ERP : le hollandais Unit4 cueille les premiers fruits de son recentrage stratégique
L'édition 2018 du Unit4 Connect, l'événement réservé aux clients privilégiés de l'éditeur, a illustré les motivations profondes d'entreprises qui choisissent des solutions ERP « à taille humaine ».
Unit4, l'éditeur hollandais d'ERP, se fait année après année une place entre les mastodontes du secteur (SAP, Oracle, Infor ou Workday) et les « petits » acteurs locaux.
Lors de son évènement européen annuel, réservé à ses clients privilégiés, le président Stephen Sieber s'est félicité d'un taux de renouvellement de 95% de sa base installée et d'avoir conquis de nombreux nouveaux clients, séduits par sa nouvelle offre cloud.
Unit4 revendique aujourd'hui 30.000 organisations qui utilisent ses solutions, dont 3.500 sur son offre phare BusinessWorld - et parmi celles-ci 500 sur le cloud (15%).
Un éditeur en profonde transformation
Créé il y a presque 40 ans, Unit4 a recentré sa stratégie autour de quatre secteurs clefs (sociétés de services, secteur public, éducation et organisations à but non lucratif). Ces secteurs sont déclinés en micro-verticaux (« des bonnes pratiques packagées, prêtes à l'emploi », explicite Dave Goossen, CCO de Unit4).
Dans le même temps, le Hollandais - dont le président du conseil d'administration depuis 2016 est un certain Leo Apotheker - a rationnalisé la présentation de sa gamme autour de trois produits phares : l'ERP financier BusinessWorld (ex-Agresso), Unit4 Financial (ex-Coda) et Prevero (une solution de Corporate Perfomance Management allemande rachetée en 2016).
S'y ajoutent PSA Suite (qui s'appuie sur Dynamics 365) pour automatiser les services professionnels et Unit4 Education pour les organismes universitaires. Ces deux applications « sectorielles» indépendantes peuvent s'appuyer, ou pas, sur les précédentes.
Sous le capot, l'éditeur a d'ailleurs travaillé à la refonte architecturale de ses logiciels pour créer un socle commun (la People Plateform) qui lui permet aujourd'hui de mieux intégrer ses offres entre elles et de s'ouvrir à des applications tierces.
Deux annonces en ont découlé cette année avec la sortie d'un kit de développement d'extensions en Low Code/No Code, et d'un kit d'intégration qui s'ajoute aux APIs et aux connecteurs existants.
Quatrième chantier, lié au précédent, Unit4 a entamé sa transformation vers le cloud grâce à un accord exclusif avec Microsoft. Un chantier quasiment complété avec la disponibilité de toutes ses offres à la fois en mode SaaS (sur Azure) et sur site - à parité fonctionnelle et avec un socle commun qui permet de migrer de l'un à l'autre.
Machine Learning, Bot, et caetera
Dans l'hôtel historique d'Amsterdam qui servait de résidence au trompettiste Chet Baker, Unit4 a joué une douce musique aux oreilles de ses clients « chouchou ».
Comme ses concurrents, il leur a promis plus d'AI, plus d'automatisation, plus d'ouverture, plus de R&D qui s'appuie sur les échanges avec eux, et plus d'ergonomie et d'intuitivité dans une UI qui se modernise à coup de bot (Wanda) et de requêtes en langage naturel.
Sans oublier l'arrivée d'outils qui permettent d'adapter les contenus présents à l'écran en fonction des utilisateurs (Workspace) et de packs pour se conformer au RGPD (identification automatique de données possiblement concernées par le règlement européen).
Mais la mélodie, bien que plaisante et sans fausse note, ne diffère au final pas vraiment de celle de ses concurrents (et de tous les éditeurs IT).
Oracle (dès 2016) et Infor (avec Coleman) jouent à fond la partition des Bots - eux aussi en anglais (Wanda n'est pas disponible en français). SAP et Oracle se cloudifient sur un tempo élevé. SAP chante depuis plusieurs années les louanges du Design Thinking. Infor, celles des « micro-verticaux ». Workday, qui avait assuré qu'il n'y se ferait pas prendre, a succombé à la mélopée du PaaS au nom de l'ouverture et de la personnalisation.
Tous promettent d'ajouter des notes d'AI (prédictif, Machine Learning, etc.) dans les processus et le traitement des données des entreprises.
Les vrais différenciateurs d'un « moyen » de l'ERP : le prix et la relation
Les différenciateurs - et les raisons qui animent les entreprises choisissant Unit4 - sont à chercher ailleurs, du côté des clients.
