Altran se concentre sur la R&D du Top 1 000 mondial
Altran est en train de finaliser l'acquisition de l'américain Aricent qui lui offre sur un plateau la position de leader mondial de l'externalisation de la R&D. Le français tire profit de l'accélération des investissements R&D des grands groupes, eux-mêmes entrainés par la spirale d'innovation des GAFA.
En novembre 2017, Altran annonçait l’acquisition d’Aricent, un spécialiste américain de l’externalisation des services d’ingénierie et de R&D, portant la taille du groupe à 44 000 employés (dont 42 000 ingénieurs) pour 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Cette acquisition a permis à Altran de prendre la place de numéro un de l’ingénierie externalisée aux Etats-Unis et au niveau mondial. Accessoirement, grâce à cette croissance externe, Altran a pu atteindre son objectif 2020 avec deux années d’avance, ce qui lui permet aujourd'hui de préparer sereinement la nouvelle étape de son plan de développement.
La dépense en R&D boostée par les grandes entreprises
La confiance est de mise chez Altran en ce début d'année car outre cette acquisition à 2 milliards de dollars en cash, Altran surfe sur l’emballement des grandes entreprises mondiales face à la transformation numérique. Objets connectés, Big Data, intelligence artificielle, Industrie 4.0, cybersécurité, les budgets R&D s’envolent dans les grandes entreprises, effrayées à l'idée de se faire uberiser par un nouvel entrant sur leur marché.
Dominique Cerutti, PDG d'Altran : « J'ai passé 23 ans chez IBM, et avec 5 milliards de dollars IBM a figuré pendant deux décennies dans le top 3 des entreprises qui investissent le plus en R&D. Aujourd'hui, avec 5 milliards, vous êtes dans le deuxième tiers du classement. Une douzaine de sociétés telles que Google, Amazon, Volkswagen, Apple sont bien au-delà de ces 5 milliards aujourd'hui ».
L'OCDE évalue la dépense en R&D à 1.143 milliards de dollars en 2015, un chiffre en progression de 150% sur la période 1995/2015, c'est à dire bien au-delà de la croissance du PIB mondial. Mais alors que les startups attirent l'attention des médias, le dirigeant d'Altran pointe le rôle fondamental des grandes entreprises dans cette course à l'innovation.
« On observe une surconcentration des moyens autour de ces superpuissances qui sont obsédées par l'accélération du rythme des innovations et qui ne veulent pas être déclassées par les nouveaux entrants. Ces géants ont leurs propres ressources internes. Mais pour gagner en rapidité d'exécution, pour innover davantage, ils sont de plus en plus à la recherche de partenaires extérieurs. Contrairement aux idées reçues, ils n'internalisent pas leur R&D, c'est l'inverse qui est en train de se produire. »
Le PDG d'Altran estime que le marché ciblé par ses services d'externalisation atteindra de 200 à 300 milliards de dollars d'ici 2020.
Altran mise sur une concentration massive des services d'ingénierie externalisés
Altran vise donc en premier lieu ces grands comptes présents au niveau mondial et qui sont à la recherche de prestataires présents sur l'ensemble des zones géographiques où ils sont eux-mêmes implantés. Dans l'industrie, la tendance est à la surconcentration des acteurs, mais l'offre en termes d'ingénierie externalisée reste très fragmentée.
Dominique Cerruti évoque le chiffre de 26 000 prestataires en Europe et de 55 000 aux Etats-Unis. Beaucoup trop aux yeux des grands comptes qui vont préférer restreindre le nombre de fournisseurs de R&D référencés et donc se concentrer sur les quelques acteurs de classe mondiale.
Dans cette lutte planétaire pour conquérir le top 1000 des multinationales qui concentrent 70% de la dépense mondiale de R&D, Altran a clairement marqué un point face à Wipro, TCS et HCL, ses rivaux, en mettant la main sur le numéro 1 américain du secteur, Aricent.
Dominique Cerruti revendique désormais la place de numéro 1 mondial. Aricent fait faire à Altran un bon en avant sur le marché américain et lui apporte de forte compétence dans des secteurs où il était plus faible. Alors que le français est le champion mondial dans le secteur aéronautique/ défense et dans le top 5 dans les sciences de la vie et l'automobile, Aricent lui apporte le leadership dans les télécoms et les médias, dans l'industrie et l'électronique et une entrée dans le top 5 dans le secteur des logiciels.
Enfin, Aricent renforce la stratégie "GlobalShore" du groupe, c'est à dire de centres de services fortement industrialisés. Altran est traditionnellement présent en Afrique du Nord (Maroc et Tunisie), en Europe de l'est, notamment en Ukraine et au Portugal ; alors qu'Aricent fait travailler de nombreux ingénieurs en offshore en Inde ainsi qu'en "nearshore" au Mexique et dans des villes américaines de deuxième plan. Au total, ce sont actuellement plus de 15 000 ingénieurs (soit 35% de l'effectif total du groupe) qui travaillent dans ces centres nearshore et offshore.
On mesure l'évolution d'Altran sur la question. Quand Dominique Cerruti présentait sa stratégie d'expansion en 2015, le groupe ne comptait alors que 500 ingénieurs en centre offshore.
Altran se refuse de concurrencer les SSII
A la différence de certains concurrents indiens, ou même de SSII françaises, qui empiètent assez largement dans l'externalisation de la R&D et que le « Software is eating the World » (célèbre expression de Marc Andreessen qui souligne que la part du logiciel est de plus en plus prépondérante dans la conception des produits), Dominique Cerruti a tenu à préciser : « On nous confond souvent avec les SSII, mais nous ne sommes pas cela. Nous sommes résolument ancrés au cœur de l'innovation de nos clients, résolument ancré sur la R&D, c'est notre cœur de métier. J'ai le privilège de diriger un groupe de 45 000 collaborateurs qui sont des ingénieurs dans leur immense majorité, des scientifiques de haut niveau avec plus de 80 nationalités représentées. Nous étions le leader français incontesté dans le domaine de la R&D, nous nous sommes hissés au premier rang européen et nous sommes aujourd'hui fiers d'être les leaders mondiaux.»
En juin 2018, Dominique Cerruti doit présenter son nouveau plan stratégique. L'occasion de voir si le groupe va porter son effort en Asie, notamment en Chine, usine du monde mais où le français est étonnamment discret depuis 2014, date à laquelle il créait une joint-venture pour le marché automobile.