La cartographie à la conquête des applications métiers

Les cartes sortent enfin du silo des systèmes d’information géographiques. Technologies ouvertes et explosion des usages mobiles les poussent vers les applications métiers et analytiques.

L’usage des SIG (Systèmes d’information géographique) est longtemps resté réservé à une élite de spécialistes, essentiellement dans les collectivités, les grandes entreprises. Ces experts ne délivraient des cartes qu’à la demande des métiers et leurs applications étaient complexes, les formats propriétaires. Une approche en silo qui est en train de voler en éclats sous la pression des métiers.

Des cartes pour les équipes terrain

La cartographie est une composante de plus en plus commune sur les plateformes de Business Intelligence, ici l’extension Arctique pour Qlik.

Les premiers à faire sortir les cartes de leurs bureaux sont bien évidemment les grands exploitants de réseaux. Distributeurs d’électricité, d’eau ont mis en place des grands SIG voici plusieurs dizaines d’années afin de planifier et gérer leurs réseaux. Ils mettent aujourd’hui à la disposition de leurs équipes de terrain cette mine d’informations. Issam Tannous, Directeur Général France & Belgique, de 1Spatial, éditeur spécialisé dans la gestion territoriale des villes et des infrastructures de réseaux électrique ou d’eau souligne cette évolution : « Le SIG n’est plus un outil strictement réservé aux cartographes, mais c’est un composant à part entière des processus métiers. C’est bien évidemment le cas des distributeurs d’eau, mais ce n’est encore qu’un infime pourcentage des usages possibles. » La distribution de smartphones ou de tablettes numériques aux équipes terrain est en train de tout changer, comme l’explique Roland Mousset, Directeur R&D de 1Spatial : « Aujourd’hui, pour un utilisateur de SIG  dans les bureaux, il y a 10 à 20 utilisateurs sur le terrain. Sur une tablette PC, les utilisateurs peuvent consulter les cartes éventuellement en mode déconnecté lorsqu’ils sont sur une zone non couverte, mais surtout ils peuvent déclarer des anomalies, des fuites, signaler les matériel cassés sur l’application métier. Toujours depuis leurs applications mobiles, ces hommes de terrain peuvent réaliser les coupures de circuit, d’un simple clic. La Lyonnaise des eaux a ainsi équipé 3 000 utilisateurs de terrain de telles applications. »

Une application de gestion de réseau de distribution qui embarque un composant cartographique : AGT Retail.

Outre la mobilité, la technologie des SIG est plus mature et surtout plus ouverte. La fin des formats propriétaires a sonné le coup d’envoi des nouveaux usages du SIG. «  Les SIG actuels sont bien plus ouverts que par le passé où chaque éditeur avait ses propres formats de données » souligne Roland Mousset. « Oracle a changé la donne sur le marché. Aujourd’hui, les données sont interopérables et plusieurs SIG peuvent exploiter un même jeu de données et les applications peuvent les exploiter via des Web Services. Les Web Services sont arrivés il y a 5 ans environ et se sont largement démocratisés. »

La visualisation de données, un usage avide de cartes

L’arrivée de la 3D dans la cartographie ouvre la voie à de nombreuses nouvelles applications dans le domaine de la simulation.

Le décisionnel est un usage de plus en plus courant de la cartographie. Il est bien plus efficace de visualiser des données de ventes ou de parts de marché sur une carte plutôt que fournir un tableau Excel avec les colonnes de données triées par zones géographiques. L’efficacité de ce mode de représentation parait évident en France où on apprend à colorier des cartes en fonction de données dès le collège, mais ce n’a pas toujours été le cas partout comme se souvient Georges-Antoine Strauch, fondateur d’Articque, un des pionniers français du secteur : « Quand nous nous sommes lancés aux Etats-Unis il y a une dizaine d’année, nous avons lancé Map in Excel et ça ne passait pas du tout. Les américains ne comprenaient l’intérêt de telles représentations graphiques. Si nous avons vendus quelques milliers de licences, ce fut un échec cuisant. Depuis Google Earth a popularisé très largement la cartographie et Tableau Software en recueille aujourd’hui les fruits. »  L’éditeur de Business Intelligence en mode Saas Tableau Software connait aujourd’hui un succès considérable sur le marché notamment pour sa faculté à gérer de visualisation de données sophistiquées dans ses tableaux de bord, notamment sur fond de cartes. Plus aucune entreprise n’envisage aujourd’hui créer des tableaux de bord sans proposer une visualisation sous forme de carte et c’est la raison pour laquelle Arctique a récemment lancé une extension pour les logiciels Qlik : « Nous sommes devenus tout récemment partenaires avec Qlik, avec un plugin complémentaire pour Qlikview et Qlik sense » précise Georges-Antoine Strauch. « Avec ce produit, nous nous adressons potentiellement à tous les utilisateurs de bureautique. Cette extension, Qlik map, permet à tout utilisateur Qlik d’avoir simplement des cartes dans ses tableaux de bord. C’est ce qui nous a permis d’avoir La Poste, la SNCF comme client,  de cette solution achetée directement par leurs utilisateurs, parfois en dehors de la DSI. Aujourd’hui, c’est l’inverse, les DSI commencent à s’intéresser à la cartographie pour leurs applications métiers. » 

Georges-Antoine Strauch, fondateur d’Articque.

