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Le Ministère des Armées mène la transformation numérique de ses achats

Alpha, le nouveau système de pilotage des achats de la Défense, entre en production. Le projet qui figure dans le Top20 des systèmes d’information du ministère est loin d'être anodin quand on sait que l’armée est le premier acheteur de l'Etat. 7 000 utilisateurs sont concernés par cette refonte des achats hors armement.

Avec plus de 4 milliards d'euros d'achats chaque année en dehors des armements, le Ministère des Armées est le plus gros acheteur de l'Etat. Fournitures de bureau, matériels informatiques, service télécom, denrées, huiles et essences ou même la tonte de l'herbe sur ses bases militaires, l'éventail des achats de l'armée française est extrêmement vaste et divers, tout comme les systèmes informatiques utilisés par ses acheteurs.

Comme le soulignant Florence Parly aujourd'hui ministre des ArmĂ©es mais qui Ă©tait responsable des 13 milliards d'euros d'achats de la SNCF il y a encore quelques mois : « chaque personne qui a travaillĂ© dans une entreprise, une institution, un ministère sait Ă  quel point les achats sont le nerf de la guerre. Toute personne qui a un jour participĂ© de près ou de loin Ă  la passation d'un marchĂ© sait qu'il s'agit d'un art prĂ©cis, dĂ©licat et mĂ©ticuleux. Et quand la maitrise de cet art impose de passer par trois systèmes d'information et une multitude de bases de donnĂ©es plus une kyrielle de questionnaires divers, ce n'est plus un art mais un sport de combat. Â»

Mission : aller vers un système unique de gestion des achats

L'objectif premier d'Alpha, le nouveau système de pilotage des achats du Ministères, est de remplacer l'ensemble des systèmes qui ont été déployés au fil du temps par les différents services des armées françaises. Mais au-delà du seul volet informatique, Alpha est surtout un projet de transformation et d'unification de tous les processus achats en vigueur.

A la tête de ce grand projet, Jean Bouverot, responsable des achats ministériels hors armement au ministère, lui aussi issu de la direction des achats de la SNCF.

Il explique l’ampleur du projet. « La rĂ©forme des achats a pour vocation d'aligner notre fonctionnement sur les meilleures pratiques en dĂ©finissant des stratĂ©gies, en identifiant des responsables ministĂ©riels par segment et en intĂ©grant l'approvisionnement, le contrĂ´le et le suivi dès le dĂ©but de la stratĂ©gie achat. Â»

Les achats hors armement Ă©taient jusqu'ici rĂ©alisĂ©s via de nombreux services acheteurs, en tout 2 600 postes dĂ©diĂ©s pour un total de 7 000 personnes impliquĂ©es dans des achats portant sur 350 segments diffĂ©rents, chaque service pouvant travailler selon ses propres mĂ©thodes et ses propres outils.

Une refonte des processus préalable à l’appel d’offre

Avant même de lancer son appel d’offre afin de choisir une solution et un intégrateur, Jean Bouverot a mené un vaste projet d'analyse et de consolidation des besoins achats afin de simplifier cette structure, de la rendre plus efficace et de créer des processus communs.

« Nous avons la volontĂ© de dĂ©gager des marges de manĹ“uvre. Les gains sont rĂ©alisĂ©s majoritairement en amont des processus, et si on fait un couper/coller d'un mĂŞme cahier des charges pendant des annĂ©es, il y a peu de chances que l'on parvienne Ă  faire des Ă©conomies. Â»

Refonte des processus, mais aussi spĂ©cialisation et concentration des moyens ont Ă©tĂ© les solutions choisies pour amĂ©liorer l'efficacitĂ© des achats. « Tous les services achats se sont engagĂ©s dans un programme nommĂ© MP Achat, pour Modernisation des Processus Achat. Dans cette dĂ©marche, nous avons utilisĂ© une modĂ©lisation collaborative avec des processus modĂ©lisĂ©s par des Post-It. Ce travail a demandĂ© un gros investissement en temps dans les services achat, mais cela nous a permis de rationaliser, de simplifier et d'harmoniser nos processus. Â»

Le chef de projet veut mettre en place des spĂ©cialistes des extrĂŞmement affutĂ©s sur un domaine prĂ©cis, sur une famille d’achat, avec par exemple tous les achats liĂ©s aux infrastructures et aux Ă©nergies confiĂ©s au SID (Service d'infrastructure de la DĂ©fense), les achats de fournitures et prestations au SCA (Service du commissariat des armĂ©es), les services de tĂ©lĂ©communications et matĂ©riels informatiques aux experts de la DIRISI (Direction interarmĂ©es des rĂ©seaux d'infrastructure et des systèmes d'information de la DĂ©fense), etc.

