Maths et IT : un bagage recherché, bien français
Des forums emploi aux interactions labo-entreprises, le Big Data et la sécurité justifient la cote en hausse des matheux sur le marché de l'emploi IT.
Ce 18 septembre, au ministère de l'enseignement supérieur, le forum IncubAlliance met les pleins feux sur les start-ups nées de l'excellence mathématique française. Avec quelque 200 participants, doctorants et cadres d'entreprises. Le Big Data est évidemment de la partie. « La science est reine, le marché est roi », résume l'un des témoignages prévus au programme. On ne s'étonne plus guère de ce que, entre autres sponsors de la rencontre organisée par l'incubateur du campus Paris-Saclay, le secteur IT soit représenté par Huawei. Le géant chinois n'affiche-t-il pas son ambition d'employer, d’ici fin 2014, plus de 140 chercheurs ? Et ce, notamment autour des thématiques porteuses du Big Data, des objets connectés et, bien sûr, des algorithmes nécessaires aux réseaux du futur.
Les multinationales d'obédience françaises ne sont pourtant pas en reste, partenaires de chaires industrielles (sous couvert de fondations). Les unes dédiées aux mathématiques appliquées aux systèmes complexes (à Mines-ParisTech) ou aux thématiques en demande (machine learning for Big Data, notamment, à Télécom ParisTech). D'autres plus classiquement axées sur la modélisation ou l'optimisation (à Polytechnique). Pour le secteur IT, le cercle des sponsors inclut naturellement les ténors (américains), tel Cisco mécène de la toute nouvelle chaire « Internet of Everything » adoubé par le ministère de la défense. Sans parler de la dizaine de cursus (masters) lancés sur la vague du Big Data (HEC avec IBM, Esme-Sudria avec HP, Ensimag, Ensai, Eisti, ECE, Telecom Nancy, UPMC-Paris), ayant plus directement pour objectif de fournir en compétences ad-hoc les entreprises partenaires.
Des projets avec et pour les PME
Quid du tissu des ETI et des PME trop rarement associés à ces initiatives ? Y répondre est précisément, depuis 2011, la vocation de l'Amies (agence-maths-entreprises). Sous statut de Labex (laboratoire d'excellence), en tant que « tête de pont d'un réseau», celle-ci œuvre au développement des interactions entre le monde des mathématiciens et celui de l'entreprise. Le plus souvent en coopération avec les pôles de compétitivité et autres instances régionales de valorisation de la recherche (Satt, agences de transfert de technologie).
Premier résultat tangible, la fréquentation croissante du forum emploi annuel (dans sa 4ème édition à Paris, le 2 décembre prochain). Un rendez-vous désormais repéré non seulement des étudiants. « D'une année sur l'autre, le forum regroupe sans problème une cinquantaine d'entreprises, qui se renouvelle car les PME n'ont pas forcément le besoin ni la capacité d'embaucher une compétence pointue chaque année», expose Richard Fontanges, chef de projet Amies chargé des relations avec les entreprises. Mais l'impact plus significatif encore, selon lui, de ces trois ans de promotion des matheux en entreprise, tient dans la qualité des contacts et des projets montés au fil de l'eau. Ou lors des semaines d'études (selon la modalité de Study Groups d'Oxford). « Les entreprises qui nous contactent maintenant se posent la bonne question. Est-ce que mon problème peut être résolu par des mathématiciens ? », constate le chef de projet. Au fil de ces semaines d'études organisées à un rythme trimestriel (en octobre à Rouen, en janvier prochain à Paris), commencent à s'instaurer certaines pratiques de partenariat bien comprises autour de sujets pointus. Bien qu'on soit loin encore d'une modalité de « guichet d'identification des compétences », comme l'exploite à fond, depuis 15 ans au Canada, le programme Mitacs.
L'engouement pour les data sciences
Le secteur IT se montre-t-il particulièrement concerné ? Selon le recensement des débouchés post-cursus « maths et maths appliquées » dressé par l'Apec, 17% des diplômés de cette filière (au sens large) sont absorbés par la fonction informatique (loin derrière la fonction R&D, 63%) et 9% par le secteur IT (loin derrière le secteur banque-finance, 30%). « C'est notamment par ses interactions avec l'informatique que le recours aux mathématiques s'impose naturellement dans les entreprises », renchérit Richard Fontanges, lui-même informaticien. « L'informatique qui consiste à utiliser au mieux des bibliothèques, à les implémenter et les intégrer de façon à répondre au mieux à un cahier des charges, reconnaît ses limites. » L'exemple le plus criant d'actualité en est la vague d'engouement pour les « data sciences » : un chapeau recouvrant un ensemble de problématiques relevant de diverses facettes des mathématiques, des statistiques jusqu'au traitement de l'image et des données hétéroclites. « Autant de problématiques soulevées non pas au niveau de l'implémentation, mais qui font la part belle aux théories mathématiques », souligne-t-il.
Le Big Data boosterait-il les vocations et les carrières des forts en maths? « Trop tôt pour le dire», estime Richard Fontanges, car pour l'IT comme pour tout autre secteur utilisateur, le « phénomène Big Data » en est encore au stade de l'émergence. «Chacun, statisticien, spécialiste du traitement ou de la visualisation de données, essaie de montrer ce qu'il peut faire, mais pas ce qu'on va en faire », résume-t-il.
Un projet sur deux en relation avec la sécurité informatique
Il n'empêche : dans la typologie des domaines particulièrement concernés par un besoin de renfort en compétences mathématiques, le Big Data figure en tête. Ainsi que la sécurité. « Dans les contacts établis avec les pôles de compétitivité relevant du secteur IT, un projet sur deux évoque la thématique de la sécurité, que ce soit sur le volet hardware ou l'aspect protocoles», relate le représentant de l'Amies. Tout en reconnaissant que les acteurs de cette spécialité n'ont pas attendu la médiation de l'Amies pour développer leurs interconnexions et atomes crochus avec les maths. « C'est un cercle restreint où tout le monde se connaît et on entend toujours les mêmes noms.» Complètent traditionnellement cette typologie, les compétences liées à l'optimisation (recherche opérationnelle) et aux ressources du calcul intensif (tournées vers les usages des tissus industriels régionaux, avec notamment les « maisons de la modélisation » et la maison de la simulation du campus Paris-Orsay), et plus proche encore de l'informatique, les compétences en méthodes et preuves formelles.
L'entretien des compétences (dans une optique de formation continue) fait également partie du jeu des interactions et actions soutenues par l'Amies notamment en direction des PME et ETI. « Plus nouveau, le fait qu'au niveau national et de la formation initiale, soit reconnue l'association entre ingénierie et mathématiques, au travers des cursus du réseau Figure », note Richard Fontanges. A ce jour, une quinzaine d'universités accueillent des étudiants dans de tels masters. Dont neuf étiquetés ingénierie informatique.
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