Emploi : le secteur IT et les PME en mode rattrapage
Le second trimestre 2014 semble confirmer la relance des projets –nécessaire– et celle de l'embauche d'informaticiens. Sans brio toutefois.
En avril, tous les baromètres de l'emploi IT ont été orientés favorablement. Le chômage des informaticiens recule de 1,7% par rapport à mars. Le volume d'offre d'emplois progresse de 7% (relevé Apec). Mais l'amélioration reste timide. Insuffisante en tout cas pour effacer les revers de l'année écoulée.
De fait, les métiers des systèmes d'information et télécom enregistrent 33 500 demandeurs d'emploi en avril 2014 contre 34 100 en mars (catégorie A, sans activité). Un léger mieux, donc, à l'inverse de la tendance à l'aggravation confirmée pour toutes professions confondues (+0,4% entre mars et avril 2014). S'il y a ainsi 1 200 informaticiens au chômage de moins qu'en janvier 2014, c'est tout de même 3 400 de plus qu'en avril 2013 (+10,1% en un an). En incluant dans le décompte, les inscrits à Pôle Emploi ayant eu une activité (catégorie A, B et C), le secteur IT enregistre 41 100 demandeurs d'emploi en avril 2014. Soit, là aussi, 1 200 de moins qu'au début de l'année. Mais 4 800 de plus qu'en avril 2013. Et ce, sans considérer l'ensemble des métiers du numérique (comme le fait le Munci citant les relevés de la direction des études de Pôle Emploi), notamment les métiers du contenu (web/multimedia) plus touchés encore par la progression du chômage.
Retour en grâce des fonctions support, dont l'IT
Pour autant, d'après le relevé mensuel de l'Apec, le volume d'offres d'emploi marque une progression de +7% en avril 2014 par rapport à avril 2013 (avec 15 795 annonces recensées soit 25% de l'offre d'emploi cadres). Malgré cette poussée significative (pour rappel, elle était de +3% en mars sur l'an dernier même mois), le compte reste encore déficitaire de -1% pour l'année écoulée (décompte lissé sur douze mois glissants). L'informatique industrielle est à la peine, avec, sur douze mois un recul de 24% de l'offre d'emploi. Selon l'Apec, la situation s'améliore plus nettement pour trois catégories de l'IT : l'informatique de gestion (offre en hausse de +9 %), la maîtrise d’ouvrage et fonctionnelle (+8 %) et la direction informatique (+6 %). Exploitation et maintenance (-10%), systèmes et réseaux (-4%), informatique web (-3%) restent encore sous l'effet du gel de l'embauche de fin 2013 prolongée au premier trimestre 2014.
En quantité mais aussi qualitativement, l'activité des cabinets de recrutement et des sites spécialisés en témoigne. Le suivi mené à l'échelle de l'Europe par le cabinet Robert Walters indique un retour en grâce des fonctions support (+12% pour la publication d'offres d'emploi au premier trimestre 2014 par rapport au trimestre précédent). Fonctions support dont relève l'IT. En France, notamment, la réactivation du marché de l'embauche (+14.5 % au T1 2014) se justifie, selon Robert Walters, « par la recherche de profils spécialisés en Big Data, Cloud, Virtualisation, Sécurité et SAP, pour accompagner la reprise des projets informatiques et les nombreuses restructurations qui touchent les sociétés depuis ces dernières années ». Le site Career Builderssitue cette progression dans la continuité de la création d'emplois IT, en premier lieu des postes d'ingénieurs d'études et développement de 2009 à 2013 (près de 19 000 postes) et dans la perspective de 15 000 emplois ouverts d'ici à 2020.
70% pour pallier au turnover, 30% pour de nouveaux projets
Mais revenons au trimestre en cours. Du côté de l'intérim expert couvert par le cabinet Walters People, Sernin de Rigaud, responsable de la division IT, attribue le regain d'activité d'une part à la relance de projets, remisés en l'attente de jours meilleurs depuis un ou deux ans. D'autre part, à la remontée du turnover, plus nette depuis le début de ce second trimestre 2014. Tant du côté des DSI – « surtout des grosses PME » –, que des informaticiens, il est moins question de frilosité. Et si l'embauche et l'intérim expert repartent de plus belle, « c'est à 70% pour pallier au turnover, 30% pour de nouveaux projets », constate le manager de Walters People, de son poste d'observation (hors SSII et hors très grandes entreprises, qui ne font guère partie de la clientèle de ce cabinet).
Une relance donc, du côté des entreprises de taille moyenne, mais pour quels projets ? Essentiellement dans deux domaines, selon Sernin de Rigaud : la mobilité, ne serait-ce que pour prendre en compte l'équipement personnel des salariés, avec ses problématiques de réseaux et de sécurité ; la business intelligence, sans même aller jusqu'au big data. « Les outils de l'informatique décisionnelle se sont tellement démocratisés qu'il y a une forte demande pour le développement d'applications qui aient un réel impact sur le business ».
S'y ajoute la problématique récurrente de migration de système et de mise à niveau des parcs. D'où la montée de la demande sur le profil d'architecte SI, capable de manager ces migrations. Avec une constante pour tous les postes actuellement en demande de renfort : «même pour les développeurs, il est demandé de parler et de comprendre l'anglais. » La compétence technique ne suffit plus. Surtout s'il s'agit d'opérer en frontal, face à l'attente des directions métiers. « Un poste d'architecte par exemple, c'est 50% de technique, 50% de management, de gestion de planning et de budget, de communication voire de diplomatie. »
La demande des marchés de niche
La relance des projets se fait également sentir dans le camp des prestataires et fournisseurs de technologie. Et pas seulement chez les grands acteurs. En février, l'enquête semestrielle de la chambre professionnelle des PME et TPE du numérique Cinov-IT relevait une remontée toute relative du moral de ces employeurs. « Même si les affaires sont dures et la crise bien encore présente », concluait l'enquête. Parmi eux, un sur quatre disait, fin 2013, avoir embauché et prévoyait d'en faire autant – en CDI – en 2014. Avec 5% seulement d'entreprises ayant débauché. Et le recueil des données pour le semestre en cours (publication prévue à la rentrée de septembre) tend à confirmer ce constat. Dans cette embauche, « deux-tiers des postes concernent des profils techniques », précise Alain Prallong, président de Cinov-IT. « Preuve s'il en est besoin que dans la création potentielle d'emplois, le poids des entreprises IT de 10 à 50 salariés est considérable », souligne ce dernier.
Où se retrouve la sempiternelle difficulté à recruter de ce milieu fort disparate. Moindre attrait que les grandes structures aux yeux des jeunes diplômés qui vont vers ce qu'ils estiment plus sécurisant ? Inadaptation de l'offre à la demande, faute d'ajustement de la formation initiale à l'évolution du marché de l'emploi ? Plus que quantitativement, les acteurs concernés et mobilisés autour de cette problématique (Cinov-IT, Syntec numérique, Association Pascaline) en font désormais essentiellement une question d'orientation et d'information des générations montantes. Et au plus tôt : « dès le secondaire ». Notamment face à la large diversité des marchés de niche – et donc des emplois – couverte par le numérique. Exemple cité par Alain Prallong dans sa spécialité, la géomatique : sur cinq réponses de candidature à une annonce, quatre émanent de jeunes issus de cursus sciences humaines qui n'ont pas les bases techniques pour aborder la complexité de la géomatique. «Il ne manque pas de jeunes très motivés, à qui conviendrait bien de proposer une formation par l'apprentissage ». Question de moyens ? De volonté politique ? « Elle semble plus affichée », tempère Alain Prallong, «mais il manque encore de relais sur le terrain ».