OpenStack Summit : l’Edge Computing ou le second souffle d’OpenStack
En positionnant OpenStack sur des cas d’usage liés à l’Edge Computing, la fondation cherche à pousser la plateforme open source sur d’autres terres et à attirer de nouveaux membres, plus industriels, et moins télécoms.
Alors qu’OpenStack fête ses 8 ans, la fondation open source qui encadre le projet cherche aujourd’hui à lui insuffler un second souffle, en l’orientant vers l’Edge Computing. Objectif : se démarquer d’une image et d’un positionnement très IT et résolument télécoms qui, depuis sa création, rythme les développements et la communauté d’OpenStack. Mais Edge pourrait aussi être vu comme un moyen pour relancer la croissance de la plateforme dont il se murmure qu’elle peinerait à toucher d’autres secteurs que celui des opérateurs.
Dans sa dernière étude, l’OpenStack Foundation faisait état d’une communauté d’utilisateurs fortement marquée par les sociétés IT (éditeurs, équipementiers) et par les opérateurs télécoms. A eux deux, ils comptent pour 72% des utilisateurs d’OpenStack, loin devant la recherche, et les autres industries, comme les services financiers, le manufacturing ou le retail qui n’avoisinent que 2% - pour chacun d’entre eux.
« OpenStack devient de plus en plus centré sur les télécoms », constate d’ailleurs Mathieu Poujol, Vice-Président Cloud, sécurité et Infrastructure chez Pierre Audoin Consultants, (groupe CXP), rencontré lors de l’OpenStack Summit 2018 à Vancouver. Les acteurs des telcos utilisent notamment la plateforme open source pour virtualiser leurs réseaux ainsi que leurs fonctions réseau (SDN et NFV) et avoir la capacité de proposer davantage de services.
Selon lui, Edge est une technologie et une architecture qui intéressent certains industriels cherchant à transformer leur processus de fabrication (industrie 4.0). En France, il semble davantage séduire les opérateurs télécoms qui y voient, par exemple, un moyen de mettre en place une infrastructure - OpenStack - dans des pays où le réseau est faible. Thalès et Orange sont souvent cités comme des utilisateurs clé d’OpenStack. La plateforme « est en effet au cœur de leur transformation digitale », ajoute-t-il.
Edge, qui globalement implique de déplacer une infrastructure de traitements des données, au plus près de leurs sources (l’internet des objets en est une illustration), est finalement une extension des cas d’usage d’OpenStack, bien ancré dans le monde des télécoms.
« Edge est une initiative menée par la communauté, né d’une idée de Verizon, et nous soutenons ce que souhaite la communauté. Nous n’avons pas choisi Edge, c’est Edge qui nous a choisis », se plait à dire Mark Collier, le directeur opérationnel de l’OpenStack Foundation.
Edge pour attirer de nouveaux membres plus industriels
Si toutefois, ce choix n’était pas anticipé à l’origine, Mark Collier reconnait que le marché du Edge Computing est bien plus important que celui de l’infrastructure pour telecoms. En cela, étendre les ramifications d’OpenStack est un bienfait pour la communauté et la fondation. Elles comptent bien en profiter pour attirer de nouveaux membres dans ses rangs. Des membres plus industriels, qu’il conviendra d’accompagner. « Cela prend du temps », mais il s’attend à des évolutions et des projets concrets « d’ici les deux prochains OpenStack Summit (la prochaine édition aura lieu à Berlin en novembre 2018, NDLR) ». Mais en parallèle, il faudra également travailler à développer d’autres outils pour mieux adapter OpenStack aux spécificités de l’Edge Computing, ajoute-t-il.
Contrairement à la Cloud Foundry Foundation, rares sont en effet les industriels – hors telcos - qui siègent dans les groupes de travail d’OpenStack. Pour ces industriels qui sont en pleine transformation numérique, « des technologies comme OpenStack leur permettent de récupérer de la valeur ajoutée », lance encore Mathieu Poujol, prenant pour exemple le secteur de l’automobile ou du manufacturing.
