Raphael Ferreira : "eNovance est désormais totalement intégré à Red Hat"
Selon le fondateur d'enovance, la société de service est désormais totalement intégrée à Red Hat. Il revient avec le MagIT sur les raisons de la vente et sur le rôle d'eNovance dans Red Hat.
En juin 2014, l’un des intégrateurs phares du monde OpenStack en France, eNovance a été racheté par Red Hat, en quête d’une structure de service pour l’aider à accélérer son développement dans le monde du cloud. eNovance s’était notamment fait connaître pour son rôle clé dans la construction du cloud OpenStack de CloudWatt, un cloud ironiquement basé sur un socle Linux Ubuntu et non pas sur un socle Red Hat.
La firme avait levé des fonds en juin 2013 pour accélérer son développement à l’international et répondre aux besoins de ses clients grands comptes. Comme l’explique Raphaël Ferreira son fondateur, 60 % des effectifs d’eNovance étaient basés en France lors du rachat par Red Hat, le solde étant réparti entre le Canada, les US et l’Inde.
Neuf mois après le rachat d’eNovance, LeMagIT s’est entretenu avec Raphaël Ferreira pour faire le point sur l’intégration d’eNovance dans Red Hat, sur son rôle et sur la stratégie de l’éditeur en matière de cloud.
LeMagIT : Pourquoi avoir fait le choix de Red Hat, alors que vous auriez pu comme Mirantis ou Piston, prendre la voie d’un éditeur adossant une offre de services sur sa propre distribution ?
Raphael Ferreira : Le métier de l’intégration et du développement de logiciel d’infrastructure est un métier où la taille est importante. Les entreprises qui sont le plus susceptibles de construire leurs propres infrastructures cloud sont plutôt des grands comptes.
Pour accompagner cette clientèle, il nous fallait nous adosser à un groupe capable de déployer des infrastructures partout dans le monde. Le choix de Red Hat s’est imposé naturellement : 100 % de nos développements sont remontés dans le code upstream des projets dans lesquels nous nous impliquons comme OpenStack, Docker ou Ceph. Nous ne forkons pas, nous ne forkons jamais. Nos pratiques open source sont d'ailleurs de ce point de vue totalement en ligne avec celles de Red Hat.
Avant le rachat, nous sortions de plusieurs phases de POC et de pilotes pour de très grands comptes et il fallait une taille de nature à les rassurer pour pouvoir industrialiser. Et puis nous ne voulions pas aller dans le domaine des distributions OpenStack. Les mieux armés sont les éditeurs de distributions existantes.
LeMagIT : Quel est le bénéfice pour eNovance et ses clients de l’intégration à Red Hat ?
Raphael Ferreira : Avoir la maîtrise du kernel est essentiel pour nos clients et pour les déploiements de technologies comme Openstack ou Red Hat. Désormais nous ne travaillons qu’autour des technologies Red Hat.
Red Hat a annoncé la création d’une « cloud innovation practice » [né de l'assemblage des compétences des équipes d'Inktank et d'eNovance, N.D.L.R.], dont j’ai pris la tête. C’est une équipe globale dans laquelle les équipes d’eNovance ont été intégrées qui a pour but de supporter les déploiements stratégiques de nos clients et des technologies Red Hat dans le cloud. Une de nos missions sera d’identifier des cas d’usage répétables et de voir dans quelle mesure nous pouvons les industrialiser. Dans ce cadre, L’ingénierie d’eNovance est intégrée dans celle de Red Hat.
LeMagIT : Avant le rachat d’eNovance, Red Hat semblait manquer d’une force de frappe dans les services capable d’accompagner ses clients dans leurs projets OpenStack. Est-ce manque qu’eNovance est venu combler ?
Raphael Ferreira : Un projet Cloud n’est pas qu’un projet technologique. Il y a des questions de processus, de personne, de métier. La seule dimension technologique ne suffit pas. Il faut traiter les problématiques organisationnelles et humaines.
Red Hat savait aussi qu’il lui fallait des compétences dans le domaine de l’intégration continue et des devops, des compétences aujourd’hui très demandées par les clients. C’est pour ça qu’ils ont souhaité renforcer leurs services et qu’ils nous ont finalement rachetés.
Aujourd’hui, nous menons des projets devops de bout en bout, de l’infrastructure à la ligne de code. Nous proposons a des offres de services dans le domaine de l’agilité. Pour cela nous nous appuyons sur des offres comme le PaaS OpenShift et sur des technologies émergentes comme Cloudforms. Nous avons une mission d’accélération de l’adoption des technologies Red Hat par les clients. Il faut des success story, de l’industrialisation et il faut former nos partenaires avec un certain nombre de documentations et de formations pour qu’ils puissent déployer nos technologies en toute confiance.
LeMagIT : En France vous vous êtes fait connaître par le contrat emblématique avec CloudWatt, qui n’est pas un contrat Red Hat. Et ironiquement, le cloud souverain s’est reveillé un matin en découvrant que son partenaire français était devenu américain.
Raphael Ferreira : Nous sommes toujours sous contrat avec Cloudwatt. Nous avons démarré avec eux fin 2011, alors qu’il n’y avait pas de distribution openstack sur le marché. Il y avait à l’époque des socles Debian et Ubuntu. Avec Cloudwatt, nous nous sommes appuyés sur le socle de Canonical.
L’objectif du contrat était clair : il fallait leur permettre de devenir indépendants dans la gestion de leur cloud. C’est ce que l’on devait atteindre en année 2 pour qu’en année 3 ils soient autonomes. Depuis nous avons été acquis par Red Hat, mais, les engagements pris seront honorés dans les termes indiqués.
Pour ce qui est du débat sur la souveraineté, il ne faut pas se voiler la face, ce sont des technologies dont le « lead » est nord-américain, même si 100 % des infrastructures de Cloudwatt sont en France, les technologies utilisées sont quand même très américaines, de même que les serveurs ou le stockage. De ce point de vue, notre acquisition par Red Hat n’a rien changé à la question de la souveraineté…