Documation 2018 : les grands chantiers de la gestion de contenus
Derrière les sujets ultra-innovants de l'IA, de la RPA ou encore de la Blockchain présentés par les éditeurs, les utilisateurs de solutions GED évoquaient des sujets bien plus pragmatiques. Comme la généralisation de Chorus Pro, l'essor de besoins documentaires métiers, ou l'incontournable RGPD.
Comme tout bon salon informatique en 2018, plusieurs conférences de Documation étaient consacrées aux applications de l'Intelligence Artificielle voire de la Blockchain dans la gestion documentaire. Outre la recherche du "buzz", de facto, les premières offres commerciales mettant en œuvre des algorithmes d'IA arrivent effectivement sur le marché.
C'est le cas pour la classification automatique des documents où le Machine Learning vient compléter les techniques d'indexation traditionnelles. Sandra Bineau, responsable marketing de M-Files France, explique ainsi le rôle de l'IA dans cette plateforme de GED : « la version 2018 de M-Files intègre l'IML (Intelligent Metadata Layer), une approche qui exploite l'intelligence artificielle afin de générer les métadonnées qui sont attribuées en temps réel à chaque document. L'IA lit le document, reconnait s'il s'agit d'un contrat, repère le nom du client, son adresse et va le classer parmi les contrats et les documents relatifs au client en question. Cette analyse du document vient compléter l'indexation, tout cela sans avoir à migrer le document vers une base unique ».
A la convergence entre BPM et IA, le RPA
Un autre usage de l'IA commence à beaucoup faire parler de lui dans le monde du BPM : le "Robotic Processus Automation". Une technique que l'on réduit un peu trop rapidement à l'arrivée de l'IA dans le monde de la gestion de processus.
Selon François Bonnet, responsable du marketing produit d'Itesoft, « on fait souvent cet amalgame entre IA et RPA, or le RPA a pour objectif de robotiser les tâches comme par exemple récupérer des données dans des systèmes tiers. L'apprentissage peut être mis à profit pour améliorer ces robots de collecte de données, mais ce n'est pas pour autant que le RPA a nécessairement recours à l'IA ».
Itesoft s'est allié avec l'éditeur Contextor afin de permettre aux clients qui ont mis en place son BPM de "robotiser" les tâches qui imposent actuellement des traitements humains. « Si on peut confier les couper/coller d'informations dans les formulaires de saisie à un robot et donner plus de temps aux collaborateurs pour discuter et négocier avec les clients, c'est beaucoup plus pertinent » explique Philippe Poux, président exécutif de Contextor. « Dans ce cadre, l'IA va principalement être exploitée pour faire des recommandation à l'agent, dans une approche que l'on nomme l'agent augmenté.»
La difficile montée en puissance de Chorus Pro
Si l'IA commence effectivement à arriver par petites touches dans la GED, la maturité des applications blockchain n'était pas encore d'actualité sur cette édition 2018 de Documation. Bien des entreprises sont confrontées à des problématiques bien plus immédiates, notamment celles qui ont l'Etat français comme client.
Le cas du déploiement de la dématérialisation de factures de l'Etat français, le système Chorus Pro, bat son plein. Sa mise en place s'étale de 2017 pour les grands comptes, jusqu'en 2020 pour les entreprises de moins de 10 salariés. Dans cette roadmap, 2018 est une année charnière. C'est en effet maintenant que Chorus Pro impose cette dématérialisation aux entreprises de 250 à 5.000 salariés, soit le plus grand nombre d'entreprises en France.
De facto, cette étape clef a été difficile à passer par l'AIFE (l'Agence pour l'Informatique Financière de l'Etat, en charge de Chorus Pro) puisque le système s'est effondré en janvier pendant plusieurs jours devant l'afflux de factures, puis a connu de fréquentes interruptions de service pour mises à jour.
Depuis, la situation s'est normalisée. Même si, de l'avis des utilisateurs, les remontées d'informations du système pour factures incorrectes restent problématiques. Face à cette dématérialisation forcée, les entreprises ont du investir. Sharp France, par exemple, a fait le choix d'interfacer son ERP SAP au service de diffusion de factures multicanal Pitney Bowes afin d'envoyer ses factures à l'Etat français par EDI.
D'autres modes d'envoi sont disponibles, notamment la saisie Web, adaptées aux petites entreprises ou encore l'envoi par API.
Anthony Le Fauconnier, responsable du pôle Avant-ventes de Pitney Bowes souligne que « 2018 sera une année importante pour Chorus Pro en terme du nombre d'entreprises mais aussi en termes de volumes. Le succès a été au-delà des attentes et des capacités techniques de l'AIFE en janvier. Il reste encore à évangéliser et accompagner nos clients dans une démarche qui n'est pas si simple que cela et nécessite la mise en place de bonnes pratiques ».
