Le serious game en quête de maturité
Le rendez-vous annuel des serious games à Lyon, Serious Game Expo, a été l’occasion de faire le point sur les possibilités attrayantes de ces outils de formation, de simulation et de communication, issus de l’univers des jeux. Ces logiciels qui intéressent beaucoup les acteurs de la formation ne sont pas encore arrivés à pleine maturité et restent encore couteux pour les plus sophistiqués.
A la croisée du secteur des jeux, de la simulation 3D, des tutoriels et des outils de communication, les serious games se sont réellement développés en France à partir de 2009 dans un marché qui pesait fin 2011, 47 millions d’euros, selon l’Idate. Vincent Leclercq, directeur de Pictanovo, organisme chargé du soutien au cinéma en région Nord-Pas de Calais, décrit les pré-requis pour créer un bon serious game: « le jeu doit être un vrai jeu, avec des règles, un objectif, un contexte, ainsi qu’une histoire, une mesure de performance et une ergonomie adaptée. »
Dans la pratique, on distingue les advergames, jeux dont l’objectif est de communiquer sur une marque ou un produit et les outils de formation ou de simulation temps réel. Les grandes entreprises comme EDF, Total Renault, Axa, la SNCF, Société Générale, BNP Paribas, la Macif font aujourd’hui appel à des serious games pour sensibiliser et former, par exemple, leurs forces commerciales à la maitrise de l'argumentaire client, ou encore, sensibiliser les directeurs d'agence ou les responsables logistiques à la gestion d'équipe. EDF a confié à Ekis, filiale du groupe Akka Technologies, le soin de créer un jeu, hébergé sur une plateforme interne, permettant au personnel d’une centrale nucléaire de se familiariser avec les procédures de contrôle. Total forme ses équipes au Nigéria sur un serious game de KTM Advance qui complète le tutoriel classique sur SAP en aidant les utilisateurs sur des points particuliers. Côté médical, la société MEDUSIMS, en collaboration avec AstraZeneca édite SCA Life (en illustration), un outil de simulation développé par Serious Factory, que les médecins utilisent pour traiter les syndromes coronariens aigus (SCA). A la fin de chaque session, un système d’évaluation personnalisé permet à l’apprenant d’apprécier ses choix thérapeutiques et d’accéder à une recommandation rédigée par le comité scientifique à l’origine des cas cliniques proposés.
La complexité de la définition des parcours pédagogiques
De nombreux serious games sont utilisables en ligne et par conséquent exécutables sur toutes les plateformes utilisateurs (Mac, PC) et sur tablettes. Il est maintenant possible de créer son propre jeu en utilisant le 1er système auteur en France, iTyStudio d’ iTyCom, une plateforme en ligne qui s’adresse à des concepteurs pédagogiques, experts métier ou formateurs pour scénariser, créer des scènes et contrôler les résultats. Le coût de l’abonnement varie de 100 € /mois (10 participants) à 3000 € par mois (5000 personnes). L’exportation d’un projet vers un autre LMS (Learning Management System) coute de 500 € à 4600 €.
Si l’aspect ludique et l’immersion en temps réel dans des scènes en 3D sont indéniablement attrayants et efficaces en termes de mémorisation des connaissances, deux points cruciaux freinent le développement des serious games. D’abord la complexité de l’intégration des parcours pédagogiques spécifiques qui nécessitent des compétences spécifiques. D’après les participants, ainsi que les nombreuses démonstrations entrevues lors de l’événement, la mise en place de scenarii orientés métier reste encore une des bêtes noires des serious games. Quel scenario pour définir quel parcours ? Comment orchestrer chaque étape dans le cycle d’apprentissage ? Comment créer un environnement graphique efficace en termes pédagogiques ? Autant de questions nécessitant une expertise qui peut encore faire défaut. C’est notamment le cas pour l’apprentissage des langues, domaine pour lequel il existe une vraie demande.
Ensuite la problématique du coût élevé de mise en place d’un serious games. Avec des prestations pouvant atteindre 200 000 euros pour un jeu sur mesure, ces projets restent encore hors de budget des petites entreprises et trouvent pour l’heure un seul écho auprès des grands comptes, pour notamment articuler leur stratégie RH.