Internet des objets : « Continuer de parler du frigo connecté prouve qu’on n'a rien compris »

Les entreprises ont encore du mal à comprendre les bases fondamentales des objets connectés. Ce constat est à peu de choses près celui d'un précurseur de ces objets, Rafi Haladjian, lors des TechDays 2014. Ses réflexions sont toujours pertinentes aujourd'hui.

Rafi Haladjian est ce que l’on appelle « un bon client ». Créateur du lapin Nabaztag et de Sen.se, une plateforme « agnostique » pour recueillir et traiter les données des objets connectés, il a un franc-parler provoquant mais stimulant.

Présent aux TechDays pour « Mother », sa nouvelle création (des capteurs passe-partout à apposer sur des objets « classiques ») ainsi que promouvoir l’ouverture technologique et l’interopérabilité dans l’« Internet des Objets », l’expert entrepreneur a rappelé aux professionnels quelques vérités qui lui semblent incontournables.

La notion d'usage prime sur tout

La première d’entre elles étant que les usages priment sur tout. Imaginer des solutions à des problèmes, voilà le défi principal de ceux qui veulent se lancer dans les objets connectés. D’autant plus que les technologies arrivent à maturité (comme le confirme par ailleurs SAP). Que ce soit dans les capteurs eux-mêmes, dans la transmission (Li-fi, Bluetooth 4.0, 4G, etc.) ou côté back-end en mode externalisé (Windows Azure, AWS, Sen.se, etc.) ou géré de A à Z (MessageSight d’IBM, HomeOs de Microsoft Research, etc.).

« Le fait que l’on continue de parler de frigos connectés qui font les courses ou qui vous envoient une notification parce que vous n’avez plus de yaourt prouve que l’on n’a toujours rien compris à la notion d’usage » explique Rafi Haladjian au MagIT. « Et les Cornflakes ? Il les gère comment le frigo ? ».

Le smartphone n'est pas la pierre angulaire de l'IoT

Une autre idée lui semble mauvaise : celle de lier ces objets aux téléphones.

« Aujourd’hui on fait surtout des télécommandes Bluetooth », avance-t-il dans un échange sur un objet à la mode uniquement compatible avec les produits Apple de dernière génération. « Faire des objets qui parlent à des smartphones c’est débile ! Ce n’est pas le sens de l’histoire… Nous allons vers un monde sans smartphone. C’est difficile à imaginer, je sais… Mais tout comme il était difficile d’imaginer il y a quelques années que la télévision ne serait plus centrale. L’horizon des objets connectés c’est le Cloud et les Web Apps, pas tel ou tel téléphone ».

Générer des informations, pas des données

Autre point que les entreprises auraient encore du mal à comprendre, l’impérieuse nécessité de « mettre de l’intelligence » pour que les projets soient pertinents. « Il faut que les objets donnent de l’information à valeur ajoutée. Et uniquement cette information », synthétise-t-il. « Le but n’est pas de savoir combien de fois une porte s’est ouverte, mais quand elle ne s’est pas ouverte alors qu’elle aurait dû. Sinon nous serons bombardés d’alertes en continue et on se lassera ».

Faire des objets connectés sans réflexion sur les problèmes résolus, sur la manière de modéliser une information à partir de données ou sur les implications industrielles (« au bout de combien de frigos connectés vendus pensez-vous que les fabricants de yaourts vont décider d’assumer le surcoût d’une puce RFID sur chaque pot ? ») aurait donc peu d’intérêt. Pourtant, aujourd’hui, trop peu d’entreprises mèneraient cette réflexion globale. « On n’y est pas encore, c’est l’Internet de 1997 ».

Faire différent, mais dans la continuité des activités actuelles

La faute en partie à une confusion dans l’esprit des industriels qui séparent leur activité d’un côté et les objets connectés d’un autre. « Mais les objets connectés ne sont pas une catégorie commerciale à part. C’est un peu comme si on parlait d’objets électriques. Vous imaginez une boutique spécialisée en « objets électriques » qui vendrait aussi bien des TGVs que des brosses à dents ? ».

Résultat, beaucoup d’objets connectés ont pour seul intérêt… d’être connectés. Et, comme le frigo qui énerve Rafi Haladjian depuis deux ans, ils ressemblent à des diversifications factices plutôt qu’à une évolution du cœur de métier de ceux qui les imaginent.

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