Skype, bientôt opérateur à l’insu de son plein gré ?
Un amendement du projet de loi Macron donne les moyens à l’Arcep de déclarer comme opérateur tout fournisseur de services de communication électronique. Même sans son consentement. Skype est visé mais d'autres noms de la VoIP pourraient suivre.
C’est un amendement passé en toute discrétion, et comme une lettre à la poste, qu’ont repéré nos confrères des Echos. Pour autant, il n’a rien d’anodin.
L’amendement 1565, concernant l’article 33 quater du projet de loi dit Macron, a ainsi été adopté sans discussion lors de la troisième séance du vendredi 6 février dernier : son rapporteur, le député Richard Ferrand, n’a eu qu’à indiquer qu’il « est défendu » avant que le texte ne soit adopté, avec l’approbation du gouvernement.
Mais cet amendement est important. Il dote l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) de nouveaux pouvoirs en disposant que « lorsqu’une personne exploite un réseau ouvert au public, ou fournit au public un service de communications électroniques », sans pour autant s’être officiellement déclaré opérateur, « l’Autorité peut, après que cette personne a été invitée à déclarer sans délai l’activité concernée, procéder d’office à cette déclaration ».
Cet amendement est justifié simplement : « certains opérateurs ne satisfont pas à l’obligation de déclaration de leurs activités et aux autres obligations qui y sont attachées ». Le filigrane est trop épais pour être discret : Skype apparaît clairement là en ligne de mire.
Celui qui représentait, en 2012, un tiers des appels internationaux, est dans la ligne de mire de l’Arcep depuis plusieurs années. En mars 2013, l’autorité a d’ailleurs « informé le Procureur de la République de Paris d’un manquement possible de la société Skype à son obligation de se déclarer en tant qu’opérateur de communications électroniques en France ». Sans effet jusqu’ici. L’amendement 1565 pourrait donc aider l’Arcep.
Mais la motivation du gouvernement à soutenir ce texte pourrait bien être tout autre que « la croissance et l’activité ». Derrière le statut d’opérateur télécoms se cachent en effet des obligations, dont celle de coopérer aux écoutes légales. L’Arcep avait déjà rappelé Skype à l’ordre sur ce point en 2007.
Mais le service désormais propriété de Microsoft faisait alors figure d’exception. Depuis, de nombreux services sont venus le concurrencer, démocratisant au passage la téléphonie et la vidéophonie sur Internet, à commencer par Facetime ou encore Google Hangouts. Et c’est sans compter avec Viber, ou encore le très populaire WhatsApp qui prépare son entreprise sur la téléphonie via Internet. Et que dire des spécialistes de l’ultra-sécurisé comme Silent Circle ?
Bref, avec l’amendement 1565, le gouvernement pourrait bien donner à l’Arcep les moyens de forcer bon nombre d’opérateurs de services de communications électronique à coopérer avec les autorités.