Cisco : une stratégie de services cloud qui doit encore convaincre
Cisco a annoncé la semaine dernière un investissement de 1 Md$ dans son concept d’Intercloud. Les analystes se montrent encore sceptiques.
Cisco investira 1 Md$ sur les deux prochaines années pour créer ce qu'il baptise le réseau de cloud le plus interopérable, ouvert et étendu du monde dont la vocation est de donner la possibilité aux clients de migrer facilement leurs workloads entre un cloud privé et un cloud public, de site à site et d’un fournisseur à l’autre.
Le groupe envisage de proposer des services d’infrastructure de cloud hybride - ce qu’il baptise « Intercloud » - via un réseau mondial de datacenters - à la fois bâti sur ses propres centres et ceux de fournisseurs tiers.
Lors de l’annonce de ce vaste programme, dévoilé à l’occasion de son Partner Summit qui s’est tenu à Las Vegas la semaine dernière, Cisco s’est également associé à plusieurs partenaires, comme le géant des télécoms australien Telstra, Canopy, un fournisseur de cloud né d’une association entre Atos et EMC, le distributeur mondial, également fournisseur de services cloud Ingram Micro, Logicalis (cloud managé), MicroStrategy, spécialiste de la BI et enfin la SSII indienne Wipro.
Cet Intercloud reposera sur une plate-forme OpenStack, s’adossant à la solution Application Centric Infrastructure de Cisco afin d’optimiser les performances des applications et d’accélérer la mise en place de nouveaux services. Robert Lloyd, président du développement et des ventes chez Cisco, affirme : « nous prévoyons de supporter toute forme de workloads, sur tout hyperviseur et d’être interopérable avec n’importe quel cloud. »
Cisco pense que cette approche axée sur l’ouverture permettra de développer un marché concurrentiel des services cloud en donnant la possibilité aux entreprises de combiner et de migrer les workloads - données et applications - en fonction de leur besoin spécifique en matière de sécurité, dimensionnement, prix, qualité de services et protection des données (la localisation physique des informations).
Dans un billet de blog, Fabio Gori, le directeur monde du marketing cloud chez Cisco soutient quant à lui, que « ce réseau de clouds public, ouvert et mondial, premier du genre, symbolise ce que sera la prochaine étape en matière de Cloud Computing ». « Cela sera un cloud bâti vraiment pour l’Internet des Objets ou Internet des choses, capable de se dimensionner pour supporter des milliards de connexions et des milliards de milliards d’événements, offrant ainsi aux clients une flexibilité jusqu’alors inégalée pour leurs services cloud privés, publics ou hybrides. »
Les analystes restent sceptiques
Cisco a identifié ici une opportunité : de nombreux clients demandent à l’industrie de simplifier le déploiement, la gestion et la migration d’applications et de données vers plusieurs clouds, plusieurs fournisseurs et vers différents types de services. Toutefois, certains analystes pensent que Cisco pourrait avoir des difficultés à obtenir le support des clients - à moins qu’il arrête de flouter sa vision avec un discours marketing et rende sa proposition plus concrète.
« Cela peut être bien, mais je m’interroge sur le message », soutient Clive Longbottom, co-fondateur et directeur du cabinet d’analystes Quocirca. « Cisco tient le sempiternel discours du fournisseur : ‘nous avons la réponse - maintenant quelle est votre problème ?’. Il semble dire que son Intercloud (un terme très second degré) est non seulement une solution magique, mais aussi une panacée universelle. Je pense vraiment qu’il doit maîtriser plus précisément, et clarifier, son discours. »
David Bradshaw, directeur de recherche spécialisé dans les services cloud chez IDC, croit aussi que Cisco doit étoffer son argumentaire avant que l’on puisse juger clairement des avantages pour les entreprises de ce portefeuille étendu de services cloud.
« Nous n’en savons pas encore assez en matière de stratégie pour dire si oui ou non elle sera profitable à Cisco », ajoute Bradshaw. « Un milliard correspond à un lourd investissement pour n’importe quelle entreprise, c’est donc du sérieux, mais passer du statut d’équipementier clé à celui d’offreur de services d’infrastructure cloud veut également dire adopter un modèle économique très différent. Cisco dispose certes d’une solide expérience dans les services cloud et je suppose qu’il sait ce qu’il fait, mais je me demande comment cela va fonctionner. J’aimerais bien connaître la répartition entre cloud privé et public, par exemple. »
Parmi les quelque problèmes que pourrait rencontrer Cisco, il prédit un potentiel conflit entre le groupe et ses partenaires Cloud. « Le groupe positionne son offre sous forme de collaboration avec ses partenaires. Même si c’est censé d’un point de vue stratégique, Cisco doit être prudent et ne pas empiéter sur leurs terres car ils sont également les clients de l’entreprise, qui utilisent ses technologies pour fournir des services cloud », explique-t-il.
En fait, selon les derniers chiffres de Synergy Research Group, Cisco dominait encore le marché de l’équipement d’infrastructure cloud en 2013 avec une part de marché de 14,6%.
Mais ce vétéran de l’industrie a historiquement bien résisté aux acteurs plus jeunes, devenant même la société la mieux valorisée du monde à l’apogée de la bulle des années 2000. Et John Chambers, le CEO de Cisco depuis presque 20 ans, n’est pas quelqu’un que l’on doit sous-estimer.
Même s’il est trop tôt pour affirmer si le groupe détient la bonne formule matière de cloud, une chose est certaine : le chemin vers la terre promise est encore long.
Traduit et adaptée par la rédaction