Un acheteur d'une organisation mondiale - qui ne souhaite pas être nommé - est clair et direct. Son organisation s'appuie sur Unit4 pour la finance - qui sert également de référentiel pour ses données. Ses RH et la gestion des talents sont gérés par Oracle alors que ses achats et ses approvisionnements le sont par Ariba (SAP).
Sans surprise, les deux géants ennemis ont tenté de lui vendre leurs propres solutions (NetSuite, Fusion, ByDesign, etc.). En vain.
Pourquoi ont-ils échoué ? « Unit4 a fait un travail énorme depuis trois ans. Le produit a évolué, il est compétitif et s'adapte bien à nos besoins. Je ne vous aurais pas dit cela en 2015. Et surtout j'ai un contact direct avec les décideurs. Ce n'est même pas imaginable avec SAP ou Oracle », explique-t-il au MagIT.
Un autre facteur a joué dans la balance. « Le prix diffère aussi. Le service achat m'a dit qu'Ariba était la solution qui en faisait le plus. Elle a intérêt ! Au prix que ça coûte ! ». D'après ses dires, Unit4 coûterait beaucoup moins cher que les alternatives de SAP et d'Oracle dans l'ERP.
L'argument du prix est néanmoins à tempérer. Un Business World est souvent plus cher qu'une « petite » solution locale. Les facteurs relation, scalabilité et adaptation aux micro-secteurs restent donc prédominants.
Une volonté de dialogue client-fournisseur
Le son de cloche est le même, en pleine lumière cette fois, sur la scène du Unit4 Connect 2018 dans la bouche de Johan Olsson, System Analyst chez Bravida (spécialiste suédois des installations et des infrastructures immobilières).
« Vous nous avez toujours écoutés, vous avez toujours été présents depuis 10 ans. C'est très important pour nous de savoir que si nos besoins évoluent, notre éditeur évoluera avec nous. Nous savons que l'on peut vraiment compter sur vous », lance-t-il à Jeremy Roche, CPO de l'éditeur, ravi.
Le même Jeremy Roche avait expliqué un peu avant aux analystes que « la transformation numérique [ne consistait] pas à sortir des fonctionnalités, mais à arriver à faire que les clients les utilisent ». Ce qui, dans son esprit, passe par des relations proches avec eux. « On a besoin de vos retours, même les mauvais. Surtout les mauvais. Sinon nous ne pourrons pas savoir ce que l'on fait mal ».
Le discours d'écoute tranche avec les griefs du Cigref exposés tout au long de 2017.
Un support premium
En plus des nouveautés techniques, Unit4 a annoncé une simplification de ses contrats de supports.
Il ne reste aujourd'hui que deux options : le support classique, et le support premium qui ajoute, parmi d'autres prestations, une équipe dédiée au compte client, un conseiller pour optimiser les applications, et un conseiller en continuité d'activité et sur les questions de conformité.
Inquiet, les clients ont réagi en demandant immédiatement et logiquement ce qu'il allait advenir de leur contrat actuel.
Interpelé sur scène, Dave Goossen a pris l'engagement formel qu'aucun compte ne serait migré de manière contrainte et que tous les supports actuels seraient honorés exactement dans les mêmes conditions qu'hier.
« Nous ne sommes pas comme ces éditeurs qui veulent vous vendre à tout prix ce dont vous ne voulez pas », répond-il, dans un tacle à peine voilé à Oracle et à SAP, au client qui l'apostrophe sur le sujet. « Mais je serais ravi de vous expliquer pourquoi ces nouveaux supports sont ce que vous voulez », plaisante-t-il, pince sans rire.
Décollage en France
Résultat de ces multiples évolutions (technique, produits, positionnement, support), Unit4 apparait désormais sur les radars de Gartner, d'IDC et de Constellation Research.
En France - qui n'est pas un marché historique de Unit4 contrairement au Benelux, aux pays nordiques et au Royaume-Uni - la filiale connait une croissance à deux chiffres de ses revenus récurrents, dixit son Directeur Général Jérôme Froment-Curtil. A noter que dans le pays, Unit4 ne vise pas le secteur public (« trop de barrières à l'entrée, et beaucoup d'opportunités ailleurs »).
Le DG perçoit par ailleurs un décollage de l'intérêt des organisations locales pour son cloud avec 80% des prospects français sur 2018 qui envisageraient cette option SaaS - contre moitié moins il y a deux ans.
Comme Unit4 n'est pas publique, il est difficile d'obtenir des chiffres officiels. Mais pour prouver la progression de l'éditeur en France, Jérôme Froment-Curtil concède à donner un chiffre clef : sur les quatre premiers mois de cette année, l'éditeur connait en France une « croissance à deux chiffres dans la partie haute de la fourchette » de ses prises de commandes - toutes activités confondues. Autrement dit, entre +70% et +90% par rapport à la même période en 2017.