Advisory Board) en tant que membre « gratuit ». Cela désigne les membres qui s’engagent à contribuer activement – à l’inverse, ceux qui ne contribuent pas activement doivent s’acquitter de quelques frais. Mais l’engagement pris au départ n’a finalement pas été tenu, explique Italo Vignoli, un représentant de la Document Foundation à la rédaction, précisant qu’une contribution peut aussi bien prendre la forme de traductions que de développement de code.
« Nous comprenons parfaitement qu'un organisme gouvernemental ait des problèmes différents de ceux d'une entreprise lorsqu'il s'agit de dédier des ressources à un projet de logiciel open source. Mais alors qu'il devient clair aux deux parties que la situation ne peut pas changer, du moins dans un avenir prévisible, nous avons décidé de retirer ce siège "gratuit" », commente-t-il. « Mimo n’a donc pas été viré. C'était une décision partagée, et nous ne blâmons pas Mimo pour ne pas avoir tenu son engagement initial », nuance-t-il ensuite.
« Un constat plus qu’une fâcherie »
Une personne proche de ces groupes de travail (sous couverture d’anonymat) reconnait qu’il s’agit là « d’un constat plus qu’une fâcherie ». Il est vrai que depuis son entrée à TDF, Mimo, via Linagora, qui a remporté le marché public de support en logiciel libre pour les ministères, n’a contribué que « quelques correctifs de bugs, ce qui représente une cinquantaine de commits », à LibreOffice. Une contribution qui n’est en effet « pas très active pour être au board ».
Selon cette même source, seul un petit groupe de personnes dans les ministères aurait la capacité de travailler sur ces contributions. Et cela concerne également les autres groupes de travail interministériels, MimProd (pour les outils de production IT) et MimDev (pour les outils de développement). « Les groupes Mim s'essoufflent, car de moins en moins de personnes y participent », indique cette même source.
Plus globalement, elle note « un recul de LibreOffice dans les ministères », provoqué notamment par la décision de certaines institutions de repasser à Microsoft Office – est cité le ministère de la Culture. Dans les ministères, le nombre de « personnes concernées par LibreOffice » diminue, tout comme la pression à s’impliquer de près dans le projet. Aujourd’hui, « un nombre réduit de personnes décident du SILL pour tous les ministères. »
Mimo : un fork désormais officiel de LibreOffice
Reste que tout n’est pas si noir. Depuis, des avancées ont été réalisées, précise toujours cette même source, sans savoir toutefois si cela permettra à l’Etat français, via Mimo, de revenir au conseil consultatif de la TDF. La distribution de LibreOffice, validée par Mimo, est aujourd’hui disponible sur une branche de la communauté. « Nous avons un fork officiel », illustre-t-elle. Certains patches n’ont certes pas été approuvés par TDF – ils entrainaient des régressions – mais il s’agit là d’une collaboration « a minima ». « Des petits pas pour regagner la confiance ».
L’autre point positif est que ce désengagement vis-à-vis de l’open source n'existe pas dans les collectivités territoriales, où l’on constate « une explosion de l’open source ». Les demandes d’adhésions à l’Adullact (l’association qui promeut l’usage et le développement de l’open source dans les administrations) continueraient de se multiplier. « Dans les collectivités, le SILL est d’ailleurs bien appliqué et les solutions déployées », ajoute ce proche de l’association. C’est donc bien de là que l’open source, dans le secteur public, tire aujourd’hui son énergie et sa dynamique.
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