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Mais pourquoi donc Broadcom rachète-t-il CA Technologies ?
Le fabricant de processeurs va débourser 19 milliards de dollars pour acquérir l’éditeur. Les analystes sont surpris et sceptiques sur les synergies possibles.
Après avoir échoué, par la volonté contraire de l’administration Trump, à racheter Qualcomm, Broadcom va mettre la main sur CA Technologies pour 19 milliards, a annoncé cette nuit son PDG.
Broadcom est un spécialiste des semi-conducteurs, CA un éditeur historique de logiciels dédiés aux Mainframes. Les deux domaines sont si différents que les analystes ont du mal à comprendre la logique sous-jacente de cette décision. Autant un rapprochement avec Qualcomm semblait logique, autant celui réalisé aujourd’hui suscite l’incrédulité.
« Il va falloir de sérieuses explications », écrit par exemple Amit Daryanani de RBC Capital Market, dans une note à ses clients citée par l’agence Reuters. La seule explication avancée à ce jour par les observateurs est une logique purement financière : Broadcom chercherait des revenus récurrents en guise de relais de croissance. Or, comme l’explique CA dans le communiqué de presse annonçant son rachat, la majorité des clients les plus importants de l’éditeur « acquièrent un large spectre de l’offre de solutions mainframe et entreprise de CA ». De ce fait, la société « bénéficie de revenus récurrents et prévisibles grâce des contrats d’une durée moyenne supérieure à trois ans ».
Tom Krause, le DAF (directeur administratif et financier) du constructeur s’en défend. Pour lui, l’accord aurait une raison d’être parfaitement rationnelle.
Il souligne que sa société ne conçoit pas que des puces électroniques, mais vend aussi du matériel réseau aux grands groupes et aux exploitants de datacenters. « Ce que nous faisons, c’est acheter des technologies critiques pour les entreprises », résume-t-il. « CA est une technologie critique ».
L’année dernière, Broadcom a effectivement racheté Brocade dans les réseaux (pour 5,5 milliards de dollars). La pression sur le cœur de métier du constructeur, avec des donneurs d’ordres de plus en plus exigeants sur les prix, l’a poussé à chercher des diversifications et à augmenter sa taille pour créer de nouvelles synergies et bénéficier d’économies d’échelle.
Cette stratégie avait poussé Broadcom à faire une offre pharaonique de plus de 110 milliards sur Qualcomm. Mais l’entreprise ayant un pied en Californie et l’autre en Asie, l’administration Trump avait mis son veto à cette opération au nom de la sécurité nationale du pays.
Pour justifier l’intérêt pour CA Technologies, le Directeur Financier avance par ailleurs que les actifs de Brocade ont donné à Broadcom des équipements réseau « qui se connectent souvent à des mainframes d’IBM ». Comme CA tire 30 à 40 % de ses revenus de ses logiciels pour ces mêmes Mainframes, il y aurait une continuité cohérente entre les offres de CA et de Brocade, affirme Tom Krause, sans vraiment convaincre.
L’annonce a d’autant plus surpris que des rumeurs persistantes depuis plus d’un an annonçaient une fusion - a priori plus évidente et compréhensible - entre CA et BMC. La rumeur avait repris de plus belle en juin, lorsque BMC a été racheté par le fonds KKR. Ce dernier promettait en effet des acquisitions pour faire croître BMC, il n’en fallait pas plus pour lui prêter l’intention de faire une offre sur CA.
Concernant un possible véto du Committee on Foreign Investment in The United States (CFIUS), comme dans l'offre pour Qualcomm, les portes-paroles de Broadcom, ont rappelé qu'ils avaient rapatrié le siège de l'entreprise aux Etats-Unis et se sont montrés très confiants. Plus, en tout cas, que les marchés qui réagissent au rachat par une très nette baisse (plus de 7 %) de l'action de Broadcom dans les échanges hors séances.