Windows 10 veut exorciser l’expérience Windows 8
Windows 10 est très attendu. Par les clients. Peut-être. Par Microsoft. C'est sûr. Voici comment l'éditeur veut convaincre les entreprises et regagner le poste de travail.
Windows 10 est très attendu. Par les clients. Peut-être. Par Microsoft. C'est sûr. L'OS doit en effet permettre à l'éditeur d'exorciser le sémi-échec ou le succès très relatif (selon que l'on verra le calice à moitié vide ou à moitié plein) de Windows 8 et 8.1.
Peu importe, aujourd'hui, la cause du désamour des entreprises pour le système à la Modern UI (feu « Metro »). Le constat est là. Sur les quelques 1.5 milliard de terminaux sous Windows, à peine 200.000 tournent sous Windows 8. Et la volonté de rupture de Microsoft se retrouve jusque dans le numéro de version, qui a ignoré le 9.
Une interface qui s'adapte (enfin) aux différents écrans
De passage à Paris, Craig Dewar, Senior Director of Product Marketing for Windows, a confirmé au MagIT lors des Techdays 2015 que le message des entreprises avait été entendu.
« Avec Windows 8, nous avons dit à nos clients que nous leur fournissions une interface adaptée au bureau et aux écrans tactiles. Ils nous ont suivis sur le tactile, pas sur le bureau », admet sans détour le calme Néo-zélandais.
Craig Dewar relativise toutefois la situation de Windows 8. Pour lui, l'OS a séduit les entreprises qui avaient des projets dans la mobilité : compagnies aériennes pour remplacer la documentation à bord (Lufthansa, Delta Airlines), dans la finance pour les conseillers de clientèle ou encore dans la distribution ou la restauration de masse (avec des bornes PoS). « Nous avons identifié une quarantaine de projets types où Windows 8 a été plébiscité ».
« Mais toutes les entreprises n'ont pas ce type de projet en cours », constate Agnès Van de Walle, Directrice Windows et Devices chez Microsoft France. « C’est vrai, même si de plus en plus le mettent dans leurs priorités de transformation », ajoute Craig Dewar.
Pour Windows 10, Microsoft a voulu garder cet atout mobilité revendiqué. Pas question, donc, de faire entièrement table rase du passé et de jeter au feu cette position (si chèrement) acquise avec Windows 8. « Dans la plupart des projets mobiles, les entreprises hésitent aujourd’hui entre iOS et Windows 8, Android est disqualifié sur le plan de la sécurité », affirme Craig Dewar. Mais Microsoft veut aussi clairement regagner le poste de travail professionnel (Laptops, PC ou "2 en 1" comme la Surface).
Dont acte. L'interface a été repensée. Le menu démarrer refait son apparition. Et l’UI s’adapte (enfin) en fonction du terminal (elle n’est plus, tout le temps, à la fois « Modern » et « classique »).
Quatre cœurs qui battent à l'unisson
Ceci dit, vue l’importance commerciale critique de ce nouvel OS pour Microsoft, le toilettage ne pouvait se contenter d’être de surface.
Les fondations du système - le noyau - ont elles aussi été repensées. « Il a fallu faire travailler quatre équipes de développeurs ensemble », explique Craig Dewar (celles de Windows, Windows Phone, Windows Embedded et Xbox). Le résultat est, pour la première fois, « un seul et unique cœur Windows », se félicite Agnès Van de Walle.
Le but n’est pas que technique. Il permet un déploiement et une gestion unifiés des terminaux. Et des développements « universels » véritablement cross-platform.
Depuis plusieurs années, le noyau de Windows était déjà très modulaire. Les différentes versions de l’OS découlaient d’une même source originelle. Avec Windows 10, Microsoft pousse son raisonnement à sa conclusion. « Jusqu’ici, chaque équipe prenait le code du noyau à une étape différente de son développement », explique le Senior Director. Résultat, Windows Embedded et Windows Phone, par exemple pouvaient être considérés comme des "faux jumeaux" ou des forks.
