SG Paris 2014 : le Smart Grid, un débouché majeur pour l’IT… et pour la France

Le salon SG Paris 2014, qui s’est tenu cette semaine à Paris a été l’occasion de constater combien ces réseaux intelligents constituent des débouchés pour la sphère du IT. La France est le premier investisseur européen dans ces « Smarts » réseaux.

Ne parlez plus de « Smart Grid » mais de « Smart Networks ». Les « réseaux intelligents » ne se limitent en effet plus aux seules infrastructures de l’énergie mais sont, au contraire, le résultat d’une convergence de plus en plus importante entre différents domaines. Tel est, en substance, le message clef du salon « SG Paris 2014 » qui s’est tenu cette semaine à La Défense.

L’IT : pierre angulaire du « Smart »

« Jusqu’à récemment réduites au seul domaine électrique, les différentes visions s’accordent aujourd’hui sur la nécessité de développer des coopérations entre les réseaux collectifs », expliquent les organisateurs de la manifestation. « Les territoires disposent de nombreux réseaux collectifs conçus de manière indépendante – gaz, électricité, chaleur, eau potable, eaux usées, télécommunications. Les rapprocher permettrait de mieux valoriser les services, chacun pouvant mettre ses atouts au service d’une optimisation énergétique à la maille locale. »

Dans ce contexte, l’IT joue évidemment un rôle fondamental. Il est, pour ainsi dire, la pierre angulaire de l’intelligence qui en résulte. « La filière TIC doit fédérer les données dans le but de nourrir des plates-formes de services dans le Cloud pour l’exploitant ou l’utilisateur », note ainsi la Smart Buildings Alliance dans son manifeste. Ce document souligne également que pour emporter l’adhésion des utilisateurs, « le système doit être sécurisé » et qu’il doit, pour être véritablement intelligent, être « capable de supporter le Big Data ». Autant de missions qui incombent aux professionnels des systèmes d’informations et de l’analytique plus qu’aux fournisseurs traditionnels de « commodités ».
Conséquence, la création de valeur se déplace vers les outils de modélisation, de pilotage et de prévisions (que ce soit au niveau du réseau global ou de l’utilisateur final). Et les acteurs du « Smart Grid » se dirigent de plus en plus vers des activités IT.

Simple exemple. Le cabinet d'études lyonnais Alaska Energies a créé un spin-off, MyLight, pour éditer une plate-forme Cloud destinée à accompagner l’usage de ses panneaux solaires. « On avait l'idée de faire cette application depuis deux ans », livre Ondine Suavet de MyLight au MagIT. Proposée depuis quelques semaines à ses clients, la solution SaaS a été conçue avec un éditeur francilien, Neosesame, et hébergée sur AWS. Ce service IT - co-imaginée par ce professionnel du photovoltaïque - ne se contente pas de suivre la production d'électricité d'un bâtiment. Elle analyse également les habitudes et lisse la consommation anticipée (en éteignant tel ou tel appareil ménager) en fonction de l'ensoleillement attendu – et donc de la production – grâce à des algorithmes prédictifs.
 

MyLight, une plateforme IT prédictive conçue pour ses clients par un expert du photovoltaïque

A plus grande échelle, la multinationale helvético-suédoise ABB confirme ce mouvement des lignes. Certes « le Smart Grid est un ensemble de technologies existantes et nouvelles » mais elle constate que c'est bien la convergence des deux avec l'IT qui apportera « une réponse au réseau intelligent de demain ».

GAZPAR et LINKY : deux éclaireurs français du « Smart Grid » pour d’autres secteurs

Les compteurs de nouvelle génération d’ERDF et de GDF-Suez illustrent eux-aussi parfaitement ce nouveau « Smart Mix » entre énergie, réseaux de communication et solutions IT de visualisation et de d’analyse.

Ces deux expériences de tailles industrielles - qui permettent une vision améliorée de la totalité de la consommation et qui, parce que connectées, ne nécessitent plus de relevés manuels et transmettent des informations beaucoup plus granulaires - devraient en effet, d’après les intervenants du salon, rassurer les entreprises et permettre de réels développements commerciaux en France. Notamment, en aval de ces compteurs améliorés de « metrics » avec des retombés connexes pour les télécoms, la domotique, et bien sûr l’immobilier (neuf pour la construction et existant pour les rénovations).
Dans ce domaine, Philips animait un atelier sur « The Edge » - alias l'immeuble le plus « Smart » du monde. Ce bâtiment de 50.000 m² en construction à Amsterdam, futur siège de Deloitte, va bénéficier d’un système d’éclairage connecté. Les LED utilisées diminuent de 80 % la consommation électrique mais c’est surtout l’automatisation (extinction ou diminution de l’intensité à telle ou telle heure) et le pilotage (un employé peut rallumer un bureau ou augmenter la température avec une appli mobile) qui rend le bâtiment intéressant. Mieux, ces lampes génèrent des informations. Si une salle n’a pas été allumée de la journée, un message sera envoyé à la maintenance pour ne pas la nettoyer puisqu’elle n’a pas été utilisée. Philips imagine même d’utiliser ces LED pour transmettre de l’information aux smartphones. « Elles peuvent clignoter jusqu’à un million de fois par seconde. En dessous de 19 fois par seconde, l’œil ne perçoit qu’un léger scintillement. Mais un APN de téléphone, lui, recevra ces on/off comme des 1 et des 0 », explique Philippe Gout, Directeur Collectivités Territoriales de Philips Lightning. Autrement dit, avec ce morse moderne, les vitesses de transmissions avoisineront le Gbps entre l’infrastructure du bâtiment et les  mobiles.