L'armée a choisi un triumvirat IBM/ Klee Group/Oalia

C'est à l'issue de ce long travail de réflexion que l'appel d'offre est lancé en 2015 auprès des intégrateurs afin de trouver la meilleure implémentation possible pour les processus imaginés par les équipes projet.

Jean-Paul Duffaud, chef du pĂ´le outils Ă  la mission achats du ministère confie : « Notre appel d'offre a Ă©tĂ© lancĂ© auprès des intĂ©grateurs, chacun d'eux devait choisir le progiciel sur lequel articuler sa proposition. Deux des cinq intĂ©grateurs en lices ont appuyĂ© leur proposition sur l’offre Oalia MarchĂ©s Publics. Ils ont d'ailleurs Ă©tĂ© classĂ©s premier et deuxième dans l’évaluation, le premier Ă©tant composĂ© d'IBM et de Klee Group. Klee s'est chargĂ© de l'intĂ©gration technique, IBM assurant plus une tâche d'assistance Ă  la maĂ®trise d'ouvrage et de pilotage du projet. Â»

Outre la couverture fonctionnelle du logiciel, la capacitĂ© Ă  implĂ©menter les processus prĂ©sentĂ©s dans le cahier des charges et le prix de la solution, le choix a Ă©tĂ© limitĂ© aux logiciels « on-premise Â». La solution devait obligatoirement ĂŞtre hĂ©bergĂ©e en interne, sur les infrastructures informatiques du ministère comme c'est le cas de toutes les applications utilisĂ©es par les armĂ©es françaises.

StĂ©phane Foltzer, Adjoint au DĂ©lĂ©guĂ© des systèmes d'information d'administration et de gestion au Ministère des ArmĂ©es explique cette contrainte liĂ©e aux plateformes d’exĂ©cution. « La solution devait ĂŞtre conforme avec la pile logicielle dĂ©finie au niveau ministĂ©riel, ce que l'on appelle le cadre de cohĂ©rence technique. Si une solution n'entre pas dans ce cadre, l'opĂ©rateur accepte d'hĂ©berger le système, mais se contente alors de fournir l'environnement de virtualisation. Tout ce qui se passe Ă  l'intĂ©rieur reste de la responsabilitĂ© du prestataire. La pile Oalia [NDLR: J2EE] Ă©tait compatible avec le CCT et s'inscrit dans la durĂ©e d'un point de vue Ă©conomique. Cela nous permet d'amortir l'investissement de dĂ©part et monter en compĂ©tences ainsi que gagner en autonomie et en rĂ©activitĂ©. Â»

Un ROI évalué à 2 ans

Avec l'arrivée d'Alpha, les anciennes applications de gestion des achats vont pouvoir être décommissionnées. Une équipe, baptisée SimpliSIAG, est chargée de mener à bien cette simplification des procédures et des systèmes d'information.

En rĂ©alisant en interne la TMA d'Alpha, Jean Bouverot estime pouvoir amortir le coĂ»t du projet sur un peu plus de 2 ans. « Le cout initial du projet plus deux annĂ©es de fonctionnement, incluant frais direct et indirect est estimĂ© Ă  un peu moins de 10 millions d'euros, une somme qui sera notamment compensĂ©e par l'abandon des TMA des systèmes qui vont ĂŞtre remplacĂ©s par Alpha. Â»

Le déploiement a été mené dans un premier temps auprès de trois entités pilotes : le SCA, le SID et la DIRISI qui ont désormais basculé leurs achats sur les processus d'achat commun. Les chiffres communiqués par le ministère font état de 123,8 millions d'euros d'économies, 59,5 millions d'euros d'achats "innovants" et +30% de dépenses qui ont pu être orientées vers les PME.

Le dĂ©fi qui attend dĂ©sormais Jean Bouverot est d'Ă©tendre le dĂ©ploiement d'Alpha auprès de tous les acheteurs de l'armĂ©e française et assurer une transition vers Alpha sans heurts. « Les irritants ont bien Ă©tĂ© identifiĂ©s et des pistes de solution ont Ă©tĂ© intĂ©grĂ©es aux travaux de paramĂ©trage du progiciel et au dispositif d'accompagnement du changement. Un wiki doit aider les utilisateurs Ă  mieux tirer profit de l'outil, partager les meilleures pratiques et Ă©changer avec leurs pairs. Â»

Bien consciente de ce dĂ©fi, Florence Parly a conclu la cĂ©rĂ©monie officielle d'inauguration d'Alpha en dĂ©clarant : « on ne dĂ©ploie pas un système d'information de cette ambition sans rencontrer un certain nombre d'obstacles, et sans mener une forte conduite du changement. Alpha ne fera pas exception Ă  la règle. Mais je suis certaine du plein succès de ce projet. Le numĂ©rique est en marche et rien ne l'arrĂŞtera, j'en suis pour ma part convaincue. Â»

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