Gestion du personnel IT : une affaire d'agilité ?
Difficultés à recruter, gestion des compétences rudimentaire... il est aussi des petites SSII et PME du secteur IT qui s'efforcent de faire bouger les lignes, sur fond de management agile.
Maintes fois épinglées pour les manquements de la gestion de leur personnel, les SSII et autres PME du secteur IT pourraient-elle mieux tirer parti dans leur GRH des principes de l'agilité ? Des principes et pratiques qu'elles-mêmes (ou au moins certaines d'entre elles) prônent par ailleurs dans leurs prestations techniques ? Telle est, en tout cas, la conviction du tandem constitué par Delphine Roset Dufour (cabinet de conseil Osalys) et Christophe Beheulière (cabinet Clevery Avocats) autour d'une offre d'accompagnement de la GRH ciblée précisément sur les spécificités du secteur IT.
Au départ, un constat récurrent : le déficit d'image et d'attractivité des prestataires IT. Et plus particulièrement des petites sociétés de services, d'ingénierie et d'éditions de logiciel. Soit près de 20 000 PME et TPE qui emploient environ 200 000 personnes (deux-tiers des effectifs de la filière) et surtout qui recrutent en permanence. Non sans difficulté. La faute au « court-termisme » et à une gestion des compétences rudimentaires. Une GRH opportuniste, directement corrélée aux projets en cours, aux contrats à décrocher, voire soumise à la dictature de l'affichage (trimestriel) des résultats.
Y aurait-il donc dans l'ADN des sociétés IT une difficulté particulière à se positionner dans la guerre des talents ? A donner du sens à leur statut de principal pourvoyeur d'emplois cadres ? A le justifier autrement que par un fort turnover ? Et à assurer autrement que par à-coups (vague de recrutements, fidélisation par la surenchère salariale) le renforcement de leurs équipes ? Selon Delphine Roset, il s'agit de « positionner le débat ailleurs », sans fatalisme. Certes, business is business. Même si, pour les prestataires IT gagner des contrats reste lié à la capacité à aligner les compétences voulues, quoi que ces employeurs affichent dans leurs discours de recrutement, force est de constater que la GRH – dans ses diverses composantes – n'est pas leur « cœur de métier ».
Un acte de différentiation
Pourtant, autre constat récurrent, rares sont les pratiques de mutualisation dans ce milieu, ne serait-ce que pour l'externalisation des tâches sans valeur ajoutée de la GRH. Sauf contre-exemple, notamment du côté des jeunes pousses. « Pour celles qui ont moins de cinq ans d'existence, c'est un acte de différentiation. D'autant plus qu'en phase de démarrage ou de première consolidation, l'équipe dirigeante s'aperçoit assez vite qu'elle n'a pas le temps de s'en occuper », observe Delphine Roset. Et d'ajouter, pour avoir elle-même exercé à la DRH de grandes SSII, que quelque soit le périmètre et l'ancienneté de l'entreprise, il y a là aussi une question de méthode. « Le discours actuel autour des talents signifie non seulement de savoir recruter, d'exercer un suivi, de mener des entretiens de carrière, d'animer des formations, et de le faire bien. En structurant, par exemple l'approche du recrutement, à commencer par le fait de bien définir le spectre de compétences que l'on recherche, ce qu'on attend du candidat, essayer d'anticiper la suite, ce qu'on envisage de développer avec lui ou elle », commente la consultante. Autant dire, pour les divers volets de la GRH, tout un ensemble d'actions de fond et de forme à ajuster, à réajuster au fil du temps. Voire au fil de l'eau. Raison pour laquelle, au delà du substrat RH (notamment la compréhension du jeu d'interactions entre individus au sein de l'entreprise selon le modèle « process communication » en vogue chez les DRH), Delphine Roset table sur l'agilité, au sens de processus reconfiguré en continu, itératif, incrémental.
Une adaptation pilotée par des objectifs
« On ne s'engage pas sur un programme dont le seul point de repère est d'aller d'une situation A à B au bout d'un an, mais sur une action et une adaptation progressive pilotée par des objectifs, qui réajuste ses priorités au mois le mois, voire plus fréquemment selon le cas ». Le tout budgété en toute transparence. Et d'autant plus nécessairement flexible que, dans les métiers high tech, l'évolution des technologies imprime son rythme (adaptation des compétences, renouvellement des équipes et de l'organisation, turnover élevé).
Au premier plan de cet accompagnement, la prise en compte du risque social et juridique qui, entre autres points faibles de leur GRH, s'avère souvent le talon d'Achille des petites structures IT. « Des risques et des points qu'ont du mal à gérer les patrons de TPE et PME, j'en vois cent, depuis l'établissement du contrat de travail, la classification, les spécificités de la convention collective, les clauses de non concurrence, les rémunérations variables, et de la communication à élaborer autour de cette multitude de sujets », argumente la consultante, associée pour sa part , et pour cette raison, au cabinet Béheulière Avocats, afin de proposer une « expertise 360° » dans ce domaine.