Si le service est générique et les modes de soumission des factures identiques pour tous, la concurrence est féroce entre les acteurs. « Nous pouvons nous différencier sur le business model de commercialisation du service, avec des offres "on-demand" ou en mode licence, et enfin sur l'accompagnement - car nous considérons Chorus Pro comme une opportunité pour les entreprises de repenser la façon dont elles émettent toutes leurs factures et aller vers une approche multicanal ».
Autre acteur positionné sur ce "marché Chorus Pro", eDoc Group, une startup brestoise qui bénéficie du soutien de Cegid. Guillaume Vallini, directeur des partenariats explique ainsi son offre "Guichet Chorus". « Nous avons fait parti des 18 pilotes de l'AIFE et sommes interfacés à la plateforme de l'AIFE en VPN depuis 2016, contrairement à d'autres solutions qui se contentent de placer les valeurs des factures dans le formulaire en ligne. C'est une approche très fragile car tributaire du moindre changement dans le formulaire de la part de l'AIFE. Pour notre part, nous pouvons récupérer les flux batch de factures que nous adaptons pour le flux attendu par Chorus Pro ».
Le responsable souligne que beaucoup d'entreprises de petite taille saisissent actuellement leurs factures à la main sur le portail de l'AIFE mais qu'elles pourraient bien se tourner vers des solutions plus automatisées dans le courant de l'année pour éliminer ces ressaisies.
Une aubaine pour les prestataires Chorus Pro qui devraient avoir du travail jusqu'en 2020. Et au delà.
La dématérialisation RH progresse enfin
Parmi les autres projets sur lesquels eDoc Group intervient : la dématérialisation de bulletins de salaires. L'éditeur s'est allié avec la plateforme e-BTP pour proposer une dématérialisation des bulletins de paie et un coffre fort numérique aux acteurs du BTP. L'offre est couplée à de la signature électronique des documents pour les entreprises qui le souhaitent.
Avec la vague de la dématérialisation des bulletins de paie, les RH sont un domaine auquel de nombreux acteurs de la GED s'intéressent sérieusement aujourd'hui. C'est le cas d'Efalia.
« Le marché des SIRH est aujourd'hui mature. Mais sur le volet gestion des documents, ce que deviennent les bulletins de paie et documents RH n'est pas encore bien géré par les entreprises" explique Pascal Charrier, Directeur Général d'Efalia. « Nous avons de solides partenaires dans ce secteur, dont Sopra. Et nous avons déjà mené des projets auprès des CDG (centres de gestion, organismes publics qui gèrent la paie des agents territoriaux), soit 150 000 agents pour le CDG de Paris. Nous avons donc une bonne expérience du domaine RH et de ses spécificités juridiques, et notamment en ce qui concerne la valeur probante des documents.»
Le pari de Pascal Charrier est que les entreprises qui ont déployé un SIRH iront vers la GED afin de gérer plus efficacement les masses de documents dématérialisés qui vont être générées par ces plateformes.
Enfin, les besoins purement métiers restent un moteur du marché, notamment celui de la documentation technique qui est de plus en plus dématérialisée sur tablettes numériques.
C'est le cas de SNCF Réseaux qui a fait appel à IGDoc et à la solution Saas Calenco éditée par NeoDoc pour produire des documents technique. Le projet consistait à créer des documents dématérialisés reprenant toutes les règles techniques à appliquer par les équipes de terrain lors de la réparation des rails endommagés. Cette documentation, très technique, doit être consultable tant sur PC, tablette numérique que smartphone ou... papier. Ce passage au numérique a permis à SNCF Réseaux de dégager une économie de l'ordre de 500 000 € sur 3 ans pour la préparation des fiches de travail grâce à cette dématérialisation pdf + HTML.
Le soufflet RGPD retombe déjà
Enfin, alors que l'échéance du RGPD approche, le ton semblait plutôt être à la sérénité sur le salon.
Après une grande vague de demandes d'information auprès des fournisseurs quant aux capacités de leurs solutions à répondre aux exigences du RGPD, notamment sur le plan de la traçabilité des traitements et la possibilité de retrouver rapidement toutes les données relatives à une personne, les entreprises ont maintenant mieux cerné les contraintes du règlement européen.
Ces contraintes peuvent être adressées dans la majorité des cas avec les outils actuels sans véritablement remise en cause de l'existant. De l'aveu de plusieurs éditeurs sur Documation, le RGPD n'a pas véritablement suscité la grande vague de projets de renouvellement attendue par certains.