IBM met l'accent sur le distribué et l'Open Source avec le Power8

Dans un entretien avec LeMagIT, Alain Henry, le Vice-Président System & Technology Group d’IBM France, revient sur les ambitions d'IBM pour le Power8.

Suite au lancement récent des puces Power8 et de nouveaux serveurs mono et bi-socket par IBM, LeMagIT s’est entretenu avec Alain Henry, le vice-président System & Technology Group d’IBM France, pour faire le point sur les ambitions de Big Blue et de la fondation OpenPower.

LeMagIT : IBM a récemment dévoilé ses puces Power8 et mis l’accent sur le rôle de la fondation OpenPower. Quelles sont vos ambitions avec cette nouvelle puce ?

Alain Henry : L’objectif est clairement de proposer une alternative aux serveurs x86. La fondation OpenPower recense déjà 25 membres et son objectif est d’ouvrir la technologie Power8 afin de développer un véritable écosystème autour de la technologie Power. Les premiers résultats de cet effort ont été présentés la semaine dernière. Le vrai différenciateur est le niveau de performance que permet l’architecture. Nous affichons des performances excellentes sur la plupart des applications et notamment en Java et la nouvelle ouverture permet aussi à nos partenaires d’enrichir la plate-forme. Dans le cadre d’OpenPower, nous avons ainsi présenté une appliance qui permet de doper les performances des bases NoSQL grâce à l’inclusion d’accélérateur utilisant notre bus d’extension ouvert CAPI.

LeMagIT : Ce n’est pas la première fois qu’IBM tente de créer un écosystème autour du Power. Il y a 20 ans déjà, vous aviez tenté de vous opposer à Intel avec un large écosystème. Mais cet effort s’était effondré suite à l’extinction des OS alternatifs comme Windows NT pour Power, OS/2, Taligent… Il avait ensuite été définitivement torpillé par l’arrêt des clones Mac. Cette fois-ci, vous repartez à l’assaut avec un focus sur Linux. L’OS libre est-il la clé de votre nouvelle stratégie ?

Alain Henry : Il y a en fait trois grandes lignes de force. Le premier est bien sûr le support de Linux. L’adoption de l’Open Source par nos clients et la mise en œuvre croissante de Linux dans leurs infrastructures rend ses solutions crédibles pour nos clients. Le support de Linux est donc un élément important.

Ensuite, il y a l’ouverture à l’écosystème avec le support d’API ouvertes comme CAPI qui permettent à des tiers de venir enrichir la plate-forme en disposant d’une interface d’accès rapide au processeur. Enfin, la nature des acteurs a changé. OpenPower compte des partenaires de premiers plan comme Google ou Samsung qui ont un vrai poids sur le marché.

LeMagIT : Aujourd’hui, lorsque l’on parle à des entreprises, aucune ne vient spontanément dire il me faut du Power dans mon infrastructure parce que j’ai un problème avec Intel. La question des architectures hétérogènes est aujourd’hui plus tirée par les grands acteurs du cloud et par les fournisseurs…

Alain Henry : La demande des clients est drivée par la partie cloud, analytique et Big Data. Les clients regardent le TCO et le TCA de leurs solutions et c’est là que l’architecture Power a une carte à jouer.  Il y a une éducation à faire sur les clients qui sont focalisés sur le coût d’acquisition. En matière de TCO, on a des taux de charge de 70% sans problème sur des serveurs Power. Mélanger des applications critiques et non critiques sur un même système Power est tout à fait envisageable. À l’inverse, la norme dans le monde x86 est plutôt de voir des taux de charge de l’ordre de 15 à 20%.

LeMagIT : On pourrait arguer du fait que ces taux de charge sont aussi le résultat de l’expertise d’exploitation des administrateurs de systèmes Unix qui est souvent supérieure à celle des administrateurs de systèmes Windows dans les entreprises. Et de plus, on trouve aussi dans l’univers du cloud, chez Google ou Facebook, des systèmes x86 utilisés à 70 ou 80%...

Alain Henry : Oui, mais ces systèmes ne sont en général pas virtualisés….

LeMagIT : C’est vrai, mais c’est aussi parce que ces acteurs cloud n’ont pas d’historique applicatif et ont d’emblée optimisé leurs applications pour qu’elles tirent parti au mieux des ressources disponibles. La virtualisation reste largement une problématique d’entreprises faisant tourner un très grand nombre d’applications non optimisées et cherchant à les consolider sur un nombre réduit de systèmes…

Alain Henry : C’est aussi pour cela que l’un des focus des nouveaux systèmes est sur les nouvelles applications distribuées. Les machines annoncées sont des machines adaptées aux architectures scale-out. La demande en matière de cloud hybride et privé et celle des service providers est forte. Il y a une forte attente de ce côté-là et une volonté d’IBM de se positionner sur ces problématiques.

LeMagIT : Une des clés dans ce contexte sera sans doute la disponibilité des grandes applications Open Source et des frameworks comme Hadoop ou OpenStack sur ces plates-formes.

Alain Henry : Les équipes logicielles d’IBM vont avoir un rôle essentiel à jouer pour tirer parti de ces architectures. WebSphere, DB2 Blue sont optimisées pour tirer parti de la taille des registres du Power8 et de ses capacités multithread. On a déjà testé Power8 avec du DB2 Blue – la version in-memory de DB2, N.D.L.R -, et on a des résultats jusqu’à 50 fois plus rapides qu’avec des SGBD standards sur x86.

On a fait un gros effort et on continue à faire des efforts pour que les solutions du marché soient disponibles sur ces nouvelles plates-formes. Par exemple, on a déjà annoncé  IBM solutions for Hadoop, un ensemble d’outils destinés à simplifier la mise en œuvre d’Hadoop sur Power. Les benchmarks Terasort – un benchmark Hadoop - sur Power 7+ montraient déjà une performance par cœur deux fois meilleures que celles des puces x86. Power 8 devrait faire encore bien mieux du fait de sa bande passante très supérieure.

De même, l’arrivée d’une version Power de KVM, PowerKVM, et le support d’Ubuntu, la principale distribution Linux pour les environnements OpenStack, ne relève pas du hasard. De façon générale, IBM mène un gros effort d’identification des applications pertinentes dans les environnements distribués afin de certifier plus d’applications Linux sur Power8.

LeMagIT : Un dernier point est que Power8 semble bien se comporter par rapport aux Xeon E7, mais que la clé de son adoption résidera sans doute sur son aptitude à se comparer d’un point de vue performance/prix à des systèmes de type Xeon E5.

Alain Henry : Nous estimons que le positionnement prix est agressif. Le prix d’entrée pour les nouveaux serveurs est de 7 200 € HT pour un serveur avec un CPU ; ce qui est très agressif au vu de la performance annoncée. Et je rappelle que pour ce prix vous disposez de tous les avantages de Power en matière de résilience. Par exemple, tous les caches de la puce sont protégés contre les erreurs. On n’est pas comme chez Intel où il faut choisir entre la résilience et la performance – au boot d’un serveur Xeon E7, les entreprises peuvent faire le choix entre protéger les caches, ce qui, dans la pratique, divise par deux le cache disponible par CPU,  ou opter pour plus de performances ; ce qui laisse l’ensemble du cache disponible mais sans les mécanismes de redondance, N.D.L.R.

 

 

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