Jean-Noël de Galzain, Wallix : « il faut faire confiance à nos entreprises »
Président fondateur de Wallix, Jean-Noël de Galzain revient avec la rédaction sur la création d’Hexatrust, club de la sécurité made in France.
LeMagIT : Pourquoi avoir entendu l’automne 2013 pour créer Hexatrust ?
Jean-Noël de Galzain : Il y a eu des initiatives de ce type-là évoquées auparavant. Mais cela ne s’était pas concrétisé. Ceux qui en étaient à l’origine n’ont pas forcément rencontré l’adhésion nécessaire pour aller plus loin. Mais peut-être ce temps était-il nécessaire pour parvenir à l’acceptation du fait que l’on ne réussit pas tout seul. On a une tendance - c’est un problème culturel en France - à avoir chacun notre petite activité dans notre coin, à être très gaulois, et à avoir du mal à partager. Il a fallu au-delà de ça, dépasser les individualités.
LeMagIT : Il fallait un catalyseur extérieur, comme Prism, pour cela, ou certaines individualités s’effacent à l’occasion de rachats ?
Jean-Noël de Galzain : Il fallait aussi trouver une règle de gouvernance qui permette de dépasser cela. Et Hexatrust apporte cela. On l’a construit de manière à ce que chacun accepte une règle commune qui ne soit pas au détriment de son individualité. On s’est ainsi accordé par exemple pour ne pas prendre deux, trois ou quatre entreprises sur le même sujet; on va essayer d’avoir des entreprises aux offres et aux profils complémentaires.
Et il y a un constat de marché. Typiquement, Wallix est sur un marché où la concurrence est étrangère et où il n’y a pas encore de leadership établi. Il y a donc une place à prendre. Pour cela, il faut aller vite. Et cette course passe par le fait de convaincre les clients de ne pas aller chercher à l’extérieur ce que l’on a à l’intérieur. Cette course au développement d’un réseau de revendeurs en Europe et dans le monde entier, c’est la dynamique qui compte pour les membres d’Hexatrust. Pour y arriver, il faut des partenaires, technologiques, marketing, avec OpenTrust ou Ilex pour Wallix.
Fallait-il attendre que Cassidian rachète NetAsq et Arkoon pour bouger ? Cassidian avait une stratégique consistant à racheter des acteurs en France et en Europe pour pouvoir construire une offre alternative. Il se trouve que nous sommes des entrepreneurs, des PME, et nous sommes conscients que nos offres intéressent de tels acteurs. Mais nous sommes également conscients du fait que ce n’est pas forcément le métier d’un intégrateur, d’un distributeur ou d’un professionnel de l’aéronautique de construire cette agglomérat. Ça n’engage que moi, mais je ne crois pas que Cassidian soit un éditeur. Je crois donc pas à la logique d’une fédération de NetAsq et d’Arkoon au sein d’un intégrateur qui va aller chercher d’autres éditeurs. Ce n’est pas ce qui nous a motivés pour créer Hexatrust, mais on espère prouver que si les grands clients publics et privés font confiance à nos solutions, le ou les futurs grands acteurs que tout le monde attend sont peut-être déjà au sein d’Hexatrust. Mais cet émergence ne se fera pas sous l’effet de la volonté d’un financier ou d’un grand industriel; cela se fera par la capacité des grands clients à confier leurs projets de sécurité à nos entreprises.
LeMagIT : Est-ce que le rôle d’Hexatrust est, à terme, de construire des offres intégrées comme celle que vient de lancer Exclusive Networks avec Carm ?
Jean-Noël de Galzain : Il existe aujourd’hui des acteurs dans la distribution ou dans l’intégration, comme Exclusive Networks, mais aussi Atheos, récemment racheté par OBS, dont le métier consiste à fédérer des offres, en général américaines ou israéliennes, pour les proposer à des clients. Au sein d’Hexatrust, nous sommes d’abord des éditeurs. On se regroupe et on va faire l’effort de rendre nos offres compatibles. Nous avons en outre plusieurs projets collaboratifs d’innovation qui vont combiner nos technologies pour répondre encore mieux à un certain nombre de menaces qui pèsent sur des grands donneurs d’ordres publics et privés. Au-delà, nous n’avons pas l’intention de ne travailler qu’entre éditeurs. Nous avons commencé à rencontrer des intégrateurs avec lesquels on va bâtir un partenariat qui sera, pour le coup, très différenciant. Parce que la logique qui consiste à combiner des offres étrangères, c’est ce qui se fait depuis quinze ans. Là, on apporte des composants français, et de très grande qualité. Nous allons faire cela avec des distributeurs et intégrateurs français, mais également internationaux, qui sont à la recherche d’offres alternatives. Après l’affaire Snowden, certains grands donneurs d’ordres dans le monde entier ne veulent plus de solutions américano-israéliennes du fait de la menace que représentent les activités de la NSA. Ils veulent pouvoir choisir.
LeMagIT : La créaction d’Hexatrust n’est-elle toutefois pas une réaction à une logique très française consistant à pousser à l’émergence de grands champions quitte à étouffer un écosystème ?
Jean-Noël de Galzain : Il est vrai qu’un certain nombre d’industriels réclament l’existence d’un grand acteur de la sécurité informatique. Mais existe-t-il aujourd’hui, ailleurs dans le monde, de grands industriels ayant réuni tous les acteurs de niche ? Non. Sophos, avec Apax Partner, s’en rapproche un peu. Mais c’est loin d’être le modèle dominant. Il y a donc de la place pour des acteurs de niche. J’estime par exemple, avec Wallix, disposer d’une offre suffisamment différenciante, d’une équipe suffisamment performante, et d’investisseurs suffisamment solides pour prendre une place de leadership européen voire mondial, sur mon domaine. Et ce n’est pas un cas isolé au sein d’Hexatrust. Ce qui manque à nombre de nos membres, c’est la confiance. Il faut que nos grands donneurs d’ordres nous fassent confiance. Et ce n’est pas valable que dans le domaine de la sécurité informatique ; c’est valable dans tous les secteurs émergents sur lesquels on a du mal à développer des acteurs de taille internationale. Il nous manque un small business act. Il en existe un au niveau européen, mais il faut une volonté des dirigeants des gros industriels, des grandes banques, des grands acteurs publics d’aller consommer des produits européens et français lorsqu’ils répondent aux besoins. C’est extrêmement important, et pas que pour nous entrepreneurs, mais aussi pour le pays, pour sa compétitivité.