Green IT : nouvel indicateur à l'appui, les grands industriels reprennent la main
Le DCEM (Data Center Energy Management) validé et publié par l'ETSI, organisme européen producteur de normes, se veut un outil de mesure de l'efficacité énergétique conçu par et pour les responsables de production IT.
Ce n'est pas une fronde. Mais c'est bien avec la volonté de disposer d'un support de benchmark de l'efficacité énergétique plus fiable que le PUE, critère usité et promu depuis 2010 par les hébergeurs et autres fournisseurs, qu'une poignée de dirigeants de centres informatique de grands comptes a travaillé pendant deux ans à l'élaboration de l'indicateur DCEM (Data Center Energy Management). Et ce, à coup de « position papers » (documents de référence) au sein du rituel de préparation d'une norme conduit par l'ETSI (organisme européen de normalisation télécom). Le résultat vient d'être publié, et présenté officiellement le 17 juin dans le cadre de la convention annuelle du CRIP (club des responsables informatique de production). Il prend la forme d'un indicateur composite agréé par l'ETSI, combinaison d'indicateurs clés de performance (KPI), « à l'usage des utilisateurs », est-il bien précisé avec le sigle OEU (Operational Energy efficiency for Users) attribué à la contribution de ce groupe de travail (Industrial Specification Group).
Une évaluation globale – réutilisation incluse – et opérationnelle
L'idée était non seulement de pallier aux lacunes du PUE qui, dans sa formulation simplifiée, s'en tient au ratio entre l'énergie totale consommée par le datacenter (avec la climatisation) et la part consommée par les équipements informatiques (serveurs, stockage, réseau). Mais aussi d'aboutir à un indicateur global lui aussi durable. « Actuellement, le périmètre des bilans carbone de l'entreprise se focalise sur la production et la consommation interne, là où demain, il devra inclure tout ce qui est en amont et en aval, depuis l'approvisionnement jusqu'au démantèlement des produits et des installations », résume Jean-Marc Alberola, membre du groupe de travail du CRIP et responsable de la politique énergétique du groupe Airbus. Pour les centres IT, l'amont et l'aval signifient la part d'énergie renouvelable (consommée et/ou produite) et la réutilisation de l'énergie produite par l'infrastructure pour d'autres usages. Deux composantes désormais inclues – avec leurs KPI spécifiques – aux côtés des deux autres facteurs plus classiques – à savoir, la consommation énergétique et l'efficacité énergétique – dans l'évaluation globale et « opérationnelle », précise le dossier technique validé par l'ETSI.
Chacun de ses quatre facteurs – consommation, efficacité, réutilisation et énergie renouvelable – sont sujets à des points de mesure applicables « à tous les stades de la vie d’un centre de calcul, de sa mise en service à sa fin de vie » et « aux centres de calcul de toutes tailles, y compris les salles d’hébergement dans des bâtiments ». Co-pilotée par Dominique Roche (Orange) et André Eledjam (Société Générale), la réflexion du groupe de travail éco-efficacité du CRIP se démarque ainsi en aboutissant à une métrique complète permettant de « superviser et adapter la conduite de l’utilisateur » là où des indicateurs techniques (comme le PUE) sont des « indications notables de performance opérationnelles possibles ». Sous entendu, plutôt des outils du marketing.
Selon la taille du datacenter et sa date de construction
De plus, même si la métrique de base est la même quelle que soit la taille de l'installation, le DCEM permet aux utilisateurs (responsables de datacenters) de repérer où ils en sont en termes de performance, en fonction de leur gabarit (S, M, L XL, depuis une consommation globale de moins d'1 Gwh à celle de plus de 20 Gwh). « Nous voulions pouvoir comparer ce qui est comparable », souligne Henri-Claude Moreau, responsable des datacenters Corporate de PSA Peugeot Citroën.
Au final, le KPI global du datacenter (compilation des KPI des 4 composantes d'éco-efficacité) se réfère à une classification calquée sur celle utilisée dans l'électroménager, de la classe A pour les plus performants, à la classe I pour ceux qui ont le plus de chemin à faire pour le devenir. Et ce, sur une échelle à double entrée, pour les centres entrés en service avant ou après 2006, pour distinguer – « et ne pas décourager » – ceux dont la construction date d'avant le protocole de Kyoto (2005), soumise alors à de moindres contraintes environnementales.
Support de plan de progrès et critère de décision
Car conformément à son statut d'outil de benchmark, le DCEM a aussi vocation à être support de plan de progrès. Voire élément d'aide à la décision. Avec son échelle de classement particulièrement explicite (de A à I), le DCEM s'adresse aussi bien aux dirigeants informatiques qu'à l'ensemble des acteurs concernés par la politique environnementale de l'entreprise (Facility management, achats, voire comité de direction). « Une responsabilité forcément transverse, notamment pour les sites certifiés ISO 14001», souligne Jean-Marc Alberola. «Même si on externalise, on doit pouvoir intégrer le bilan du datacenter dans le bilan environnemental de l'entreprise et, en amont, maîtriser les indicateurs à inclure dans le cahier des charges. » Avis aux hébergeurs.
Au delà des industriels impliqués dans l'élaboration de cette norme (Airbus, PSA, Société Générale et la Banque Postale, et les telco Orange, SFR, Bouygues Télécom), la phase d'évangélisation autour du DCEM est engagée. A commencer, en interne, chez PSA ou Airbus notamment, « sur fond de relevés factuels », précisent en chœur Jean-Marc Alberola et Henri-Claude Moreau. Mais aussi auprès des prestataires. « Le rendez-vous est déjà pris avec certains qui sont demandeurs, y compris des collectivités locales, des grandes agglomérations comme Paris », selon Dominique Roche. Orange Business Services est déjà de la partie. Pour l'heure, une trentaine de datacenters européens ont expérimenté les divers points de mesure et du même coup, ont alimenté le benchmark jusqu'à l'indicateur de performances final. A cet effet, un outil récapitulant les points de mesure des divers KPI est proposé par le CRIP. « D'accès pour l'instant réservé aux membres du club », précise Dominique Roche, mais avec la caution de l'ETSI, l'ouverture à un large usage, via une plate-forme dédiée, ne saurait tarder. «Avant la fin de l'année. »