Green Data Net veut baisser la facture EDF des datacenters de 80%
Financé par l'UE à hauteur de 2,9 M€, le projet de Green IT, Green Data Net veut permettre aux centres de données d’utiliser 80% d’énergie renouvelable pour leur fonctionnement.
Permettre à des centres de données d’utiliser 80% d’énergie renouvelable, tel est l’enjeu des 2,9 millions d’euros que la Commission européenne vient d’injecter dans le projet Green Data Net. Pour prendre la mesure du défi industriel ici lancé, il faut savoir que des panneaux photovoltaïques installés sur le toit d’un centre de données en région parisienne ne fourniraient aujourd’hui que 1 à 1,5% de l’énergie qu’il consomme.
En cause, l’énergie produite dans ce cas dépend de l’ensoleillement, celle consommée dépend de la charge de calcul et il est extrêmement rare que les deux aient leur pic d’activité en même temps. Pour franchir l’énorme pas des 79% d’électricité verte manquants, le projet Green Data Net entend stocker l’énergie produite localement sur des batteries de voitures électriques et mettre en œuvre de nouveaux algorithmes pour la distribuer au bon moment aux centres de données qui en ont le plus besoin.
« Désormais, les centres de données avalent 2% de la production mondiale d’électricité et tout porte à croire que leur besoin va encore augmenter. L’idée de notre projet est de leur permettre de puiser de l’énergie ailleurs que dans le réseau de distribution classique », commente Cyrille Brisson, vice-président en charge de la division Power Quality chez le fabricant de matériel électrique Eaton, à la tête du consortium qui mène ce projet. Les autres membres sont l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), le Crédit Suisse, le CEA, l’université italienne de Trente et le constructeur automobile Nissan.
Alimenter les datacenters avec les moteurs des voitures électriques
Pour Nissan, qui se targue d’avoir déjà vendu 20.000 voitures électriques en Europe, ce projet est avant tout une aubaine pour recycler les batteries de ses véhicules lorsqu’ils seront en fin de vie. Comme l’impose la réglementation européenne.
« Au fil du temps, les moteurs électriques perdent de l’autonomie et nos clients sont susceptibles de nous demander de les changer lorsqu’ils ne leur permettent plus de parcourir suffisamment de kilomètres. Mais ce sont des batteries qui peuvent encore servir pendant des années pour stocker de l’énergie dans les centres de données », explique Redmer van der Meer, directeur Europe des projets chez Nissan.
Selon lui, quatre à huit moteurs électriques seraient suffisants pour alimenter tout un centre de données, « quoique cela dépende beaucoup de ce que Eaton parviendra à récupérer de nos batteries pour le redistribuer aux serveurs », ajoute-t-il. Problème, les moteurs électriques de Nissan sont prévus pour durer 14 ans dans les véhicules et, sauf accidents, on ne les verra pas arriver dans les centres de données avant 2027.
Ne plus climatiser et suivre le soleil
D’ici là, le consortium espère faire déjà des progrès dans la réduction de consommation électrique des centres de données, pour réduire la facture dès 2015 et, à terme, allonger l’autonomie des batteries entre chaque recharge. Les recherches menées à l’École polytechnique fédérale de Lausanne visent à industrialiser un système de refroidissement à eau en circuit fermé directement sur les processeurs des serveurs.
« Aujourd’hui, seuls IBM ou Bull font ce genre de choses pour leurs propres machines. Nous voulons proposer un modèle qui s’adapte sur les matériels de tous les constructeurs », explique Fabrice Roudet, en charge des solutions d’automatisation du centre de données chez Eaton. L’idée ? Se passer totalement de climatisation, laquelle accapare la moitié de l’électricité consommée dans un centre de données.
Autre projet en cours dans le laboratoire, des sortes de pince-à-linge Wifi qui mesurent la tension sur le câble électrique de chaque rack selon son rayonnement magnétique. « Chaque capteur remonte l’information à une console qui affiche une carte de la consommation électrique dans le centre de données. Selon les seuils, l’administrateur transférera ses machines virtuelles d’un rack à l’autre, soit pour en éteindre certain, soit pour équilibrer leurs charges dans la configuration qui utilise le moins de courant », détaille Fabrice Roudet. Et de préciser que ces capteurs sont eux-mêmes alimentés par le rayonnement magnétique des câbles.
Plus qu’un simple gadget, ce dispositif devrait surtout présenter un intérêt pour les opérateurs de cloud qui disposent d’un parc de centres de données répartis en divers endroits de la planète et qui sont susceptibles de glisser régulièrement leurs machines virtuelles dans les centres qui, à tour de rôle, peuvent exploiter le maximum d’énergie renouvelable. Par exemple, ceux où il fait suffisamment jour pour s’alimenter avec des panneaux photovoltaïques, ou ceux qui viennent d’emmagasiner beaucoup d’énergie issue des éoliennes suite à de forts vents.
D’abord vendre une solution d’économie d’énergie
Dans ses cartons, Eaton prévoit de fournir d’ici à l’année prochaine tous les matériels et les logiciels nécessaires pour automatiser les bonnes pratiques de réduction de consommation électrique. On devrait même voir arriver une plateforme Open source censée permettre à tous les fabricants d’écrire des plug-ins pour que leurs serveurs, leurs baies de stockage, leurs commutateurs réseaux soient pris en charge par la plateforme d’Eaton.
Cyrille Brisson imagine que le projet va susciter l’interconnexion de centres de données autour de parcs d’éoliennes pour réaliser des économies collectives. Mais l’exploitation de l’énergie renouvelable stockée, bien qu’elle soit mise en avant, n’arrivera que des années plus tard. De plus, les centres de données français ont un problème : ils n’ont à l’heure actuelle pas le droit d’acheter directement leur électricité à un producteur d’énergie verte. Ils devraient donc installer eux-mêmes des parcs d’éoliennes ou de panneaux photovoltaïques.
Sur le marché des équipementiers électriques pour centres de données, l’américain Eaton est en concurrence avec son compatriote General Electric, l’allemand Siemens, le suisse ABB et le français Schneider Electric. Mais comme aucun ne détaille ses résultats par division et que tous ont par ailleurs des activités très variées, il n’est pas possible de savoir précisément qui mène le marché.