Le numérique français s’insurge contre le projet de loi de programmation militaire
Alors que doit commencer ce mardi 10 décembre l’examen par le Sénat du projet de loi de programmation militaire, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer les risques associés aux dispositions de son article 13.
L’Asic (Association des sites Internet communautaires) et la Quadrature du Net n’ont pas trainé pour réagir auprès l’adoption en première lecture par l’Assemblée Nationale du projet de loi de programmation militaire pour la période 2014-2019. Et c’est son article 13 (voir encadré) qui cristallise les inquiétudes (voir encadré). Ainsi, dans un communiqué, la Quadrature du Net estime qu’il « organise la généralisation de la surveillance en temps réel des informations et documents traités et stockés dans les réseaux, ce qui concerne potentiellement les données de tous les citoyens ». Et de relever que le projet de loi dispose que les requêtes d’accès à ces données « peuvent être émises par de nombreux ministères », depuis la Défense jusqu’aux Finances, allant « au-delà de ce qui est nécessaire à l’objectif poursuivi de protection des citoyens », selon l’association.
Ce que dit l'article 13
« Afin de prévenir les actes de terrorisme, les agents individuellement désignés et dûment habilités des services de police et de gendarmerie nationales spécialement chargés de ces missions peuvent exiger des opérateurs et personnes mentionnés au II de l'article L. 34-1 la communication des données traitées par les réseaux ou les services de communications électroniques de ces derniers, après conservation ou en temps réel, impliquant le cas échéant une mise à jour de ces données. »
Le think tank Renaissance Numérique ne dit pas le contraire. Dans un billet de blog, il relève « trois arguments » contre l’article 13 : « parce que cette loi permet une surveillance accrue et généralisée des citoyens, […] les acteurs de l’Internet, les garants administratifs et associatifs de défense des droits et libertés informatiques doivent être entendus. […] Parce que la loi permet d’accéder aux données de connexion et aux contenus dans des conditions déjà déclarées anticonstitutionnelles par le Conseil constitutionnel en 2011 », lors des débats sur la loi Loppsi 2, faute de sollicitation de l’autorité judiciaire pour l’émission de requêtes d’accès aux données personnelles.
Menace économique
Les inquiétudes quant à l’impact économique du scandale Prism, outre-Atlantique, ne semblent pas encore atteindre les parlementaires français. Mais les acteurs nationaux du numérique y semblent particulièrement sensibles. L’Asic s’inquiète ainsi de dispositions « qui, si elles sont adoptées, pourraient mettre en péril l’écosystème innovant mais fragile de l’économie numérique en France », en provoquant « un déficit de confiance vis-à-vis des solutions nationales d’hébergement ».
Même son de cloche du côté de Syntec Numérique. Dans un communiqué, la chambre syndicale des SSII relève que, « sans que les représentants du secteur aient été consultés, le cadre juridique de l’accès aux données [se] trouve profondément modifié » par les dispositions de l’article 13 du projet de loi. Syntec numérique relève lui aussi « les vices d’inconstitutionnalité possibles entachant ce dispositif » ainsi que le risque économique potentiel « pour l’offre numérique française, en plein essor, notamment de services Cloud, en pouvant contrarier la confiance des utilisateurs et des clients de ces services ». Le syndicat demande « que le Conseil National du Numérique puisse être saisi sur ces dispositions et ainsi organiser une consultation ». Et tant pis si cela implique de ralentir le processus parlementaire.