Hélène Auguet, directeur général du groupe Arctique ajoute : « L’extension Arctique Map pour Qlikview est la première d’une série car nous comptons créer des extensions pour les grandes plateformes de BI, à commencer par celles que nous réclament nos clients. C’est comme cela que cela aa fonctionné avec Qlik. On a répondu avec eux à un « proof of concept », nous avons été retenus, ce qui a donné naissance à cette extension. Nous sommes aujourd’hui à l’affut de projets de BI, mais aussi de CRM ou d’ERP. »

Les applications métiers, de plus en plus friandes de cartes

Le champ d’application des logiciels cartographiques progresse de plus en plus dans les applications métiers. Mondial Assistance, notamment, a inclut des cartes aux applications des opérateurs de ses centres d’appel. Le danois Nilsisk a réorganisé son SAV en Europe et devait faire admettre à son réseau une nouvelle répartition géographique. Ils ont pu le faire avec nos outils et tout le monde a admis la nouvelle segmentation car celle-ci a été réalisée de manière scientifique. Autre nouvel usage des logiciels Arctique, celui de la commercialisation des espaces d’exposition dans les salons.  Bertelsmann exploite un logiciel de cartographie pour calculer le prix du m2 en fonction de l’emplacement mais aussi des visites du salon de l’année précédente pour l’espace en question au moyen d’une carte des flux de visiteurs.  Les prix sont plus élevés aux endroits stratégiques mais la capacité d’une marque à attirer du monde sur sa notoriété fait baisser le prix.

Les applications métier des techniciens incluent désormais une représentation cartographique 2D ou 3D.

Laurent Dubernais, président d’AGT Retail, une plateforme de gestion des réseaux de franchisés a bien compris l’intérêt que va présenter une interface cartographique sur sa solution. « A chaque fois que je vais voir un prospect ou l’un de nos clients, il a une grande carte derrière lui avec des épingles rouges sur chacun de ses points de vente » explique-t-il. «  Il y a systématiquement une dimension géographique dans les métiers du retail pour gérer les implantations de magasins, mais aussi au niveau de l’analyse des données. » L’éditeur français, dont la solution est mise en œuvre par des enseignes telles que Midas, Casio, Orpi, Casino a noué un partenariat avec le québecois DBx GEOMATICS pour intégrer un outil d’analyse cartographique à sa plateforme Saas : « Nous avons décliné le dashboard de notre application en 3 affichages différents : soit un affichage des exceptions, c’est-à-dire les points de vente sur-performants ou sous-performants. Le deuxième mode, ce sont les alertes définies en fonction de critères définis. Enfin, la troisième façon de présenter l’information, c’est la carte. » Une approche cartographique immédiatement comprise par les développeurs de réseau de distribution, eux avaient l’habitude de cette vision cartographique. Par contre, pour d’autres métiers, comme le contrôle de gestion, ce type d’approche par les cartes est plus nouveau. « Les outils d’aujourd’hui sont plus rapides, plus simples et multiplateforme. Au niveau technique les cartes sont en HTML5 et donc aussi bien utilisables sur ordinateur ou sur tablette. C’est très important car beaucoup d’utilisateur sont souvent en situation de mobilité » ajoute Laurent Dubernais.

De nouveaux marchés s’ouvrent à la cartographie

Cette ouverture du marché, l’américain ESRI l’a bien comprise. Le leader du marché des SIG a fait de cette conquête des applications métier son nouveau cheval de bataille. David Jonglez Responsable du Business Development d'Esri résume la stratégie de l’éditeur : « L’un des axes de développement d’ESRI, c’est ce que nous appelons le Location Analytics, vise à apporter cette composante spatiale dans les applications de CRM, de Business Intelligence, l’EAM (gestion de la maintenance des équipements), la gestion de patrimoine, le Big Data. » Le leader du marché, qui se contentait de partenariat avec les grands éditeurs tels qu’IBM, Microsoft, SAP, Oracle a senti le vent tourner et, voici 2 ans a choisi de généraliser ses liens vers d’autres solutions. Parmi les nouveaux partenaires d’ESRI, figurent ainsi Salesforce.com, Airbus Defense & Space pour la géo-intelligence, Schneider Electric, Alstom, Canon qui embarquent la cartographie ESRI dans leurs propres applications. Une tendance de fond qui voit la cartographie devenir un mode de visualisation totalement banalisé dans les applications d’entreprise, notamment sous la pression des utilisateurs, aujourd’hui totalement habitués à ce mode de représentation grâce au web et, surtout, grâce à leurs smartphones.

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