Autre exemple d’expérimentation, dans le transport : le démonstrateur TOSA - qui repart avec un Smart Awards 2014. Ce projet développé par ABB, le Transport Public Genevois et les Services Industriels de Genève est un bus 100% électrique qui utilise une technologie de « biberonnage ». En clair, le véhicule se recharge tous les 3 ou 4 arrêts en 15 secondes. Résultat, une batterie réduite par 10, un espace plus grand pour les passagers et, côté réseau, « une efficacité énergétique améliorée grâce à une charge lissée ».

Penser l'infrastructure sans penser les usages : un travers français ?...

Au niveau mondial, le marché du Smart Grid est estimé à plus de 18 000 milliards de dollars d’ici 2025, rien que pour les investissements dans les infrastructures électriques. « Le marché du Smart Grid, c’est par an et jusqu’en 2030, 1 à 2 milliards d’euros rien que pour le réseau français », évalue de son côté Cécile George de la Commission de Régulation de l'Energie.

Pour Philippe Perennez, Directeur Général de l'éditeur français Navidis, « la France n'a pas à rougir » mais elle ne serait pas non plus en avance si l’on regarde des villes comme Amsterdam, Barcelone, Londres ou Manchester qui ont lancé des plans d'envergure de « Smart Cities » beaucoup plus importants que Paris.
Certes le reste du territoire n'est pas en reste avec des cités comme Lyon, Bordeaux, Nice ou Issy-les-Moulineaux (que Philippe Perennez est parti représenté dans un concours aux Etats-Unis et qui s'est classée dans les 7 villes les plus « intelligentes » du monde). Mais pour le spécialiste de l'applicatif lié à ces réseaux, la France aurait un problème culturel. Les grands projets – et les budgets dégagés - ont très majoritairement été consacrés à l'infrastructure... sans véritablement penser aux usages concrets, et donc aux problèmes résolus par le « Smart Grid ».
Résultat, il existe certes des possibilités de connaître la consommation d'eau, le trafic ou la fréquentation touristique - voire l'humeur d'une ville - mais toutes ces informations seraient en silos. « En France, on a une vision très technique. L'usage arrive tant bien que mal. Mais après », regrette-t-il dans un entretien au MagIT. « Prenez la pollution, par exemple. Aujourd'hui on sait quand il y a une côte d'alerte, mais c'est tout. Et pourtant on a tellement d'informations à disposition sur ce sujet ! ».

… Mais une opportunité pour les « petits » acteurs IT ?

Certaines start-ups intéressantes (de co-voiturage ou de prédiction de place de parking) pourraient, d'après lui, ne pas être viables parce qu’elles sont trop spécifiques et qu’elles reproduisent justement les silos de l'infrastructure. Alors qu'au contraire, c'est la pollinisation qui pour lui donne sens au « Smart ».

C'est cette ouverture – verticale (top-down) et horizontale (entre réseaux) - qu'il appartiendrait aujourd'hui aux éditeurs de réaliser. Navidis par exemple, propose aux collectivités de décloisonner leurs sources pour remettre l'usager au cœur de la réflexion. Chose que ne feraient pas nécessairement des concurrents de la taille d'IBM ou de SAP. « Les gros éditeurs proposent des offres globales en partant du principe que les problématiques sont les mêmes partout... Or ce n'est pas le cas. Nous, nous proposons une démarche plus de proximité », explique le dirigeant au MagIT. Qui a remporté plusieurs appels d'offres (dont un à Manchester).

Concrètement, là où les géants conçoivent « des tableaux de bord aux collectivités », Philippe Perennez propose des modélisations et des prévisions pour et avec les utilisateurs. Exemple en cours de réalisation : une représentation en 3D du réseau électrique de Rosny-sous-Bois qui permet aux administrés de mieux comprendre les causes d'une coupure de courant, via une visualisation « ludique ».

La France premier investisseur européen dans le domaine

David Marchal de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) nuance ce diagnostic d’un mal français. « Nous avons un des meilleurs réseaux high-tech du monde », tient-il à souligner. « D’après le Joint Research Centre, le budget total du Smart Grid en France (NDR : public et privé) s’élève à 500 millions d’euros. C’est le plus gros investissement européen devant l’Allemagne (360 millions) », se félicite-t-il.

Côté projets, « le JRC en compte 100 en France. Nous sommes deuxième derrière les 120 de l’Allemagne ». La France serait donc un des deux moteurs du « Smart Grid » sur le continent avec son voisin germanique.

Quant à la synergie entre les différents réseaux, David Marchal répond que la Commission de Régulation de l'Energie a étudié la question dans le détail, sans trouver d’intérêt industriel, technique ou économique à une telle stratégie. Ceci dit, l’expert de l’Ademe ne nie pas qu’en aval des compteurs, un réel intérêt existe pour l’utilisateur final à avoir des recoupements d’informations sur une plate-forme unique et commune. Au contraire. Des opportunités B2C et B2B énormes, là encore, pour les éditeurs IT.

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