Avec Windows 10, le cœur est en revanche rigoureusement le même. Avec le souci constant de ne pas dupliquer les fonctionnalités (une seule manière d’accéder à la caméra, par exemple, ou un driver unique pour accéder à la même carte Wi-Fi si celle-ci est utilisée dans différent appareils).
Les personnalisations en fonction des appareils (« la sécurité d’un poste de travail partagée et celle d’un téléphone n’est pas la même ») se font ensuite dans les couches supérieures de l’OS. Mais le cœur des outils de sécurité (identification, chiffrement, etc.) est bel et bien le même dans Windows 10 pour améliorer la cohérence entre tous les appareils sous Windows (et une gestion plus unifiée dans le SI).
Cette convergence permet également de n’écrire qu’un seul et unique code pour avoir une application compatible sur tous les terminaux Windows 10. Du moins en théorie. Car la spécificité de la sécurité en fonction des appareils évoquée par Craig Dewar se retrouve dans d’autres domaines. Le premier d’entre eux étant l’interface.
Mais là encore, Microsoft joue la convergence. Avec Windows 8 et l’ouverture de ses applications natives au HTML, au CSS et à JavaScript, les développeurs étaient invités à travailler leurs designs. Mais ils étaient largement laissés à eux-mêmes.
« Avec le nouveau Visual Studio, nous proposons des canevas (Templates) pour résoudre ce problème », souligne Craig Dewar. Un Responsive Design clef en main pour applications en quelque sorte. Etant entendu que le développeur aura toujours la liberté de réintroduire un contrôle ou une fonctionnalité désactivée ou cachée par le Template de l’EDI.
« L’application native de messagerie de Windows 10 a été développée de cette manière, avec un même binary et des UI adaptées », souligne le Senior Director pour illustrer son propos.
Reste que cette promesse de codes « universels » qui iraient des terminaux « sans écran aux écrans tactiles géants » continuera à souffrir des exceptions. Principalement dans les objets où la notion d’interaction est totalement différente. « C’est vrai que l’embarqué est un monde à part », concède le dirigeant de Microsoft.
Des fonctionnalités pour séduire les entreprises sous Windows 7
Côté usage, Windows 10 veut donc faire oublier Windows 8. Mais comment va-t-il convaincre les utilisateurs (majoritaires) de Windows 7 ?
Quand on lui pose la question, Craig Dewar ne parle pas cœur unique ou application universelle mais sécurité, sécurité, et sécurité. Et déploiement.
Sécurité avec une gestion des identités qui ne passe plus par des mots de passe mais par des clefs et des authentifications à facteurs multiples.
« Les cas ne sont pas les mêmes d’un téléphone qui appartient à une seule personne – et où l’on peut utiliser l’identification biométrique par exemple – et d’un PC partagé dans un call center – où l’on peut mettre en place une solution où l’utilisateur ne se loguera qu’à partir du moment où il possèdera une clef temporaire sur son téléphone qui communiquera par NFC, Wi-Fi ou Bluetooth avec le PC partagé ».
Mais dans tous les cas, le mot de passe ne sera plus une pierre angulaire dans Windows 10. C’est Active Directory qui est destiné à la devenir. A noter que Windows 10 proposera en natif des possibilités de reconnaissance faciale, d’empreinte digitale et de l’iris, promet Agnès Van de Walle.
Sécurité encore avec la « containerisation des données » qui permet d’appliquer des politiques à des fichiers. En clair, de permettre au DSI de modifier les accès et les comportements d’un fichier donné selon qu’il sera sur un PC, copié sur une clef USB ou uploadé sur Internet. Baptisé Enterprise Data Protection, ce système pourra « chiffrer automatiquement les données en dehors de l’entreprise, sur Dropbox par exemple, en fonction des exigences de la DSI ».
