Vivendi privilégie sa stratégie financière au mécano industriel de Bouygues
En se prononçant pour des négociations exclusives avec Altice, la holding qui contrôle Numéricable/Completel, Vivendi poursuit sa logique financière et écarte le mécano industriel imaginé par Bouygues et Free.
Le conseil de surveillance de Vivendi s’est prononcé ce matin en faveur de l’offre d’Altice, en décidant d'entrer en négociations exclusives avec Altice, la holding dirigée par Patrick Drahi, pour la cession de sa filiale de téléphonie SFR. Les négociations entre les deux firmes devraient donc se poursuivre au cours des trois prochaines semaines et si elles aboutissent donner naissance à un nouveau géant du fixe et du mobile français.
En cours de démantèlement, (il a déjà cédé Maroc Télécom et sa filiale jeu électronique) Vivendi a donc fait le choix de poursuivre sa stratégie financière, plutôt que de participer au mécano industriel imaginé par Bouygues et Free.L’offre d’Altice, qui vise à fusionner le couple Numéricable/Completel avec SFR valorise SFR à environ 15 Milliards d’euros, dont 11,75 milliards en numéraire, complétés par 32 % du capital dans le nouvel ensemble né de la fusion. Au terme du processus, Vivendi poursuivrait son recentrage sur le secteur des médias (ce qui devrait potentiellement l’amener à étudier une éventuelle cession de son dernier actif dans les télécoms, sa filiale brésilienne GVT).
Un camouflet pour Bouygues et le gouvernement
Le choix de Vivendi est un camouflet pour Bouygues qui avait tenté de prendre l’ascendant en revalorisant son offre à 15,5 Md€ (dont 11, 4 Md € en cash) et pour le gouvernement, qui soutenait le mécano industriel imaginé par Bouygues et Free. Ce mécano aurait permis à Bouygues Telecom de fusionner avec SFR et de céder son réseau mobile actuel à Free pour 1,8 Md€. Free aurait fait là une bonne affaire en mettant la main à bon compte sur un réseau déjà déployé et en accélérant sa montée en puissance dans le mobile.
Clairement une fusion entre Bouygues Telecom et SFR aurait créé des doublons multiples en matière d’effectifs dans l’univers du mobile, notamment sur le plan des équipes opérant le réseau mais aussi en matière de réseau d’agence. Mais les éventuels dégâts auraient été compensés par la promesse de Free d’embaucher plus de 1000 personnes pour la gestion du nouveau réseau hérité en cascade de Bouygues Telecom.
Numéricable - SFR : une fusion pas si simple que celà
La fusion avec Numéricable promet elle aussi d’être un joli casse-tête. Tout d’abord parce que la fusion de l’ensemble Numéricable Completel avec SFR promet de générer de copieux doublons dans le fixe, Numéricable/Complétel et SFR disposant de réseaux largement redondants en matière de fibre optique et d’accès DSL. Pire en fusionnant avec SFR, Numéricable hérite de l’accord de mutualisation d’infrastructures mobiles signé entre SFR et Bouygues, ce qui promet sans doute de belles passes d’armes dans les mois à venir entre les deux groupes.
Dans tous les cas, la fusion Numéricable/Completel – SFR devra obtenir l’aval de l’Arcep et de l'Autorité de la concurrence, deux autorités qui devraient subir des pressions massives de la part du gouvernement afin de s’assurer que la fusion n’aura pas d’impact sur l’emploi et sur le déploiement de la fibre au niveau national. Il est à noter que l’Autorité de la concurrence affichait a priori une position très négative vis-à-vis d’une fusion Bouygues Telecom – SFR qui aurait ramené la concurrence dans le mobile à trois opérateurs. En décembre son président, Bruno Lasserre, avait ainsi averti que « certaines configurations de rapprochement se heurteraient à un refus net de notre part ». La position de l’autorité, pour le coup très dogmatique, était semble-t-il l’un des gros obstacles à un rapprochement Bouygues Télécom – SFR.
Clairement l’intense campagne de Lobbying de Bouygues qui avait non seulement réussi à rallier à sa cause le gouvernement mais aussi son plus farouche concurrent, Free (pour le coup pas désintéressé) a échoué. Le groupe en paie le prix. À l’heure de la rédaction de cet article, le cours du groupe en bourse recule de 3,8% après s’être régulièrement apprécié au cours des derniers jours. Iliad, la maison mère de Free, voit quant à elle son cours chuter de 5,45%. Victime collatérale, Orange, qui aurait sans doute profité indirectement d’une réduction à trois acteurs du marché de la téléphonie mobile perd 2,81%. À l’inverse l’action de Numéricable progresse de 12,88% après avoir gagné jusqu’à 20,2% lors de l’annonce de Vivendi.