Edge est important pour OpenStack car la fondation souhaite ouvrir de nouvelles opportunités à la plateforme et de nouveaux marchés, reconnait à son tour Randy Bias, à la tête du projet de SDN open source Tungsten Fabric (ex-OpenContrail), récemment hébergé à la Linux Foundation. Le succès d’OpenStack chez les opérateurs est lié au fait « qu’ils devaient moderniser leur infrastructure en travaillant sur des modèles "désagrégés" où OpenStack joue un rôle clé au-dessus du réseau et des équipements de stockage et virtualiser les fonctions avec NFV ». La voie avait en effet été ouverte par AT&T.
Surtout, il pense que la fondation n’est pas parvenue à pousser OpenStack auprès des entreprises, en restant très centrée sur une dimension infrastructure, IT et telcos. « Kubernetes est arrivé avec une approche plus prescriptive, moins centrée sur la façon d’utiliser les switches de tel ou tel équipementier, ou tel ou tel moteur de stockage. Il était davantage axé sur la fourniture d’applications et de services. Et nous sommes dans un monde où ces sujets sont des préoccupations premières pour toutes les entreprises », commente-t-il. Constat d’un échec partiel ?
Edge : OpenStack ou Kubernetes ?
Si Edge est bénéfique pour la fondation et OpenStack d’un point de vue positionnement, Randy Bias s’interroge toutefois sur la capacité de la plateforme à être adaptée à ce milieu, au regard de son imposante complexité. « Je considèrerais plutôt des technologies comme le serverless ou encore Kubernetes », lance-t-il un brin sceptique. « On a besoin d’un système léger pour Edge qui se mette facilement à jour à distance, et en mode déconnecté. Je pense qu’OpenStack n’a pas été conçu pour cela. »
Toutefois, note-t-il, la perception d’Edge est aujourd’hui très étendue. Du datacenter local à l’infrastucture sur site… Edge souffre en effet d’un problème de définition et donc de positionnement. A l’occasion de cet OpenStack Summit de Vancouver, nous avons pu nous rendre compte que l’Edge Computing pouvait prendre plusieurs formes pour cibler différents cas d’usage : du datacenter mobile de proximité pour accompagner les opérations militaires sur le terrain ou pour l’aide humanitaire après séisme par exemple, à la machine-outil connectée dans des environnements industriels. La cybersécurité ainsi que la formation et l’éducation sont aussi des cas d’usage qui ont pris forme.
Du coup, c’est le placement ainsi que les exigences en matière de latence et de bande passante qui sont déterminants dans le choix d’OpenStack - ou pas. Selon Randy Bias, pour des cas d’usages où les besoins en latence sont plus élevés, comme c’est le cas d’un datacenter de proximité, OpenStack a tout à fait sa place. Pour les plus exigeants, il considère davantage une infrastructure reposant sur AWS associé par exemple à Lambda (serverless). « OpenStack dans le datacenter et Kubernetes pour Edge » est pour lui une configuration rencontrée chez certains clients. « Je pense qu’OpenStack est un poids trop lourd pour les spécificités de l’Edge et apporte peu de valeur dans ce cas. »
Les intégrateurs, "un passage obligé"
Enfin autre constat : si avec Edge, la fondation souhaite attirer des membres plus industriels, l’écosystème des intégrateurs devra être renforcé pour faciliter l’accompagnement. Or, « le problème est que l’OpenStack Foundation ne fait pas la promotion de ses technologies auprès des fournisseurs de services », souligne Mathieu Poujol. « Tout le monde n’a pas la capacité d’Orange et l’écosystème d’OpenStack est composé essentiellement d’entreprises de l’IT, note-t-il. Et cela ne débouche que sur des gros projets.
Un relai auprès des intégrateurs, comme Capgemini ou encore Atos, pourrait pousser la technologie dans d’autres typologies de projets, note-t-il. Il constate l’absence d’IBM à l’OpenStack Summit (IBM a fait le choix de ne plus être sponsor platinium de la fondation, mais continue de soutenir le projet), « alors qu’IBM reste la première SSII mondiale ». Même son de cloche pour Dell Technologies - en revanche, VMware y est bien présent - ou DXC. « Si OpenStack veut transformer l’essai, cela (les fournisseurs de services, NDLR) devra être un passage obligé », commente Mathieu Poujol.
C’est entendu du côté de la fondation : Mark Collier admet que le moment est opportun pour reprendre contact avec eux et affirme faire des intégrateurs une de ses priorités. A suivre lors de l’édition de l’OpenStack Summit de Berlin en novembre prochain.