Sécurité toujours, avec un client MDM totalement intégré à Windows 10 et dont les spécifications sont librement accessibles. Le support est déjà assuré dans Windows Intune, SAP Afaria et AirWatch. BES n’est pas encore de la partie mais « la balle est dans le camp de BlackBerry ».
Quant aux déploiements, ils ont été drastiquement simplifiés. « Avant, il fallait souvent désinstaller le système ou l’écraser pour réinstaller une image, que ce soit pour un changement de version ou d’édition », constate Craig Dewar. Avec Windows 10, il suffira de changer la clef de licence et la migration devrait – sur le papier - se faire automatiquement. « Windows Pro devient par magie Windows Enterprise », plaisante Agnès Van de Walle. L’ancienne manière reste cependant toujours possible.
Le nombre de versions de Windows 10 ne devrait pas changer significativement même s’il reste confidentiel. Les éditions Home, Professionnelle et Enterprise sont déjà confirmées.
Spartan, oui... mais surtout Internet Explorer 11
Pour séduire les professionnels, Microsoft a également beaucoup mis en avant Spartan lors de ces TechDays 2015. Spartan est le nom de code provisoire du nouveau navigateur de Windows 10.
Lors d'une table ronde sur le sujet, Frédéric Van Boxsom, responsable Architecture poste de travail chez Bouygues Construction (entreprise qui fait partie du Technical Adoption Program de Windows 10 et qui a réalisé le siège français de Microsoft) s’est par exemple réjouit de voir que ses bêta-testeurs l’avaient plébiscité.
Mais dans une discussion avec LeMagIT, c'est bien l'autre navigateur de Windows 10, celui dont on parle peu, qui le rassure. Internet Explorer 11 lui permet en effet d’assurer la continuité des applications métiers dans le nouvel OS.
« IE restera notre navigateur corporate », résume Frédéric Van Boxsom. Pour DirectX, mais aussi pour ses fonctionnalités de sécurité et d'administration « que l'on ne retrouve pas chez les concurrents ».
Dans le monde de l'entreprise, le Projet Spartan aurait donc plus vocation à concurrencer Chrome ou Firefox comme navigateur secondaire (« les shadow browers ») avec ses cycles de développement courts qui lui permettront de coller à l'évolution des standards du Web, là où un IE 11 pérennisera l'existant avec des mises à jour moins fréquentes, mais qui en assureront une stabilité tant recherchée par les DSI.
Une compatibilité assurée avec Windows 7 et Windows 8
Sur ce sujet de la continuité des technologies et de la pérennité des applications, Microsoft a semble-t-il aussi tiré les enseignements des critiques qui ont touché la rupture fondamentale entre Windows Phone 7 et Windows Phone 8.
Windows 10 assurera en effet la compatibilité avec ses prédécesseurs « à partir du moment où les technologies utilisées pour réaliser les applications sont documentées ». Ce qui est le cas de la quasi- totalité des outils de développement sur Windows.
« Même votre simulateur de vol continuera de fonctionner sur Windows 10, seuls quelques outils qui mettent en œuvre des pratiques d'écriture étrange dans la mémoire ou des antivirus ne fonctionneront plus », assure Craig Dewar.
Objectif 3%
Côté objectif, le Senior Director ne cherche pas une adoption massive et rapide de Windows 10, à l'opposé de ce que Microsoft peut viser sur le marché B2C.
Il n'appelle pas non plus de ses vœux une part de marché significative qui découlerait de migrations entières de quelques grands groupes.
Au contraire. Pour Craig Dewar, Windows 10 sera un succès si dans un an, « beaucoup d’entreprises, grandes et petites, ont lancé chacune des projets pilotes ».
A titre de comparaison, « Windows 7, qui est un de nos plus gros succès B2B, avait une part de marché de 2.5 % douze mois après son lancement », se souvient Craig Dewar en conclusion de son échange avec LeMagIT. « Nous serons contents si Windows 10 réussit la même performance. Cela voudra dire qu'il est bien lancé ».