Pilotage DAF-DSI : la balle au centre
De leur rôle respectif jusqu'aux besoins de mise à niveau des compétences : les jeux ne sont pas faits et les débats sont ouverts.
50-50 : la question de l'implication forte du directeur financier dans la gouvernance de la fonction IT partage toujours autant les intéressés. Les DAF interrogés à ce sujet semblent encore y voir autant d'avantages que d'inconvénients. En trois questions, le sondage organisé par les cabinets d'audit BDO et de recrutement spécialisé Fed Finance, présenté lors du congrès des DAF 2014 explicite ce positionnement circonspect.
Pour un peu moins de la moitié des entreprises (27 sur 62) représentées dans ce sondage, la DSI est rattachée à la direction financière. 50% des DSI répondent de leur activité à la direction générale. Il y a trois ans déjà, et au niveau mondial (un panel de 344 dirigeants), une étude de Gartner et de la FERF (groupement international de cadres financiers) arrivait sensiblement au même constat : 42% des DSI rattachées hiérarchiquement aux DAF, avec une plus forte représentation des plus grandes entreprises dans cette catégorie. Cette main-mise sur les investissements IT témoigne, selon Gartner, de la montée – et d'une certaine reconnaissance – de la dimension stratégique des projets IT.
« De centre de coûts, la DSI est devenue centre de services évoluant vers une logique de retour sur investissement », note Mathieu Blaie, directeur du cabinet Fed Finance. Pouvoir étayer cette logique sur les compétences naturelles de la direction financière justifierait un tel rapprochement. Mais force est de constater qu'en France, les DAF ne poussent pas à la roue pour aller jusqu'au rattachement hiérarchique. Serait-ce gagner en efficacité ? 50% d'entre eux en doutent. Les raisons principales de cette retenue ? Quasiment un aveu de faiblesse partagée. Sont évoqués la difficulté à concilier des points de vue et des langages trop différents (pour 36% du panel) et le manque de disponibilité de la DAF qui ralentit les projets. Mais aussi, le manque de sensibilité (de proximité) des DSI à l'égard des enjeux business (pour 26%).
Du côté des avantages, c'est évidemment l'intérêt de l'entreprise, avec un pilotage stratégique et opérationnel concerté entre DAF et DSI, qui est mis en avant (53%). Mais aussi le développement d'une logique financière au sein de la DSI (16%). Ce qui est bien dans l'air du temps, notamment avec la percée du cloud, au delà de l'intérêt d'un transfert du capex (dépenses d'investissement) à l'opex (dépenses de fonctionnement), avec des visées stratégiques relevant par exemple d'une évolution du business model de l'entreprise (selon le dernier relevé du Cloud index de Pierre Audoin Consultants).
Des freins culturels, des leviers technologiques
Les freins à la mise en place d'un pilotage conjoint DAF-DSI restent essentiellement culturels. « Pour avoir un regard sur les investissements le plus objectif possible, le DAF ne doit pas seulement se comporter comme le bras droit du DG, mais aussi être suffisamment ouvert, aller chercher de l'information, être à l'écoute de l'approche technique du DSI», commente Mathieu Blaie. Ce qui suppose, réciproquement, que le discours technique du DSI ait suffisamment de pédagogie pour susciter l'intérêt. Mais les tendances de fond actuelles, résumées sous les termes de transformation numérique des entreprises, pourraient bien rapidement changer la donne.
Selon Myriam Radi, manager stratégie chez Sage s'exprimant dans un « avis d'expert », quatre leviers sous-tendent aujourd'hui l'évolution des compétences conseillée ou exigée des DAF. En premier lieu, la dématérialisation, déjà prise en compte par la partie financière : 82% des dirigeants la considèrent comme priorité stratégique pour leur propre fonction. Deuxième levier, un abord innovant de leurs besoins métiers, avec l'arrivée du cloud computing qui les implique de fait (les DAF ou leur service) dans le contrôle (des dépenses, des performances, des changements organisationnels). Et surtout avec le big data dont ils sont déjà clients même si c'est encore sous la forme plus ou moins rudimentaire de BI. Les fournisseurs de tout acabit sont d'ailleurs là pour le leur rappeler. Exemple : le rendez-vous annuel d'Oracle Hyperion axé sur « la fonction finance en pleine mutation » et sur l'apport des technologies « pour un reporting clair et l'accélération du potentiel business ».
Choisir, sécuriser, assurer la gouvernance
Troisième levier, le travail collaboratif, enrichissant les interactions des diverses fonctions de l'entreprise, pour lequel, souligne Myriam Radi, la fonction finance « doit travailler main dans la main avec la DSI pour choisir les technologies utiles, en sécuriser l'utilisation et assurer la gouvernance des données ». Quatrième – et vital – thème de renforcement des compétences : leur responsabilité juridique en relation avec les problématiques de sécurité. Sachant, notamment, qu'un DAF sur deux avoue méconnaître le cadre juridique et légal de la dématérialisation des factures (Étude Ernst & Young/Dimo Gestion, janvier 2014).
Ne serait-ce que sur de tels aspects pointus, il y a donc du grain à moudre pour les mises à niveau des compétences (conduite du changement et prise en compte de la complexité incluses). Qui s'adressent également aux cadres de l'informatique dans leur rôle de manager. Les prestataires de formation ne s'y trompent pas. Exploitant notamment les ressources et les atouts de la e-formation dans ce contexte. Exemple, entre autres, de l'orientation prise par les cursus en cette rentrée : les Mooc (la formule permet d'ouvrir la formation à toute personne intéressée) lancés respectivement par les écoles de management Essec et Skema. Le premier dédié à la prise de décision en environnement complexe (démarrage le 20 octobre pour six semaines). Le second axé sur la globalisation (étalé sur trois semaines, travaux en équipes multiculturelles, pour « comprendre les enjeux, anticiper les risques et saisir les opportunités »).