HCM : les éditeurs français surfent sur la nouvelle vague RH
La perception des ressources humaines a changé. Les outils pour les gérer aussi. Plus cloud, plus spécialisés, plus complets, les SIRH n'ont plus grand chose à voir avec leurs prédécesseurs. Les éditeurs français ont su surfer sur cette vague.
A mesure que la notion de « Ressources » humaines s'est transformée en « Capital » humain, les outils pour gérer les femmes et les hommes en entreprise ont pris une toute autre envergure et ont suscité beaucoup plus d'intérêts.
La notion de ressource renvoie en effet à une matière consommable, périssable, interchangeable. Alors que celle de capital renvoie à un investissement, à un actif durable et stratégique qu'il faut faire fructifier face à la concurrence.
Des RH considérées comme stratégiques
Au sein des organisations, ce basculement s'est traduit concrètement. Les DRH ont longtemps été mal servies par les DSI. En réaction, elles ont souvent créé leur propre IT en silo, lassées de n'avoir que les briques de SIRH basiques des ERP.
Résultat, de nombreuses directions sont entrées de plein pied dans le Shadow IT, grâce à l'avènement du Cloud qui leur a permis de souscrire à des outils de gestion RH plus adaptée et très facilement, sans déploiement ni achat de serveur. Et sans demander à la DSI.
Avec quelques années de retard, vers 2009, le SIRH/HCM prend donc le même chemin que le CRM.
Depuis, avec la prise de conscience du Top Management, les SIRH / HCM sont revenus au centre des préoccupations des DSI. Pour une raison simple, un HCM perd de sa valeur s'il n'est pas interconnecté avec le reste des sources d'informations (financières, opérationnelles, commerciales, etc.).
Il n'en reste pas moins que le SIRH, en 10 ans, en sort transformé. Le SaaS s'est installé comme une norme - même si les clients potentiels de S/4HANA ont montré que d'importantes exceptions existaient. Et la diversité des outils s'est imposée pour mieux coller à chaque problématique RH : publication d'annonces, recrutement et "scoring" des candidats, conservation des talents, rémunération et gratification, bilans de compétences, gestion des carrières, services RH (fiches de paye, des vacances, etc.), accompagnement à l'arrivée des salariés ("onboarding") et formation continue ("Learning Management System"), gestion des besoins de compétences, gestion des temps, externalisation et travailleurs temporaires - pour ne citer que les principaux.
TalentSoft, licorne française emblématique
En France, un acteur en pleine croissance traduit parfaitement cette histoire. TalentSoft a été fondé en 2007 par trois profils complémentaires (un développeur commercial, un spécialiste des RH et un expert technique), pile au moment où le SaaS décollait.
Juste au bon moment donc. « A cette époque, le SIRH n'était pas encore aussi stratégique, les RH venaient en dernier », se souvient Joël Bentolila, co-fondateur et CTO de l'éditeur.
Dans un premier temps, TalentSoft exploite ce manque en se positionnant sur une niche : les évaluations annuelles. Puis la start-up, épaulée par Microsoft, complète petit à petit son offre pour couvrir toute la gestion des talents.
Les créateurs font aussi le pari du 100% SaaS et embrasse la philosophie des plateformes. « Dès le départ, nous avons conçu techniquement TalentSoft pour que l'offre puisse s'interfacer, que ce soit avec des APIs ou avec d'autres moyens », confirme son CTO.
Dans un troisième temps, TalentSoft étend son offre à la totalité du « Core RH » et se positionne en 2013 comme « le socle et le référentiel des données employés ». Après avoir ajouté des fonctionnalités de pilotage et d'analytiques à la même époque, TalentSoft regarde à présent l'Intelligence Artificielle mais avec prudence.
En revanche, l'éditeur ne vise pas la gestion de la paie ("payroll") ni la gestion des temps (dont Bodet par exemple est un expert) qui lui est le plus souvent rattachée. Au contraire, l'éditeur passe des accords pour répondre à ce besoin précis à la frontière de la comptabilité.
Aujourd'hui, TalentSoft se définit comme un « SIRH complet orienté gestion de talents ».
Cette belle histoire - emblématique des l'évolution du secteur - se traduit dans les chiffres. En 2018, l'éditeur SaaS atteindra pour la première année son point d'équilibre. Avec un chiffre d'affaires en très forte croissance - 42 millions en 2016, 53 millions en 2017 et un objectif de 70 millions en 2018 - le Français revendique une place de numéro 1 sur le marché local et vise le leadership en Europe. Preuve de cette internationalisation, le Club Utilisateur 2018, qui se déroulera mi-juin, aura lieu non pas à Paris mais à Amsterdam.
Point remarquable, sous le capot, TalentSoft a développé une technologie de migration automatisée de cloud à cloud (IaaS et Paas) pour ne pas être dépendant d'un fournisseur d'infrastructure.
Qualifiée de start-up par certains, TalentSoft est surtout en passe de devenir une licorne qui s'est imposée dans les grands groupes. L'éditeur se positionne d'ailleurs « en grand frère » du LabRH. « Cela nous permet de repérer les startups les plus prometteuses à intégrer à notre plateforme », explique Joël Bentolila.
La France très bien servie dans le HCM
TalentSoft n'est pas l'arbre qui cache la forêt.
Si les grands du marché restent américains (Cornerstone on Demand, HR Access, Oracle avec Taleo, Workday, SABA/Hallogen, Ultimate... ou SAP, qui est quasiment devenu américain), les acteurs français sont beaucoup plus nombreux dans le SIRH que dans d'autres domaines.
Parmi les acteurs installés on citera Sopra Steria, Cegedim SRH ou Meta4 (axés paie), la pépite Lumesse (gestion des talents), les plus généralistes PeopleDoc, Talentia - qui a dévoilé son offre Core HR en avril - ou Techomedia (depuis son rachat par Cegid), ou des spécialistes comme Horoquartz ou Bodet Software (les deux dans la gestion des temps).
Ce foisonnement se retrouve dans les startups avec - selon certains décomptes - plus de 600 jeunes pousses dédiées aux RH. Difficile de s'y retrouver ou de décerner des prix dans ces conditions.
Signalons juste que TalentSoft plébiscite VisioTalent (visio-entretien, racheté par MeteoJob) ou Assess First (analytique appliquée au recrutement et à la rétention de talents) ; que dans la formation 360Learning se fait petit à petit une place ; et que lors de VivaTech 2018, SAP a annoncé qu'il avait investi dans Andjaro (inventaire dynamique des compétences internes) pour, éventuellement, l'intégrer en complément de SuccessFactor.
En tout état de cause, cette nouvelle jungle montre que les RH ne sont plus les parents pauvres de l'IT. Et que les Français s'y font une belle place.