Emploi IT : des initiatives face au paradoxe chômage/pénurie
Chômage en hausse d'un côté, pénurie de compétences de l'autre : les initiatives se multiplient pour adapter l'offre de formation aux besoins montants (big data, développement web et mobile) ou récurrents (compétences mainframe).
Le printemps 2014 avait débuté dans le vert pour l'emploi du secteur IT. Avec un recul du chômage en avril (-1,7%) et une progression de l'offre d'emploi (+7% par rapport à avril 2013 selon l'Apec). Las ! Le mois de mai s'est terminé sur une note moins flatteuse. Pôle Emploi a recensé 33600 demandeurs d'emploi relevant des métiers des SI et télécom, soit 100 de plus qu'en avril, et 40900 inscrits en incluant ceux ayant une activité réduite (catégories A, B et C), soit 200 de moins qu'en avril.
L'amélioration amorcée sur le front de l'emploi IT en fin de premier trimestre se fait donc à très petits pas. Et le paradoxe reste entier. D'un côté, le taux de chômage officiel de la filière IT (famille professionnelle informatique et télécommunications, selon la nomenclature de la Dares) reste figé à 8% (relevé 2013 publié en juin 2014). Avec, cependant, une progression plus nette de la menace pour les opérateurs et employés de l'IT (+17% en nombre de demandeurs d'emploi par rapport à 2012), que pour les techniciens (+3%). Et les ingénieurs de l'IT ne sont pas épargnés : leur taux de chômage atteint 5% et le en nombre d'inscrits à Pôle Emploi est en hausse de 14% par rapport à 2012.
De l'autre côté, les besoins de renfort mettent l'informatique en tête des classements, à la fois en postes à pourvoir (relativement au personnel en place) et, surtout, en difficultés à recruter, si l’on en croit l’enquête BMO 2014, Pôle Emploi-Credoc . Une partie de la réponse, en toute logique, tient dans la formation et la re-formation. Car les difficultés ne se cantonnent pas aux segments de croissance récents, comme le big data.
Du buzz autour du big data...
Confrontées à cette problématique, évidemment en quête de compétences, huit entreprises sur dix se disent actuellement démunies (étude Markess International, juin 2014). Les institutions (Etat, écoles d'ingénieurs et de management) se mobilisent, face à la perspective de 130 000 emplois créés ou maintenus, dont 80 000 nouveaux emplois selon le plan de développement de l'écosystème big data, approuvé ce 2 juillet (parmi les 34 plans de reconquête industrielle). Ces derniers mois ont ainsi vu fleurir les annonces d'ouverture de cursus spécialisés (à l'Ensai, Cnam, Isep, Ensimag et Emsi à Grenoble, Epsi et Idrac, …), après les cursus pionniers de MBA à HEC, de Telecom ParisTech, ou encore de l'Ensae ParisTech. Quand ce n'est pas le dispositif de formation interne qui prend en charge la mise à niveau des arrivants ou des troupes en place, (comme le propose le campus virtuel de Capgemini).
De même, les thématiques ERP et cloud (ou SaaS) – et le renouvellement des compétences y afférant – continuent de susciter des partenariats. Tel le cursus proposé avec Sage par l'IUT de Paris-Descartes, ouvert en formation continue à l'intention des bac+3 ou des professionnels intéressés par l'orientation « consultant fonctionnel ». Ou la spécialisation ERP/SAP dispensée sur cinq campus de l'Epsi (niveau bac+4). La diversification du sourcing est également de la partie, notamment en direction des filières universitaires, partenariats formels à l'appui. 50% des nouvelles recrues de Capgemini, qui planifie 2600 embauches en France cette année, proviendront ainsi de ces filières.
Par ailleurs, les viviers potentiels de développeurs sont particulièrement ciblés. Dernière annonce en date, le lancement en septembre en banlieue nord (Saint-Ouen) par Samsung, l'école Epitech et l'association Zup de Co, d'une formation au développement d'applications mobiles en deux ans (dont une année en alternance). Comme le programme YouthSpark de Microsoft engagé depuis le début de l'année avec les mêmes partenaires (web@cadémie de l'Epitech, Zup de Co), rejoints depuis par une vingtaine d'entreprises et institutions, ou comme l'école 42 de Xavier Niel, ou encore la future école de LDLC promise pour la rentrée 2015, ces initiatives lancées en direction des 18-25 ans misent plus sur la motivation que sur le bagage initial.
… jusqu'aux besoins du bastion mainframe
Au delà de l'alimentation de la filière du développement, il reste le besoin, lui aussi récurrent, de maintenir et moderniser l'existant. « Un casse-tête » dont une des composantes principales est le manque de compétences formées pour assumer l'évolution du bastion mainframe, soulignent enquête après enquête les éditeurs (Compuware, Microfocus, BMC, CA), les DSI et les prestataires concernés.
La convention 2014 du club des responsables de production (Crip, 17-18 juin) a fourni l'occasion de tirer de nouveau le signal d'alarme. En cause : la pyramide des âges et les départs en retraite des années à venir (en 2013, un tiers des développeurs cobol dépassait la cinquantaine, selon l'observatoire Cobol de Microfocus). Le Crip milite pour une relance d'un programme de Mainframe Académie, dans la lignée de celui de zAcademy initié il y a quatre ans par IBM (formation et recrutement dans la foulée). A l'époque, « la DSI de la Banque Postale, en partenariat avec Sogeti, avait été la seule à en profiter, une quinzaine d'embauches à la clé», rappelle Bernard Dietisheim (responsable de la commission du Crip à l'initiative de cette relance).
Mutualisation pour une formation en français et en alternance
L'idée est cette fois de mutualiser l'ensemble de la démarche des grands comptes et des SSII concernés. En y associant les DRH : « car en période de budget contraint, il vaut mieux les avoir comme alliés pour faire comprendre que si nous respirons encore autour des mainframes, dans cinq ans, ce sera trop tard »). La mutualisation commence par un recensement des besoins (étendu aux SSII via le GuideShare, club des utilisateurs d'architectures IBM), ainsi qu'un repérage des éventuels viviers (dont les écoles partenaires du GuideShare) et des actions de communication à mener auprès des jeunes générations.
Le cinquantenaire du mainframe, selon les responsables de production, devrait être l'occasion de secouer de nouveau le cocotier, d'agir pour installer dans le paysage de la formation initiale et continue un dispositif plus pérenne que celui de 2010 (comme le fait en Allemagne, l'université de Leipzig). La feuille de route du Crip à cet égard est déjà bien engagée, avec le repérage d'une demi-douzaine d'organismes de formation susceptibles de mettre sur pied le contenu de la formation. « En français et en alternance », précise Bernard Dietisheim. Viendra ensuite, après détermination de la short list, la préparation et la mise en place d'un contrat cadre accessible aux entreprises adhérant au programme. Affaire à suivre.